REMETTRE, verbe trans.
Étymol. et Hist. A. Déb.
xiies. trans. « fondre, liquéfier » (
Benedeit, St Brendan, éd. I. Short et B. Merrilees, 1384: ne
fust remis); 1
remoit.
xiies. intrans. « fondre, se liquéfier » (
Psautier d'Oxford, éd. F. Michel, 21, 15: cum cire
remetanz).
B. Mettre de nouveau en une certaine place
1. a) ca 1145 fig. (
Wace, Conception Nostre Dame, éd. W. R. Ashford, 1088: Tost le
remet en dreite veie);
b) ca 1165 pronom. « se mettre de nouveau en une certaine place » (
Troie, éd. L. Constans, 3604: me
remis ariere en mer);
ca 1208 trans. (
Villehardouin, Conquête Constantinople, éd. E. Faral, § 167: les
remistrent ens);
c) 1539 (
Est.:
remettre en sa place, in gradum reponere); 1823
remettre qqn à sa place (
Stendhal, Rossini, p. 123: M. Rossini y
est remis à sa place);
d) 1635 « reconduire » (
Corneille, Médée, II, 2, vers 505: Soldats,
remettez-la chez elle);
e) 1740-55 fig.
remettre en selle (
Saint-
Simon, Mém., éd. A. de Boislisle, t. 4, p. 76);
f) 1793-94 fig.
remettre au pas (
Desmoulins ds
Vx Cordelier, p. 170);
2. a) ca 1170 « mettre de nouveau (quelque chose) en place » (
Chrétien de Troyes, Erec, éd. M. Roques, 5704: le
remeïst);
b) 1687
remettre le pied quelque part (
Choisy, J. du voyage de Siam, p. 456: sans que jamais [...] il puisse
remettre le pié dans le royaume de Siam); 1839 (
Stendhal, Chartreuse, p. 102: jamais il ne
remettrait le pied dans Parme); 1848 (
Sandeau, Mllede La Seiglière, p. 31:
remettre les pieds);
3. 1174-87 méd. « remettre en place (un os, un organe) » (
Chrétien de Troyes, Perceval, éd. W. Roach, 4336: canole [« clavicule »] en son liu
remetre [
metre ds éd. F. Lecoy, 4312]), attest. isolée; à nouv. 1564 (
Paré, éd. J. F. Malgaigne, XIII, 4, t. 2, p. 302b: os [...]
remis en leurs places); 1575 (
Id., Préf., t. 1, p. 23b:
remettre une fracture ou luxation);
4. 1306 « revêtir de nouveau, mettre sur soi de nouveau » (
Joinville, St Louis, éd. N. L. Corbett, § 391:
remetoit sa cote a armer desus li); 1671 (M
mede Sévigné, Corresp., 12 août, éd. R. Duchêne, t. 1, p. 319: il ôte et
remet son chapeau);
5. 1306 « mettre en remplacement » (
Joinville, op. cit., § 453);
6. 1306
se remettre à « recommencer à » (
Id., ibid., § 582: se
remist a fermer la cité);
7. a) ca 1470 trans.
remettre qqc. en face à qqn « représenter à nouveau quelque chose à quelqu'un, le lui rappeler » (
G. Chastellain, Chron., éd. Kervyn de Lettenhove, t. 4, p. 149; luy
remettant en face tousjours comme il estoit tenu à luy); 1539 (
Est.:
remettre a aucuns quelque chose en memoire); 1561
remettre qqc. devant les yeux de qqn (
J. Grevin, César, éd. L. Pinvert, p. 22:
Remets devant tes yeux les sages Fabiens); 1640
remettre qqc. dans l'esprit de qqn (
Corneille, Cinna, IV, 2, vers 1137:
Remets dans ton esprit);
ca 1475
remettre qqn « reconnaître quelqu'un » (
Rec. Trepperel, Sotties, éd. E. Droz, III, 162: Il fault que je
soye remys Et congneu, je le voy tresbien); 1688 (
Dancourt, La Désolation des joueuses, scène 13 ds
Littré, § 6: je te
remets à présent);
b) 1579 pronom.
se remettre qqc. en mémoire (
Estienne, Précellence, éd. E. Huguet, p. 185); 1580
se remettre dans qqc. (
Montaigne, Essais, II, 6, éd. P. Villey et V. L. Saulnier, p. 377: la dernière chose en quoy je me peus
remettre, ce fut la souvenance de cet accident); 1640
se remettre qqc. (
Chapelain, Lettres, éd. Ph. Tamizey de Larroque, t. 1, p. 737a: me
remettre ce que Mr Menage me dit de luy); 1687
se remettre qqc. dans l'esprit (
Fontenelle, Entretiens sur la pluralité des mondes, p. 100:
remettez-vous dans l'esprit l'estat);
8. a) α) 1907
remettre « redonner (des coups), répéter (des propos désagréables) » (d'apr.
Dauzat, L'Argot militaire pendant la guerre ds
Mercure de France, 16 avril 1917, 667 ds
Esn. Poilu, p. 456); 1913
remettre ça « recommencer (une bagarre) » (
Matin, 13 août, p. 2,
ibid., p. 457: Est-ce qu'on «
remet » ça, tous les deux?);
β) 1913
remettre ça « servir de nouveau la même consommation, dans un débit de boisson » (
Matin, 2 août,
ibid., p. 460:
Remettez-nous ça!);
b) 1911
en remettre « exagérer » (
P. Bourget, Le Mensonge du père, chap. IV ds
L'Envers du décor, p. 48: elle n'a qu'un défaut: elle en
remet);
9. 1937 aviat.
remettre les gaz (
Malraux, loc. cit.).
C. Ramener à un état antérieur
1. ca 1175 « ramener, rétablir quelqu'un ou quelque chose en une situation antérieure » (
Guernes de Pont-
Sainte-
Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 2965: Deus les ad a neent
remis);
2. a) fin
xiies. « ramener quelqu'un à un certain état physique ou psychique » (
Chastelain de Couci, Chansons, éd. A. Lerond, XXIII, 13: biauz samblanz me
remet en vigour); 1559 ou 1567
se remettre sus « se rétablir » (
Amyot, Vies, Romulus, 39 ds
Littré); 1633
se remettre de qqc. « revenir à un état plus favorable, se rétablir après » (
Voiture, Lettres ds
Œuvres, éd. A. Ubicini, t. 1, p. 145: me
remettre d'un hiver);
b) 1651
remettre sur pied (
Perrot D'Ablancourt, Hist. de Tacite II, 25, p. 203: les Legions et les Cohortes [...]
furent remises sur pied);
3. xiiies.
remettre ensemble « réconcilier » (
Fille du Comte de Pontieu, éd. C. Brunel, II, 725, p. 40:
remist enseamble [la dame et monseignour Tiebaut]);
ca 1283 pronom.
se remettre ensemble « se réconcilier » (
Ph. de Beaumanoir, Coutumes de Beauvaisis, éd. A. Salmon, § 583: qu'il ne se puissent
remetre ensemble); 1653
se remettre bien (
Vaugelas trad.
Quinte-
Curce, De la vie et des Actions d'Alexandre le Grand, l. 8, p. 588: qu'il se
remist bien aupres d'Alexandre);
4. 1561 « rétablir un état de choses antérieur » (
Grévin, César, éd. L. Pinvert, p. 22:
Remettent sus l'honneur du vieil peuple romain);
5. 1659
se remettre au beau (
N. Duez, Seconde Partie du Dict. ital. et fr., p. 497: Se
remettre au beau, qui se dit du temps); av. 1778
se remettre (J.-J.
Rousseau, Corresp. du Peyrou, t. 3, p. 60 ds
Pougens ds
Littré, § 33).
D. 1. Ca 1155 « livrer, donner, confier, transmettre » (
Wace, Brut, éd. I. Arnold, 6504:
Remise est l'enor a tes freres);
2. a) 1553
se remettre à Dieu (
La Bible, impr. J. Gerard,
Ps. 10, 14 ds
FEW t. 10, p. 240b); av. 1654
se remettre entre les mains de qqn (
Guez de Balzac d'apr.
Besch.); 1694
se remettre entre les mains de Dieu (
Ac.);
b) α) 1559
s'en remettre à qqn (
Amyot, Vies des hommes illustres, Marcus Cato, t. 1, f
o245 r
o: il s'en
remettoit du tout à luy); 1580
se remettre à (
Montaigne, op. cit., I, 56, p. 318); 1588
se remettre à ... de qqc. (
Id., ibid., I, 14, p. 63: je me
remettois de la conduitte de mon besoing [...] aux astres); 1585
s'en remettre sur qqn (
Lettres missives de Henri IV, 24 avril, t. 2, p. 45 ds
Gdf. Compl.); fin
xvie-déb.
xviies.
se remettre sur qqn de qqc. (
Pasquier, Recherches de la France, Paris-Orléans, 1665, p. 402);
β) 1559
se remettre à la discrétion de qqn (
Amyot, op. cit., Camille, t. 1, f
o92 r
o: se
remettre eulx et leurs biens du tout à sa discretion); fin
xvie-déb.
xviies.
se remettre au jugement de qqn (
Pasquier, op. cit., p. 815).
E. 1. 1398 « faire grâce de (une obligation, une dette) » (
Charte de Jean, Duc de Berry, févr., Fonteneau I, 32, Bibl. Poitiers ds
Gdf. t. 5, p. 756a:
remettons [...] toute et telle finance comme ils nous peuvent devoir);
2. fin
xives. relig. « absoudre, pardonner » (
E. Deschamps, La Fiction du lyon, 2280 ds
Œuvres, éd. G. Raynaud, t. 8, p. 317: leur
remist la subvercion).
F. 1. Fin
xives. « renvoyer à plus tard, différer » (
Roques t. 2, n
o10413: remissus [...]
remis. renvoiés. lassés); 1549 part. passé adj. « renvoyé, différé » (
Est.: cause
remise a ung autre jour);
2. 1580 fig.
remettre la partie (
Montaigne, op. cit., II, 31, p. 715); 1690 (
Fur.: cette partie
a été remise); 1731-41 (
Marivaux, La Vie de Marianne, éd. J. Janin, p. 189: c'est encore partie
remise); 1838 (
Dumas père,
P. Jones, III, 8, p. 172: ce n'est que partie
remise). Du lat.
remittere « renvoyer; rendre, restituer; relâcher, détendre; amollir; s'apaiser, se calmer (réfléchi ou passif, en parlant d'une douleur, d'une maladie); abandonner, renoncer à, faire remise (d'une dette, d'un châtiment) »; lat. chrét. « remettre (les péchés) »; dér. du lat.
mittere (
mettre*); préf.
re- (
re-*). Dans certains sens, dér. de
mettre*; préf.
re-*.