POURRIR, verbe
Étymol. et Hist. A. (Se) gâter, par décomposition
1. a) en parlant de cadavres
ca 1050 intrans. (
St Alexis, éd. Chr. Storey, 477 : O kiers amis, de ta juvente bela! Ço peiset mai que
purirat [en] terre);
b) en parlant du corps humain (ou d'une partie, d'un élément du corps) décomposé par la maladie
ca 1200
sanc porrit (
Li Dialogue Grégoire, 230, 12 ds T.-L.);
ca 1240 intrans. (
2ecoll. agn. des Miracles de la Vierge, 58, 25,
ibid. : Chancre l'ad en la buche feru; Les leveres li
purissent a net); 1249 trans. (
Huon le Roi,
Regrès N.-D., éd. A. Långfors, 73, 12 : De cel pechie [fornicacion] qui si t'aguise, Ton cors
porrist et t'arme gaste);
2. en parlant de végétaux
a) 1160-74 intrans.
fust purrist (
Wace,
Rou, éd. A. J. Holden, III, 135);
ca 1200 réfl. (
Guiot de Provins,
Bible, 2341 ds
Œuvres, éd. J. Orr, p. 82 : Que la chenal ressoit [la] plue [...] Elle se gaste et
se porrist [
chenal de bois?, v.
C. Enlart,
Manuel d'archéol. fr., 2
epart., t. 1, archit. civile, p. 161]);
b) ca 1200
pume porrie (
Aiol, 5413 ds T.-L.); 1225-50 intrans. (
Venus, 182a,
ibid.); 1561 réfl. (
Paré,
Anat., V, XIX, éd. J. F. Malgaigne, t. 1, p. 355a);
3. en parlant de toutes sortes de matières
ca 1200 en parlant d'un chenal de pierre (?)
Guiot de Provins,
loc. cit.;
ca 1225 (
Bueve de Hantone, II, 2757 ds T.-L. : Si garnement
sont entor lui
porri); 1485 trans. (
Ordon. ds
Littré : la fiente et le pissat
pourriront ledit mur);
4. 1225-30 « faire périr, détruire par décomposition » (
Guillaume de Lorris,
Rose, éd. F. Lecoy, 380 : Li tens qui tote chose mue, Qui tot fet croistre et tot norist E qui tot use et tot
porist);
5. p. ext. en parlant du temps qu'il fait 1747
tems pourry (
Piron,
Let. à J.-F. Le Vayer, 8, Gaultier et Thébert ds
Quem. DDL t. 21).
B. Fig.
1. a) ca 1165 intrans. « (d'une personne) se dégrader, se gâter moralement »
pourir en vilonie (
Guillaume d'Angleterre, éd. M. Wilmotte, 1372);
ca 1250 part. passé adj.
porri (
Robert de Blois,
Dédicace, éd.
P. Meyer,
Notice du ms. de l'Arsenal 5201 ds
Romania t. 16, 1887, p. 29, 279);
b) intrans. en parlant d'un sentiment « périr »
α) [1176 (
Chrétien de Troyes,
Cligès, éd. W. Foerster, 765; éd. A. Micha, 757) :
perist]; 1225-50 (
Venus, 96b ds T.-L. : Ma plaie est dolerouse, mon cuer m'a fait
porir);
β) 1269-78 part. passé adj.
l'ort ypocrite au queur porri « dégradé, gâté » (
Jean de Meun,
Rose, éd. F. Lecoy, 10442);
2. ca 1180 trans. « amollir, dorloter » (
Proverbe au vilain, éd. A. Tobler, 170b; v. aussi note de l'éd. : La oieille si nourrist Ses poucins et
pourrist Que nul n'en asavoure); 1878
pourrir [un enfant]
de caresses (
Ac.); 1928 (enfant)
pourri (
Bauche);
3. ca 1245 intrans. « (d'une personne) demeurer longtemps dans une situation fâcheuse, dégradante » (
Philippe Mousket,
Chron., 20186 ds T.-L. : nos oncles [...] Nos fait en sa prisson morir De faim et de lasté
pourir); av. 1421
laisser pourrir en prison (
Livre des faicts du maréchal de Boucicaut, II, XXIX ds
Mém. relatifs à l'Hist. de France, éd. M. Michaud, t. 2, 1881, p. 284). Du lat. vulg. *
putrīre, class.
putrescere (plus rarement
putrere, v.
Vään., § 313) « se gâter, se corrompre, se pourrir; devenir friable [sol] », fig. « tomber dans le mépris ».