RECONNAÎTRE, verbe trans.
Étymol. et Hist. I. Saisir, distinguer, identifier, connaître par la mémoire, le jugement
1. « retrouver dans sa mémoire l'idée d'une personne, d'une chose, quand on vient à la revoir ou à l'entendre »
a) fin
xes.
reconnostre [
aucun] (
Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 415: Dunc
reconnossent lo senior, si l'adorent [les tres femnes] cum redemptor);
ca 1050 (
St Alexis, éd. Chr. Storey, 272; 287);
ca 1100
recunoistre [
aucun]
a [
aucune rien] (
Roland, éd. J. Bédier, 1639: En mi sa veie ad encuntret Rollant, Enceis nel vit, sil
recunut veirement Al fier visage e al cors qu'il out gent); av. 1784 réfl. « trouver de la ressemblance entre une personne, une image et soi-même » (
Diderot, Essai sur la peinture, V ds
Œuvres, éd. Club fr. du livre, t. 6, 1970, p. 305: Qui ne se
reconnaîtrait pas dans Molière? Et si l'on ressuscitait les héros de nos tragédies, ils auraient bien de la peine à se
reconnaître sur notre scène);
b) ca 1165
reconoistre [
aucune rien] (
Benoît de Ste-
Maure, Troie, 30221 ds T.-L.), 1580 (
Montaigne, Essais, II, 12, éd. P. Villey et V. L. Saulnier, p. 467: la plupart des animaux qui vivent avec nous
reconnoissent nostre voix);
2. ca 1165 réfl. « savoir où l'on se trouve grâce au souvenir d'un lieu qu'on revoit; se retrouver » (
Benoît de Ste-
Maure, Troie, 25110 ds T.-L.);
3. a) « identifier, trouver, vérifier (grâce à un signe, un caractère) » 1172
reconnoissanz adj. sens passif « facilement reconnaissable » (
Chrétien de Troyes, Chevalier au lion, éd. M. Roques, 3242: Qui est as armes puissanz [Yvains] Et desor toz
reconoissanz, Si con cierges antres chandoiles Et la lune antre les estoiles...);
ca 1200
reconnoistre [
aucune rien]
a [
aucune rien] (
Chatelain de Coucy, Chans., éd. A. Lerond, V, 42: Si coiement est ma doleurs celee Qu'a mon samblant ne la
recounoist on);
b) 1376 spéc. cynégét.
soy recongnoistre « avoir connaissance des caractéristiques d'une bête d'après certains signes » (
Modus, éd. G. Tilander, 36, 24, p. 68);
c) 1636 « retrouver avec son véritable caractère » (
Corneille, Cid, I, 5: Je
reconnais mon sang à ce noble courroux);
4. ca 1276 réfl. « reprendre conscience de la situation, examiner ce que l'on doit faire; reprendre ses sens » (
Adam de La Halle, Jeu de la Feuillée, éd. E. Langlois, 171);
5. 1580 « discerner, découvrir grâce à un examen » (
Montaigne, Essais, II, 11, p. 429: ceux qui
reconnoissoient en sa physionomie [de Socrate] quelque inclination au vice);
6. a) 1580-88 milit. « chercher à connaître, à déterminer la situation, la disposition d'un lieu » (
Id., ibid., 34, p. 739); 1664 mar.
reconnoître la côte et les ports (
Ablancourt, Ar. [trad.
Arrian] l. 7 ds
Rich. 1680);
b) 1690
reconnoistre l'armée ennemie (
Fur.); 1835
reconnaître une patrouille (
Ac.).
II. Admettre, tenir pour vrai, pour tel
A. 1. a) xes. trans. « admettre, avouer (un tort, une faute commise) » (
Passion, 196: Terce vez Petre lo neiez. Jesus li bons lo reswardet, Lui
recognostre l semper fiz);
ca 1100
reconoistre sun tort (
Roland, 3588); déb.
xiiies.
recunussant adj. « qui avoue » (
Chardry, Sept dormants, 1236 ds T.-L.);
b) 1174-76 réfl. « reconnaître sa faute » (
Guernes de Pont-
Ste-
Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 5624); 1
erquart
xiiies.
id. « se repentir » (
Courtois d'Arras, éd. E. Faral, 437);
2. a) ca 1100 dr. médiév. « faire hommage de »
reconoistre sun feu (
Roland, 2680);
b) 1160-74 « admettre [une personne] pour chef, maître »
recongnoistre [
aucun]
a er e a seignor (
Wace, Rou, éd. A. J. Holden, II, 1534);
id. spéc.
recunoistre Deu « reconnaître la toute puissance de Dieu » (
Id., ibid., III, 752);
3. « admettre pour vrai, réel (après avoir douté, malgré des réticences) »
a) 1160-74
recongnoistre le droit de [
aucun] (
Id., ibid., C.A., 132; III, 7588);
b) ca 1170
reconoistre la verité « admettre (après un doute) que quelqu'un a dit la vérité » (
Chrétien de Troyes, Erec, éd. M. Roques, 1208);
ca 1240 (
Coll. agn. Mir. Vierge, 55, 91, p. 234 ds T.-L.: sa vertu [de l'image de la Vierge] est tant fine Ke la
reconeisent gent saresinee);
c) 1174-87
reconoistre que (
Chrétien de Troyes, Perceval, éd. F. Lecoy, 2838);
d) 1588 réfl. (
Montaigne, Essais, III, 13, p. 1115: D'autant es tu Dieu, comme Tu te
recognois homme);
4. « admettre, déclarer comme sien »
a) 1549
recognoistre son sing (
Est.);
b) 1675, 11 sept.
reconnaître un fils (M
mede Sévigné, Lettres, éd. E. Gérard-Gailly, t. 1, p. 850);
5. 1580 « attribuer (une faculté, une vertu...) » (
Montaigne, op. cit., II, 12, p. 469: ces effets que nous
reconnoissons aux autres animaux);
6. 1595
recognoistre (qqn)
pour + attribut
recognoistre pour le meilleur orateur du temps (
Id., ibid., I, 26, p. 174).
B. 1. 1
erquart
xiiies. réfl. « être reconnaissnt, se déclarer satisfait » (
Courtois d'Arras, éd. E. Faral, 88); 1355
recognoissant adj. « qui témoigne de la gratitude » (
Bersuire, Tit. Liv., BN 20312 ter, fol. 31 v
ods
Gdf. Compl.);
2. ca 1470 « donner un témoignage de gratitude, récompenser » (
Georges Chastellain, Chron., éd. Kervyn de Lettenhove, t. 5, p. 284); 1583-90 part. passé adj.
recogneu « récompensé » (
Brantôme, Capitaines estrangers, Prince de Melfe ds
Œuvres, éd. L. Lalanne, t. 2, p. 228). Du lat.
recognoscere « retrouver, revoir dans son esprit, rappeler à sa mémoire; passer en revue, inspecter, examiner » à l'époque class.; « connaître, comprendre, se rendre compte »; « avouer sa faute » trans., dans la lang. chrét. (
culpam recognoscere,
ives.,
St Ambroise ds
Blaise Lat. chrét.), l'empl. réfl. de ce sens étant relevé au Moy. Âge (
se recognoscere « reconnaître son tort, faire des aveux » 852 ds
Nierm.) Le mot est adopté par le vocab. féod. aux sens de « faire l'aveu d'un fief, reconnaître les droits d'un seigneur féodal » (
recognoscere aliquid de aliquo, 1102,
ibid.), et de « reconnaître, confirmer les droits de quelqu'un sur un bien » (
recognoscere aliquid alicui, 1063,
ibid.).