REMUER, verbe
Étymol. et Hist. A. 1. Ca 1100 « opérer un changement, changer » (
Roland, éd. J. Bédier, 779: La rereguarde est jugee sur lui [Rollant]: N'avez baron qui jamais la
remut);
2. a) déb.
xiies.
a remüers « de manière à changer, de rechange; en quantité » (
Benedeit,
St Brendan, éd. E. G. R. Waters, 601);
b) 1174-76
remuer sun abit « changer de vêtement » (
Guernes de Pont-
Ste-
Maxence,
St Thomas, éd. E. Walberg, 534);
3. 1130-40 « permuter » (
Wace,
Conception N.-D., éd. W. R. Ashford, 1097);
4. ca 1213
remuer les plaies « en changer le pansement, les panser » (
Faits des Romains, éd. L. F. Flutre et K. Sneyders de Vogel, III, 18, § 25, p. 688, 21).
B. Mettre en mouvement, agiter (quelque chose de mobile)
1. a) ca 1135 trans.
ne remüer ne les mains ne les piez (
Couronnement de Louis, éd. Y. Lepage, réd. AB, 1944);
b) ca 1223 intrans. (
Gautier de Coinci,
Miracles, éd. Fr. K. Koenig, 1
Mir 11, 1866: Li cuers de joie me
remue);
2. a) 1174-77
remuenz [en parlant de Renart] « en continuel mouvement, rapide, vif » (
Renart, éd. M. Roques, 5980);
b) α) ca 1200
remuant [En parlant d'un cheval] (
Raimbert de Paris,
Ogier le Danois, 11101 ds T.-L.);
β) ca 1200 intrans. [
id.] (
Jean Bodel,
Saisnes, éd. F. Menzel et E. Stengel, 1327: Chascuns monte el cheval, qui li saut et
remue).
C. Mettre en mouvement (un objet isolé)
1. une personne
a) α) ca 1160 réfl. « se déplacer, se mettre en mouvement » (
Eneas, 3194 ds T.-L.); 1176-81 intrans.
sanz remüer (
Chrétien de Troyes,
Chevalier au lion, éd. M. Roques, 595);
β) ca 1160 réfl. « s'en aller » (
Eneas, 6226 ds T.-L.);
b) ca 1165 trans. « repousser, chasser (l'ennemi) » (
Benoît de Ste-
Maure,
op. cit., 8827,
ibid.);
c) ca 1213 fig. part. passé « issu de » dans le syntagme
uns cosins remuez « un cousin issu [de germain] » (
Faits des Romains, III, 17, § 4, p. 666, 21); 1265
coisin remué de germain (
Livre de jostice et de plet, éd. Rapetti, II, VI, 19, p. 234);
2. un inanimé
a) 1160-74 « déplacer, bouger » (
Wace,
Rou, éd. A. J. Holden, II, 1246: A la charue apleiz soc et coutre lessa, Ne vout rienz
remuer); 1421-23 milit.
remuer les terres des bolvars (doc. Arch. Orléans ds
Gdf. Compl.);
b) ca 1213
remuer hostel « déménager » (
Faits des Romains, I, 2, § 4, p. 656, 33); 1252 intrans. «
id. » (Arch. Douai QQ, fol. XLIII v
ods M.
Tailliar,
Rec. d'actes en lang. wal., Douai, 849, p. 207);
ca 1283 (
Livre Roisin, éd. R. Monier, § 92, p. 64),
cf. remuer mesnage, v.
remue-ménage.
D. Mettre en mouvement, agiter les parties mobiles d'un ensemble
1. ca 1170 intrans. « bouillonner, être en effervescence » (
Chrétien de Troyes,
Erec, éd. M. Roques, 3705: An tot le cors de li n'ot vainne Don ne li
remuast li sans);
2. a) xiiies. trans.
remuer la plume [de la coute] (
Narcisse, éd. M. T. Thiry-Stassin et M. Tyssens, 197, var. ms. A);
ca 1393
grains tribler et remuer (
Ménagier de Paris, éd. G. E. Brereton et J. M. Ferrier, p. 4, 25);
b) xiiies. empl. abs. (
Chrétien de Troyes,
Chevalier au lion, 1187, var. mss A et P: Lors ont par tot cerchié et quis Et reverchié et
remué, Si que tuit furent tressüé).
E. fig.
1. « changer »
a) 1174-78 intrans. « changer de conduite » (
Étienne de Fougères,
Livre des manières, éd. R. A. Lodge, 893);
ca 1223 trans.
changer son affaire «
id. » (
Gautier de Coinci,
Miracles, 1 Mir 11, 1569);
b) ca 1265
remuer les meurs et les us (
Brunet Latin,
Trésor, II, 40, éd. Fr. J. Carmody, p. 207);
2. 1176 trans.
remuer son cuer « le déplacer, en changer le but, l'objet » (
Chrétien de Troyes,
Cligès, éd. A. Micha, 4476 : Ja nel [mon cuer] quier
remuer, Einz voel qu'a son seignor remaingne);
3. a) ca 1200 intrans. « entrer, être en mouvement, en action » (
Jean Bodel,
op. cit., 1341: Don n'i ot si harde cui pansers ne
remue);
b) fin
xves. réfl.
soi remuer de + inf. « se mettre en branle pour; en mesure de » (
Les franches repues de Fr. Villon ds
Œuvres de Fr. Villon, éd. P. Lacroix, Paris, 1877, p. 216); 1668
se remuer empl. abs. « se mettre en branle, faire des efforts pour atteindre un but; réussir » (
La Fontaine,
Fables, VI, 18);
c) 1588 trans. « mettre en branle, en alerte, agiter »
remuer le ciel et la terre à la fois (
Montaigne,
Essais, III, 11, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p. 1025); 1671
remuer ciel et terre (
Pomey);
4. ca 1270 trans.
remüer le cuer [
a aucun] « ébranler, troubler, émouvoir » (
Richard le Beau, 2384 ds T.-L.); 1735-41
se sentir remuée jusqu'au fond de l'âme (
Marivaux,
Vie de Marianne, 4
epart. ds
Romans, éd. M. Arland, p. 221);
5. a) 1538, 10 juil. réfl. « être fomenté, tramé » (
Calvin,
Lettres, éd. J. Bonnet, t. 1, p. 10: Il
se remue pour le present une afaire de merveilleuse consequence),
cf. remuer mesnage, v.
remue-ménage;
b) α) 1607 intrans. « susciter le trouble, la sédition« (
Hulsius d'apr.
FEW t. 6, 2, p. 288b); 1653 (
Vaugelas,
Quinte Curce, IX, Paris, A. Courbé, p. 703;
β) 1681 trans. « soulever, appeler à la révolte »
remuer l'Orient (
Bossuet,
Hist. universelle, I, 9
eépoque ds
Œuvres, éd. Velat et Y. Champaillier, Paris, 1961, p. 715). Dér. de
muer*; préf.
re-*.