SACRER1, verbe trans.
Étymol. et Hist. A. 1. a) Ca 1140 « consacrer (d'un homme d'Église) » (
Geoffroy Gaimar, Hist. des Anglais, éd. A. Bell, 1509: Cil
fud a evesque sacrez);
b) 1155 en partic. « sacrer roi » (
Wace, Brut, éd. I. Arnold, 14043);
c) ca 1175 « bénir (un lieu...) » (
Ducs Normandie, éd. C. Fahlin, 9007: Le baptestire
fut sacrez, Saintefiez et aprestez);
d) 1593 fig. (
Sat. Men. au Roy, p. 255 ds
Gdf. Compl.: C'est la vertu qui
sacre et couronne les roys);
2. part. passé adj.
a) 1175
eve sacree en parlant des fonts baptismaux (
Ducs Normandie, 8744);
b) ca 1220
virge sacree (
Gautier de Coinci, Mir., éd. V. F. Koenig, I Ch 47, 49);
c) 1498-1515 (
Gringore, Vie Ms S. Loys, 2087, éd. Ch. d'Héricault et A. de Montaiglon, t. 2, p. 94: la
sacree magesté royalle de France);
d) 1564
Escriture Sacree (
Rabelais, Cinquiesme Livre, éd. Marty-Laveaux, t. 3, p. 136);
3. 1790 subst.
le sacré (
Le Moniteur, t. 3, p. 118).
B. 1. 1726 « jurer, proférer des jurons » (
Grandval, Vice puni, chant VI, p. 45),
cf. les imprécations
sacré nom d'escadrons (1790) et
sacré nom d'enfants (1791, v.
Quem. DDL t. 19),
sacré nom (1840,
ibid., t. 6);
2. a) 1790
sacré « exécré, maudit » (
P. Duch., n
oIV, Br., fasc. III, p. 251 ds
Brunot t. 10, p. 49);
b) 1866
sacré antéposé, empl. avec nuance admirative (
Delvau, s.v. matin);
c) 1894 canadianisme
sacrer le camp « foutre le camp » (
S. Clapin, Dict. can.-fr.). Empr. au lat.
sacrare « consacrer à une divinité; rendre sacré », de
sacer, sacrum « sacré (s'opposant à
profanum) »
cf. Ern.-
Meillet: «
Sacer désigne celui ou ce qui ne peut être touché sans être souillé, ou sans souiller »: de là le double sens de « sacré » ou « maudit ». L'empl. comme intensif blasphématoire de
sacré (et de
sacre, v.
sacre3) et l'ext. de sens de
sacrer à « proférer des jurons » (parallèle au développement de
jurer* et que
DG,
Bl.-
W.1-5ont expliqué par l'habitude d'empl.
sacré dans les jurons) peuvent être dus à l'attraction de
sacre « brigand, homme sans foi ni loi » (v.
sacre2),
cf. Gougenheim ds
B. jeunes Rom., n
o4, pp. 5-7.