REGRETTER, verbe trans.
Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1050 « se livrer à des lamentations au sujet d'(un mort, etc.) » (
Alexis, éd. Chr. Storey, 130: La bone medre s'em prist a dementer E sun ker filz suvent a
regreter);
b) α) ca 1200 « ressentir de façon plus ou moins pénible la perte ou l'absence de quelque chose ou de quelqu'un » (
Bueve de Hantone, I, 725 ds T.-L.);
β) 1694
regreter son argent (
Ac.);
2. a) 1534
regretter que « être mécontent de ce que » (
Rabelais, Gargantua, éd. R. Calder et M. A. Screech, chap. 48, p. 276);
b) 1563
estre à regretter « être regrettable » (
B. Palissy, Recepte veritable ds
Œuvres, éd. A. France, p. 27);
3. a) 1668
regretter qqc. « donner quelque chose à regret » (
La Fontaine, Fables, VI, 6 ds
Œuvres, éd. H. Régnier, t. 2, p. 20);
b) α) 1718 « être mécontent d'(avoir fait ou de n'avoir pas fait) » (
Ac.: je
regrette de ne luy avoir pas donné ce conseil);
β) 1918
vous ne le regretterez pas (
Proust, J. filles en fleurs, p. 577); 1920
tu le regretteras (
Id., Guermantes 1, p. 180);
4. 1864 « se montrer fâché auprès de quelqu'un (d'une action, d'une situation dont on est responsable) » (
Goncourt, R. Mauperin, p. 254). Étymol. discutée, v.
FEW t. 16, p. 53b-54a et
P. Skårup ds
St. neophilol. t. 37, 1965, pp. 45-50 et t. 41, 1969, p. 25-30. On a voulu y voir une orig. lat. (la dernière hyp. étant celle de
H. Meier ds
Arch. St. n. Spr. t. 117, 1965-66, p. 266-269, qui propose un lat. *
requĭrĭtāre, dér. à itératif double de
quĕrι
̄
« se plaindre »), mais les étymons lat. présentant de graves difficultés, il vaut mieux accepter un étymon germ. pourvu du préf.
re- prob. tiré p. anal. d'autres nombreux verbes de la vie affective et intellectuelle (
repentir, remembrer,
recorder, etc.). Wartburg propose l'a. scand.
grāta « pleurer » (apparenté aux got.
gretan «
id. » et m. h. all.
grāzen «
id. ») dont le résultat
regreter au lieu de
regrater (forme rarement att., en a. fr.:
ca 1180 « se livrer à des lamentations »
Guillaume de Berneville, Gilles, 3562 ds T.-L.) fait difficulté; Wartburg l'explique comme
acheter* en face de
achater. Pour aboutir à
regreter, Skårup propose de partir d'un a. b. frq. *
greotan « pleurer » (d'apr. l'ags.
gréotan « pleurer » et l'a. sax.
griotan/greotan «
id. »).