POIVRE, subst. masc.
Étymol. et Hist. I. 1. Ca 1140
peivere «baie du poivrier» (
Voyage de Charlemagne, éd. G. Favati, 211);
ca 1200 fém.
poivre molüe (
Raimbert de Paris, Ogier le Danois, 10366 ds T.-L.);
id. livre de poivre (
Guiot, Bible, 2047 ds
OEuvres, éd. J. Orr, p.73); 1269-78 [ne valoir un]
grain de poevre [ici, pour exprimer une valeur minime] (
Jean de Meun, Rose, éd. F. Lecoy, 5716),
cf. F. Möhren, Renforcement affectif de la négation, 1980, p.147; 1225-30 (d'une personne)
plus noirs que poivres (
Bueve de Hantone, III, 4125 ds T.-L.);
ca 1280
poivre noir (
Bataille de Caresme et de Charnage, éd. G. Lozinski, 215);
2. xiiies.
poivre lonc (
Livre des simples médecines, éd. P. Dorveaux, 867-868.
II. Fig.
A. 1. 1269-78
braier tel poevre «susciter de tels ennuis» (
Jean de Meun, op. cit., 10868); 1739
chier du poivre (à qqn) «vouloir nuire, jouer un mauvais tour (à quelqu'un)» (Comte de
Caylus, Ecosseuses, OEuvres, t.10, p.551 ds
Littré); 1901
id. empl. abs. «déserter» (
Bruant, p.158);
2. piler du poivre a) 1765 «piétiner sans avancer (en parlant du dernier rang d'une colonne)» (
Encyclop., s.v. piler, t.12, p.621a); 1833 «être fatigué par le trot sec de son cheval» (
Vidal, Delmart, Caserne, p.356); 1866 «attendre avec impatience en allant et venant» (
Delvau);
b) 1828 «(d'un ouvrier) négliger son travail» (
Lav.).
B. 1. 1692 «trait piquant; ce qui relève une oeuvre littéraire» (
Regnard, Les Chinois, sc. dern. ds
DG: Le
poivre tragique ou le sel comique);
2. «ce qui donne du piquant, du relief»
a) 1913 (
Colette, Music-hall, Paris, 1949, p.82: On raconte [...] qu'elle a du chien, qu'elle a du
poivre dans les jambes);
b) 1940 (
L. Daudet, loc. cit.).
C. 1. 1733 «syphilis» (
Stances tirées du
Cabinet satirique et jointes aux
Satyres et autres oeuvres de M. Régnier, éd. 1733 ds
OEuvres de M. Régnier, éd. P. Jannet, p.227 [
cf. éd. P. Poitevin, p.281]: Je trouvai la poudre à la teste, Mais le
poivre estoit vers le bas); 1881
être au poivre «être atteint de syphilis» (
Rigaud, loc. cit.);
2. a) 1821 arg. «poison»
donner le poivre «empoisonner» (
Ansiaume, loc. cit.);
b) 1837 «eau-de-vie» [le vin, l'eau-de-vie mêlés de poivre se servaient dans certains cabarets, v.
R. Arveiller ds
Fr. mod. t.18, p.237] (
Vidocq, Vocab. d'apr.
Sainéan, Sources Arg. t.2, p.151);
3. 1835 empl. subst. «homme ivre» (
Raspail ds
Le Réformateur, 29 sept., p.2); 1861 empl. adj. «ivre» (
Larch.).
D. 1867 loc. adj. (cheveux)
poivre et sel (
Delvau). Du lat.
piper, -ĕris (empr. au gr. π
ε
́
π
ε
ρ
ι , lui-même empr. oriental,
cf. Chantraine) «poivre» spéc.
piper album «poivre blanc» (
Scrib. Larg.);
piper longum (
Scrib. Larg.;
Celse);
piper nigrum, usuel;
André Bot., p.251. C 1 est peut-être tiré de
(se) poivrer «prendre, transmettre une maladie vénérienne», v.
FEW t.8, p.555a, note 4; C 3 est prob. issu de
poivrot* par apocope. D
poivre et sel, prob. d'apr. l'angl.
pepper and salt, loc. adj., appliqué à un vêtement dep. 1774 ds
NED.