REVENIR, verbe
Étymol. et Hist. I. Venir d'un lieu, d'une situation où l'on a été, dans un lieu, une situation où l'on se trouvait primitivement
A. En parlant d'un animé
1. lieu 2
emoit.
xes. intrans. (
St Léger, éd. J. Linskill, 87: Reis Chielperics [...] Presdra sos meis, a lui [Lethgier] s tramist; Cio li mandat que
revenist);
id. suivi de l'inf. (
ibid., 474: Si
revenisses ta spuse conforter);
id. réfl. (
ibid., 285: Cum s'en alat e cum il s'en
revint);
ca 1200
revenir de + topon. (
Guiot de Provins,
Bible, 2613 ds
Œuvres, éd. J. Orr, p. 91); 1559 impers. [en parlant d'un lieu hanté de spectres]
il y revenait des esprits (
Amyot, trad. de
Plutarque,
Hommes illustres, Solon, XIX, éd. G. Walter, t. 1, p. 184); 1580
revenir de l'autre monde (
Montaigne,
Essais, II, 6, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p. 377, v. aussi
revenant subst.);
2. revenir a a) ca 1050 un sujet momentanément laissé de côté (
St Alexis, éd. Chr. Storey, 101: Or
revendrai al pedra ed a la medra);
b) ca 1200-20 ce qui a été abandonné, une situation passée
revenir a la loi paiene (
Pseudo-Turpin, I, 1, 6 ds T.-L.);
3. d'un état physique, moral
a) revenir de
α) ca 1100
revenir de pasmeisuns (
Roland, éd. J. Bédier, 2233);
ca 1150 empl. abs. « recouvrer ses esprits » (
Thèbes, éd. G. Raynaud de Lage, 5920);
β) 1377 réfl.
s'en revenir « recouvrer la santé (en parlant d'un oiseau) » (
Gace de La Buigne,
Deduis, 7260 ds T.-L.); 1606
revenir de quelque mal (
Nicot);
γ) 1377 réfl.
s'en revenir « changer d'opinion » (
Gace de La Buigne,
op. cit., 11997 ds T.-L.); 1647 part. passé
revenu de « désabusé de » (
Scarron,
Don Japhet, III, 4, éd. R. Garapon, p. 62);
δ) 1664
n'en pouvoir revenir « être fort surpris » (
Molière,
Tartuffe, IV, 6);
b) revenir a, en déb.
xiies.
revenir en ses sens « recouvrer ses esprits » (
Benedeit,
St Brendan, 817 ds T.-L.); 1580
revenuz a eux (
Montaigne,
op. cit., II, 2, p. 347);
c) 1268 trans. « ranimer (une personne), la rappeler à la vie » (
Claris et Laris, 17350 ds T.-L.), encore relevé au
xvies. (
Hug.); à nouv. au
xixes. 1890 (
A. Daudet,
Port-Tarascon, p. 184);
4. d'une occupation
ca 1200
revenir de suivi de l'inf. (
Bueve de Hantone, I, 7288 ds T.-L.: forestier, Qui
revenomes de la forest gaitier);
5. « être en rapport de convenance, être du goût de, plaire » 1310-40 part. prés. adj. « qui plaît »
lecieres ... mal revenans (
Jean de Condé,
Dits et contes, I, 185, 586,
ibid.).
B. En parlant de choses
1. ca 1050 « retourner d'un lieu au point de départ » (
St Alexis, 190: Dreit a Lalice
revint li sons edrers);
ca 1200 (
Guiot de Provins,
Chans., IV, 15 ds
Œuvres, p. 7: Li mals ke j'ai ne vait mie et
revaint);
2. a) ca 1130 « se résumer à, aboutir à » (
Li Ver del Juise, 54 ds T.-L.: Li orguelz de cest secle
revient a petit pris);
ca 1160 (
Eneas, 3478,
ibid.);
b) 1358 « être en rapport d'équivalence; se ramener à, équivaloir à » en parlant de la valeur d'un poids (doc. Arch. Valenciennes ds
Gdf. Compl.); 1530 en parlant d'une somme (
Palsgr., p. 248b: a combien [...]
revient le tout?); 1645
l'un revient à l'autre (
C. Oudin,
Seconde part. du Tresor des deux lang. fr. et esp., Paris, Sommaville); 1671
tout revient au mesme (
Pomey);
3. a) ca 1170 « (d'un état, d'une qualité perdus) être retrouvé » (
Marie de France,
Lais, éd. J. Rychner, 835: Ore est sa joie
revenue);
b) 1376 « (d'une chose) retrouver son état, sa qualité perdus » (
Modus, 111, 1 ds T.-L.: comment l'en fait
revenir une panne ploiee);
4. a) 1261, juin
revenir a « échoir à quelqu'un comme profit » (doc. Arch. Tournai ds
Gdf. Compl.);
b) fin
xives. part. prés. adj. « qui fournit un revenu » (
Froissart,
Chron., éd. Kervyn de Lettenhove, IV, t. 15, p. 239: evesquiet [...] la mieux
revenant [...] de toute Angleterre); 1600 « fournir un revenu, rapporter » (
O. de Serres,
Theatre d'agric., II, Paris, Jamet Métayer, p. 89), v. aussi
revenant-bon et
revenu;
5. ca 1200
revenir devant (a aucun) « venir en mémoire; causer des regrets » (
Poème moral, éd. A. Bayot, 1213); 1230 (
Gaidon, 137 ds T.-L.);
6. ca 1256 « provoquer une régurgitation »
revenir à le bouche (
Aldebrandin de Sienne,
Régime du corps, éd. L. Landouzy et R. Pépin, p. 15, 17);
7. a) ca 1393 cuis. réfl. « (d'un mets liquide) diminuer de volume » (
Ménagier, éd. G. E. Brereton et J. M. Ferrier, II, 5, 313, p. 270, 3);
b) av. 1558
id. « (d'une viande, d'un poisson) prendre couleur, étant passé au feu » (
Mell. de S. Gel.,
Œuvres poét., p. 84, éd. 1719 ds
Gdf. Compl.); 1606
faire revenir (une viande) « l'amollir en la passant sur la braise, ou en la trempant dans de l'eau chaude » (
Thresor des trois langues d'apr.
FEW t. 10, p. 351b); 1611 (
Cotgr.); 1798
faire revenir des légumes dans de la graisse (
Ac.);
8. 1671, 18 mai « (d'une rumeur) être dite, rapportée » (
Sévigné,
Lettres, éd. E. Gérard-Gailly, t. 1, p. 296).
II. Venir ou se manifester à nouveau
A. d'une personne
1. ca 1050 « venir une nouvelle fois » (
St Alexis, 176:
Revint li costre a l'imagine el muster);
2. 1728
revenir sur le compte de (qqn) « quitter l'opinion qu'on avait de quelqu'un » (
Allainval,
École des bourgeois, III, 1 ds
Littré);
3. 1762
revenir sur une affaire « en reparler » (
Ac.).
B. d'un inanimé
1. ca 1180 « se manifester à nouveau » (
Hue de Rotlande,
Ipomedon, éd. A. J. Holden, 5174: La nuit
revent, le jur s'en vet);
2. ca 1256 spéc. « repousser (en parlant de poils) » (
Aldebrandin de Sienne,
op. cit., p. 89, 9). Du lat.
revenire « revenir » aux sens propre et fig.; au sens de « échoir (d'un bien) »
anno 730 ds
Nierm. Le sens « ranimer, faire revenir (une personne) à la vie » [I A 3 c] est relevé en a. prov. dès
ca 1195 (
Arnaut de Mareuil,
Poés. lyriques, éd. R. C. Johnston, XVII, 16:
revenir lo cor), ainsi que dans la lang. mod. (
Mistral), de là, l'empl. du mot par A. Daudet; ce région. connaît un large usage dans le Midi.