REFUSER, verbe
Étymol. et Hist. A. Repousser une demande; ne pas vouloir accorder ce qui est souhaité, demandé, exigé par autrui − ou ce qui est éminemment souhaitable
1. suivi d'un inf. 1
remoit.
xiies.
refuser a (
Psautier d'Oxford, 76, 3 ds T.-L.);
ca 1200
refuser (
Homélies de St Grégoire sur Ezéchiel, 16, 1,
ibid.);
id. refuser de (
1reContinuation de Perceval, I, 193, 7089,
ibid.); 1823
se refuser à (
Boiste);
2. 1160-74 « repousser ce qui est demandé »
reffusser la proiere des moingnes de... (
Wace, Rou, éd. A. J. Holden, II, 1752);
ca 1165
refuser le plaisir [
de aucun] (
Benoît de Ste-
Maure, Troie, 4758 ds T.-L.);
xiiies.
refuser la volanté [
de aucun] (
Chrétien de Troyes, Cligès, éd. W. Foerster, 6630, var. des mss B, P); 1666 réfl.
se refuser à [
qqc.] « ne pas s'y prêter, s'y livrer » (
Molière, Misanthrope, I, 1);
3. 1176-81 « ne pas vouloir accorder »
refuser merci (
Chrétien de Troyes, Chevalier à la charrette, éd. M. Roques, 906);
ca 1175 empl. abs.
sans refuser (
Benoît de Ste-
Maure, Chron. ducs de Normandie, 3611 ds T.-L.); 1670
se refuser [
qqc.] « ne pas se l'accorder, s'en priver » (
Bossuet, Oraison funèbre Henriette d'Angleterre ds
Œuvres, éd. Vélat et Y. Champailler, Paris, 1961, p. 103);
4. 1718 mar.
le vent a refusé un vaisseau; le vent refuse « est contraire » (
Ac.); 1870 techn. intrans. « (d'un outil) ne pouvoir faire son office » (
Littré).
B. Ne pas accepter ce qui est proposé
1. l'obj. est une pers. 1130-40 (
Wace, Conception N.-D., éd. W. R. Ashford, 770: Li estuet la dame esposer, Ne l'osa mie
refuser);
ca 1160 (
Eneas, 1586 ds T.-L.: ele [Didon] les a toz
refusez [les prétendants]), 1890
se refuser en parlant d'une femme (
Zola, Bête hum., p. 16);
2. l'obj. est un inanimé
a) ca 1150
refuser [une offrande] (
Wace, St Nicolas, 903 ds T.-L.); 1176-81
refuser [un]
mes empl. fig. (
Chrétien de Troyes, Chevalier à la charrette, 664);
b) ca 1160 (
Eneas, 9129 ds T.-L.: Crient que s'amor ait
refusé);
ca 1165
refuser [un conseil] (
Benoît de Ste-
Maure, Troie, 24512,
ibid.);
ca 1170 [ms.
xiiies.]
le mariage de la pucele refuser (
Chrétien de Troyes, Erec, éd. M. Roques, 1547, var. R, v. note p. 217).
C. Ne pas admettre, accepter, reconnaître quelqu'un
1. ca 1150
refuser por + attribut « ne pas vouloir regarder comme » (
Charroi de Nîmes, éd. D. McMillan, 1031);
2. 1155 dr. médiév. « ne pas avouer, reconnaître (un seigneur) » (
Wace, Brut, éd. I. Arnold, 3251);
3. ca 1200 part. passé subst.
li renfuset « les rejetés de Dieu, les damnés » (
Moralium in Job, éd. W. Foerster, p. 309, 21);
4. a) α) « ne pas reconnaître, récuser »
ca 1220 comme témoin (
Gui de Cambrai, Barlaam et Josaphat, 6912 ds T.-L.); 1283
refuser les juges (
Philippe de Beaumanoir, Coutumes de Beauvaisis, éd. A. Salmon, § 1871, t. 2, p. 445);
β) 1520
estre refusé de « ne pas obtenir (une fonction postulée) » (
G. Michel, tr.
Suétone, I, 6 r
ods
Hug.);
b) ca 1265 « éliminer pour ne pas avoir les qualités requises » (
Brunet Latin, Trésor, éd. Fr. J. Carmody, I, 145, p. 136: quant li aigles a ses filz [...] cil ki esgarde [le soleil] justement sans croller est tenus et norris [...] cil ki les iex remue est
refusés et getés du nit);
c) 1751 « éliminer (une pièce de théâtre) » (
Voltaire, S. de Louis XIV, Catal. des écrivains, La Rue ds
Œuvres hist., éd. R. Pomeau, p. 1179).
D. Ne pas accepter de s'exposer à une situation périlleuse, hasardeuse; fuir, esquiver un ennemi, un danger
1. 1176 trans. (
Chrétien de Troyes, Cligès, éd. A. Micha, 1311); 1176-81 (
Id., Chevalier à la Charrette, 3736); 1229 « se dérober, reculer, abandonner le combat » réfl. (
Gerbert de Montreuil, Roman de la Violette, 5603 ds T.-L.);
id. intrans. (
Id., op. cit., 6528,
ibid.);
2. 2
emoit.
xiiies. vén. « ne pas chasser (un animal trop dangereux, trop jeune) » (
Chace dou cerf, 57);
3. fin
xives. intrans. en parlant d'un cheval (
Froissart, Chron., IV, éd. Kervyn de Lettenhove, t. 14, p. 108; 112: mais ceste première lance ils faillirent car les chevaulx
reffusèrent).
E. Ne pas laisser entrer
ca 1260 (
Récits d'un ménestrel de Reims, éd. N. de Wailly, § 199: nus mesaisiez n'i estoit
refuseiz [à l'hôpital de St-Jean-d'Acre]).
F. Ne pas vouloir s'engager dans ce que l'on réprouve ou juge néfaste
ca 1265
refuser le monde (
Brunet Latin, Trésor, II, 123, p. 308: La [vie] contemplative
refuse le monde et se delite en Deu solement). D'un lat. vulg. *
refusare (
cf. esp.
rehusar,
REW3, 7164), issu d'un croisement entre le lat.
refutare (
refuter*) et
recusare (
récuser*) de sens très voisins; ou, moins prob., dér. de
refusus, part. passé de
refundere (prop. « répandre de nouveau ») « refouler, repousser, rejeter, renvoyer »,
FEW t. 10, p. 200a.