RENTRER, verbe
Étymol. et Hist. I. A. Intrans.
1. ca 1140 « entrer de nouveau, revenir »
l'eve ... rentret en sun canal (
Pélerinage Charlemagne, éd. G. Favati, 793); 1661 absol. (
Molière, Les Fâcheux, I, V, vers 248);
a) expr. 1690
rentrer en danse (
Fur.); 1672
rentrer dans le néant (
Racine, Bajazet, II, I, 524); 1742
rentrer en lice (
Massillon ds
Lar. 19e); 1836
rentrer dans sa coquille (
Montalembert, Ste Élisabeth, p. 236);
b) 1806
rentrant part. prés. adj. « se dit d'une courbe qui revient sur elle-même » (
Burckhardt, Instit. Mém. sc., 1
ersem., p. 10 ds
Littré);
2. a) 1563-64 « reprendre une charge, une fonction » (
Ronsard, Nouvelles poésies, livre III, Discours amoureux de Genevre, 44 ds
Œuvres, éd. P. Laumonier, t. XII, p. 259); 1822
rentrer en classe après les congés (
Michelet, Mémor., p. 216);
b) 1832
rentrer en scène (
Musset ds
R. des Deux Mondes, p. 985);
3. a) 1580
rentrer en soi « faire un retour en soi-même » (
Montaigne, Essais, éd. Villey-Saulnier, I, XXIII, p. 115);
b) 1689
rentrer dans la poudre « (de Dieu) renverser un orgueilleux » (
Racine, Esther, I, 3, éd. R. Picard, p. 823); 1761
faire rentrer qqn en terre « couvrir quelqu'un de confusion » (
Rousseau, La Nouvelle Héloïse, éd. H. Coulet, VI, II, p. 639); 1830
faire rentrer qqn sous terre (
Stendhal, Rouge et Noir, p. 183);
4. a) 1538
rentrer en grâce (
Est.);
b) fin
xvies.
rentré en ses biens (
D'Aubigné, Hist. universelle, éd. A. de Ruble, I, p. 196); 1
remoit.
xviiies.
rentrer dans les droits (
Volt., Henr., IV ds
Littré); 1829
rentrer dans son bénéfice (
Cousin, Hist. philos. xviiies., 1, p. 76); 1857 rentrer dans ses déboursés (
Flaub., MmeBovary, t. 2, p. 145);
5. a) 1652
angle rentrant (
J. de Laon, Pratique et Maximes de la guerre, p. 186);
b) 1749 « pénétrer, s'enfoncer dans »
l'océan rentre un peu dans les terres (
Buff., Hist. nat. Preuv. théor. terre, Œuvr., t. II, p. 135 ds
Littré);
6. 1690 synon. usuel de
entrer (
Fur.);
7. av. 1696 « être compris, inclus dans » (
La Bruyère, Les Caractères, De l'homme, 83 ds
Œuvres, éd. G. Servois, t. 3, 1, p. 40);
8. a) 1718 jeu de cartes « se dit pour marquer les cartes qui viennent à la place de celles qu'on a écartées »
il m'est rentré un mauvais jeu (
Ac.);
b) 1850
id. « reprendre la main »
rentrer à la bouillotte (
Balzac, Pts bourg., p. 51);
c) 1932 billard
faire rentrer une bille (
Lar. 20e[1732 « recommencer à jouer »
Trév.]);
9. 1762 grav. (
Ac.);
10. 1798 « être payé, perçu »
cette avance rentrera peu à peu (
ibid.);
11. 1803 « s'emboîter, se loger avec précision » (
Maine de Biran, Influence habit., p. 78: les termes se toucher,
rentrer les uns dans les autres sans se confondre);
12. 1900 arg. « heurter avec violence »
rentrer dedans (
Nouguier, Notes manuscr. Dict. Delesalle, p. 248); 1901
rentrer dans le bide, dans le bidon, dans le chou (
Bruant, p. 211,
s.v. éventrer).
B. Trans.
1. 1581
rantrer un chemin « le parcourir » (
Jaq. Peletier du Mans, Louanges, f
o28 v
ods
Gdf. Compl.), attest. isolée;
2. a) 1672 « cacher, refouler un sentiment ou sa manifestation extérieure »
une humeur rentrée (M
mede Sévigné, Corresp., éd. R. Duchêne, t. I, p. 480); 1837
rentrer ses larmes (
Soulié, Mém. diable, t. 1, p. 254);
b) 1798 méd.
darte rentré (
Ac.);
3. 1801 « mettre à l'intérieur »
rentrer mes bestiaux et mes moutons (
Crèvecœur, Voyage, t. 1, p. 199);
4. 1826 « ramener en arrière certaines parties du corps »
la lèvre avait été rentrée (
Balzac, Physiol. mariage, p. 155);
cf. 1835
une bouche un peu rentrée (
Id., Contrat mariage, p. 228); 1866
rentrer sa griffe acérée (
Verlaine, Poèmes saturn., p. 74);
5. 1857 « faire disparaître une chose dans ou sous une autre » (
Flaub., op. cit., t. 1, p. 71: Emma, quelquefois, lui
rentrait dans son gilet la bordure rouge de ses tricots); 1933 cout.
un rentré part. passé subst. (
E. Pichon ds
R. Philol. fr. t. 45, p. 75).
II. 1611 industr. text. (
Cotgr.). I dér. de
entrer*; préf.
re-*. II altér. de
rentraire*, les formes de ce mot s'étant rapprochées de celles de
rentrer* (v.
FEW t. 4, p. 773a).