SI1, conj.
Étymol. et Hist. I. Introd. une prop. hyp.
A. l'hyp. conditionne un procès dont la réalisation est probable dans le présent ou l'avenir, ou qui est simplement visé dans un avenir proche ou lointain
1. la sub. est à l'ind.
a) 842 à l'ind. prés.; la régissante, au fut.; antériorité logique de l'hyp. par rapport à la conséquence qui en est tirée (
Serments de Strasbourg ds
Henry Chrestomathie, p. 2, 19-22:
Si Lodhuuigs sagrament que son fradre Karlo iurat conseruat, et Karlus meos sendra, de suo part non lo
209s tanit,
si io returnar non l'int pois [...], contra Lodhuuuig nun li iu er [pour le mode et le temps de
tanit, v.
ibid., notes, p. 9, 20; R.-L.
Wagner,
Phrases hyp., Paris, 1939, p. 93;
G. de Poerck ds
Vox rom. t. 15 1956, pp. 211-214]); fin
xes. (
Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 461 :
Si alcuns d'els beven veren, Non aura mal);
ca 1100
se (
Roland, éd. J. Bédier, 87; 615);
b) ca 1050 la régissante est également à l'ind. prés. (
St Alexis, éd. Chr. Storey, 60:
S'or ne m'en fui, mult criem que ne t'em perde; 100);
ca 1100
si;
se (
Roland, 316; 987);
c) id. la régissante est à l'impér. (
ibid., 273: N'en parlez mais,
se jo nel vos cumant);
d) id. la régissante est au subj. prés. de volition (
ibid., 3897: Tut seie fel,
se jo mie l'otrei!);
e) ca 1225 la sub. et la régissante sont au fut. [surtout en agn.,
Moignet 1973, p. 243] (
Auberon, éd. J. Subrenat, 947);
2. après une régissante nég., l'hyp. nég. ell. du verbe, exprime une notion d'exception, de restriction:
si ... non ca 1100 (
Roland, v.
non I C), v. aussi
sinon.
B. L'hyp. conditionne un procès présenté comme éventuel
1. a) la sub. est à l'imp. de l'ind.
α) 937-52 la régissante est à la forme en
-roie (fut. hyp.); le rapport des temps marque l'antériorité logique de l'hyp. (
Jonas, éd. G. de Poerck, 182: por icel edre es mult iret [...] in qua non laborasti neque fecisti ut cresceret [...] e jo ne dolreie de tanta milia hominum
si perdut erent? [
cf. Jonas IV, 10-11] v. R.-L.
Wagner,
op. cit., p. 41 et p. 303);
ca 1130 (
Gormont et Isembart, éd. A. Bayot, 305; 427);
ca 1135 (
Couronnement de Louis, éd. Y. G. Lepage, réd. AB, 585);
β) ca 1130 la régissante est à l'ind. prés., le fait est présenté comme indubitable (
Gormont et Isembart, 215:
Se tu esteies ore occis, Dunc n'ai jeo mais suz ciel ami);
b) ca 1100 la sub. est au subj. imp.; la régissante à la forme en
-roie surtout dans les textes agn. (
Roland, 1804 :
Se veïssum Rollant einz qu'il fust mort, Ensembl'od lui i durriums granz colps);
ca 1170 (
Marie de France,
Lais, éd. J. Rychner,
Equitan, 96);
2. la sub. et la régissante sont à l'imp. du subj.: expr. de l'atténuation déférente dans l'époque présente ou future du locuteur
ca 1050 (
St Alexis, 202:
Se tei ploüst, [i]ci ne volisse estra; v. R.-L.
Wagner,
op. cit., p. 36);
ca 1135 (
Couronnement de Louis, réd. AB, 1549:
se j'osasse perler, Ge demandasse).
C. L'hyp. est présentée comme non éventuelle, sans perspective d'avenir
1. irréel du passé
a) la sub. est à l'imp. du subj.
α) ca 1050 la régissante, de même;
set (
St Alexis, 448 :
Set a mei sole vels une feiz parlasses, Ta lasse medre, si la [re]confortasses);
id. se (
ibid., 486);
ca 1100 (
Roland, 1717);
β) ca 1050 la régissante est au p.-q.-parf. du subj. (
St Alexis, 490:
Si me leüst, si t'oüsse guardét);
ca 1100 (
Roland, 1728);
b) la sub. est au p.-q.-parf. du subj.
α) ca 1150 la régissante est à l'imp. du subj. (
Thèbes, éd. G. Raynaud de Lage, 775:
S'il eüssent juré lor mort, Ne se combatissent plus fort);
ca 1180 (
Marie de France,
Fables, éd. K. Warnke, III, 36);
β) ca 1160 la régissante est au p.-q.-parf. du subj. (
Eneas, éd. J. J. Salverda de Grave, 6941:
Se ne vos eüsse atendu, Contr'els fusson la fors issu, Ja n'eusson ocis treis cenz); 1160-74 (
Wace,
Rou, éd. A. J. Holden, III, 7047);
c) la sub. est au p.-q.-parf. de l'ind.
α) 1160-74 la régissante est à la forme en
-roie comp.; la conséquence, comme l'hyp. se réfère au passé (
Id.,
ibid., 5488: Mult lor sereit mesavenu
S'il aveient le rei perdu; v. le comment. de R.-L.
Wagner,
op. cit., p. 245);
ca 1200 (
Aiol, éd. J. Normand et G. Raynaud, 2592:
S'ele avoit son coutel grant acheré, Son ronchi li aroit ja escoué),
cf. R.-L.
Wagner,
op. cit., p. 454;
acheré élém. verbal ou adj.?; déb.
xives. (
Anc. Coutumier de Picardie, éd. J. Marnier, p. 130,
ibid., p. 246);
β) 1176-81 la régissante est à la forme en
-roie simple, la conséquence étant contemp. du locuteur (
Chrétien de Troyes,
Chevalier au lion, éd. M. Roques, 3532:
Se ele an et alee fors, Ne seroit pas en tel martire);
2. irréel du prés.
a) ca 1100 la sub. et la régissante sont à l'imp. du subj. (
Roland, 1769: Jo oi le corn Rollant! Unc nel sunast,
se ne fust cumbatant; 3764);
b) 1176 le verbe de la sub. est à l'imp. de l'ind.; celui de la régissante, à la forme en
-roie (
Chrétien de Troyes,
Cligès, éd. A. Micha, 509: Donc porroie molt petit
Se de moi puissance n'avoie!).
D. Introd. une formule de souhait; mode subj.
ca 1150
se + suj. + verbe (
Charroi de Nîmes, éd. D. McMillan, 382:
se Dex m'aïst [
cf. ibid., 582: si m'aïst Diex, v.
si32]);
ca 1135 (
Couronnement de Louis, réd. AB, 168:
se Dex me beneïe!), empl. équivoque où
se, bien qu'étant à l'orig. à identifier avec
si adv. en tête d'une prop. en parataxe, se rapproche de la conj. hyp. au point d'avoir pu être confondu avec elle, v.
Moignet 1973, p. 340 et
Id. ds
Trav. Ling. Litt. Strasbourg t. 15, 1, pp. 272-273.
E. Introd. une formule de regret [souhait accompagné d'une expr. d'insatisfaction; v.
Ménard Synt. 1973, § 267c, rem.]; imp. du subj. 1174-77 (
Renart, éd. M. Roques, 4468: Renart, [...] Voirement estes mes comperes,
Se vos ne feüsiez si lierres).
F. Empl. subst.
α) ca 1274 « restriction, condition restrictive »
par un si que... (
Adenet le Roi, Berte, éd. A. Henry, 1700); fin
xiiies.
par nul si (
Chastelain de Couci, éd. J. E. Matzke et M. Delbouille, 485);
β) 1546
des si et des mais « des objections » (
Rabelais, Tiers Livre, X, éd. M. A. Screech, p. 80, 11);
γ) 1718 « hypothèse, supposition » (
Ac.: avec un
si on mettroit Paris dans une bouteille).
II. La prop. introd. par
si n'a pas valeur hyp.
A. si introd. une concess., une adversative
1. 2
emoit.
xes. valeur concess. « bien que, malgré que » mode ind.
sed (
St Léger, éd. J. Linskill, 169:
Sed il non ad lingu'a parlier [Lethgiers], Deus exaudis lis sos pensaez; 171; 173);
2. ca 1100 valeur adversative, d'oppos.; mode ind. (
Roland, 1913:
Se fuït s'en est Marsilies, Remés i est sis uncles; 2905);
ca 1150 (
Charroi de Nîmes, 1336; 1345);
3. ca 1170 marque à la fois condition et oppos. « même si »
a) mode ind. (
Marie de France,
Lais, Yonec, 123: Gentil oisel ad en ostur!
Se li segred vus sunt oscur, Gardez ke seiez a seür!);
b) ca 1176-81 mode subj. (
Chrétien de Troyes,
Chevalier au lion, 552: Le chevalier siudre n'osai [...] Et,
se je bien siudre l'osasse, Ne sai ge que il se devint).
B. Introd. une interr.; mode ind.
1. fin
xes. interr. indir. (
Passion, 180: Si conjuret [...] Que
209llor dissest per pura fied
Si vers Jesus, fils Deu, est il);
ca 1050 (
St Alexis, 128:
Set il fut graim, ne l'estot demander); spéc.
a) ca 1150 avec ell. du verbe d'interr. (
Wace,
St Nicolas, éd. E. Ronsjö, 1405: Li reis [...] I envëad [...] Un prodome, par espison,
Si a);
b) 1673 transformée en interr. dir. reprenant la question ant., p. ell. du verbe d'interr. (
Molière,
Malade imaginaire, I, 5: Vous avez donc guéri de ces maux quelquefois? − Moi?
si j'en ai guéri...! ah! vraiment je le crois);
2. ca 1170 interr. dir. [en l'absence de verbe princ. de sens interr.] (
Chrétien de Troyes,
Erec, éd. M. Roques, 1110: Dame, fet il,
s'il vos remanbre del nain qui hier vos correça...?);
xiiies.
ou se introd. le second membre d'une double interr. « ou est-ce que » (
Isopet de Lyon, 1702 ds T.-L., 287, 46: ,,dis nous`` font il ,,es tu trovee Ceste robe? ou
se l'as amblee?``).
C. Introd. une sub. à valeur complét.; mode ind. 1160-74 (
Wace,
Rou, II, 3733: Ne por ceu
s'il est gemble nel doiz mie aviler); 1176-81 (
Chrétien de Troyes,
Chevalier au lion, 110).
D. 1505 introd. une prop. exprimant la conséquence d'un fait exprimé dans la prop. précédente; mode ind.
si ... ce + verbe;
si ... c'est (
Gringore,
Folles Entreprinses, I, 15 ds
Hug.).
Si, relevé dans les plus anc. textes (
Serments, Jonas, St Léger) ainsi qu'en agn. et dans les dial. de l'ouest dep.
St Alexis (=
si type I;
FEW t. 11, p. 561a, I 1), est issu du lat.
si (anc.
sei; même mot que
si + particule déictique
-c [
e] =
sic, v.
si2; au sens le plus anc. « en ce cas, ainsi » sans valeur subordonnante, sens perceptible dans des phrases du type
Quiesce, si sapis (
Plaute,
Mostellaria, 1173;
cf. Id.,
Captivi, 632), particule introd. une prop. cond. « si, quand, toutes les fois que », supposition réelle [mode ind.], potentielle ou irréelle [mode subj.]; une cond. à valeur concess. [subj.] « même si, quand bien même », du type
si Bona Fortuna veniat, ne intromiseris,
Plaute,
Aulularia, 100; une complét. après des verbes exprimant un sentiment [ind.] (
dolere, gaudere, cognoscere, ferre si), l'étonnement [
id.] (
mirari [
Plaute,
Captivi, 545]
mirum est, haud mirum si), l'effort [subj.] (
conari [
César,
B. G., 1, 8, 4]), l'attente [
id.] (
exspectare [
Id.,
ibid., 2, 9, 1]); une interr. indir. [ind.] (
scire, quaerere, videre... si); de là, à basse époque, p. ell. d'un verbe d'interr., introd. une interr. dir. (déb.
iiies.,
Tertullien,
Blaise Lat. chrét., v. aussi
Lat. Gramm. 1964, p. 464, § 249). L'empl. de
si [+ subj.], notamment en poésie, pour exprimer un souhait, semble être une survivance de son empl. sans valeur subordonnante « en ce cas » (
Virgile,
En., VI, 187-188),
cf. sic introd. une optative,
cf. si2. Voir
Ern.-
Meillet;
Ern.-
Th., § 258, 321, 348, 379. La forme a. fr.
se [
FEW t. 11, p. 561a I 2 a] relevée dep.
St Alexis (où elle coexiste avec
si), domine, à l'exception de l'ouest, dans tout le domaine gallo-rom.; elle est issue de la forme b. lat.
se relevée dans la moit. nord de la Gaule (
ca 576 [ms.
viies.]
Grég. de Tours,
Hist. Franc., III, XV, éd. H. Omont, t. 1, p. 89, 46; déb.
viies. [ms. déb.
viiies.]
Form. andecav., § 23, éd. K. Zeumer, p. 12, 1:
tamquam se) due soit à un affaiblissement de
si, d'usage très fréq. (
FEW t. 11, p. 563, note 15), soit à l'infl. de
quid (
Meyer-
L. t. 1, § 613;
cf. la forme a. fr.
sed, set [
St Léger, St Alexis,
supra] peut-être p. anal. avec la conj. a. fr.
qued, qet [
Ste Eulalie, Jonas, St Alexis] représentant le lat.
quid, v.
que1. À partir du 2
equart du
xiiies., apparaissent peu à peu dans l'aire de
se du domaine d'oïl, des formes
si (
cf. 1233, Metz ds
Gdf.), qui progressivement évincent le type
se devenu rare (
cf. Estienne,
Precellence, p. 313 ds
Hug.). L'orig. de ce
si [=
si type II] propre au nord du domaine gallo-rom. est discutée.
FEW t. 11, p. 562a et b soutient l'hyp. selon laquelle il serait issu de
se il (>
s'il >
si) précédant une cons. (
cf. ca 1180,
Marie de France,
Fables ds
Henry Chrestomathie, p. 161, 14:
s'i vus plet; 1
remoit.
xives.,
Passion,
ibid., p. 9, 19:
s'i muert;
cf. éd. Gr. Frank, 873). Dans cette hyp., dans le domaine de l'ouest,
si type I se serait confondu avec
si type II.