POITRINE, subst. fém.
Étymol. et Hist.A. D'une personne
1. Ca 1050 «devant de la cage thoracique»
debatre sa peitrine (
St Alexis, éd. Chr. Storey, 431); p.ext. 1389-92 «partie correspondante du vêtement» (
Reg. du Chât. de Paris, I, 236, Biblioth. fr. ds
Gdf.);
2. 1155 «partie du tronc située entre les épaules et l'abdomen» (
Wace,
Brut, éd. I. Arnold, 1129); 1360-70
poitrine lee (
Baudouin de Sebourg, XVI, 1173 ds T.-L.);
a) 1600
mal de poitrine (O.
de Serres,
Theatre d'agric., éd. 1611, p.1087); 1611
poictrine empeschée (
Cotgr.),
cf. Rich. 1680 ,,se dit en parlant de l'homme en tant que cette partie de son corps est blessée ou malade``;
b) 1688 «voix» (
La Bruyère,
Caractères, De la chaire ds
OEuvres, éd. J. Benda, p.465: c'est moins une véritable éloquence que la ferme
poitrine du missionnaire qui nous ébranle); 1694 [ce]
prédicateur n'a pas de poitrine (
Ac.). Au
xviies., le mot est tombé en désaffection: av. 1628
Malherbe,
Commentaire sur Desportes [
Élégies, II] ds
OEuvres, éd. A. Régnier, t.4, p.386: ... encore serois-je bien aise que l'on n'usât de ce mot de
poitrine que rarement; de même,
Vaug. 1647, p.60 note ,,Poitrine est condamné dans la prose comme dans les vers pour une raison aussi juste que ridicule, parce que l'on dit
poitrine de veau... On ne laisse pourtant de dire encore
poitrine aux maladies comme
la fluxion lui est tombée sur la poitrine, il est blessé à la poitrine``;
cf. G.
Ménage,
Obs. sur la lang. fr., 1672, p.189 ,,M. de Vaugelas se trompe en blâmant dans les vers le mot de
poitrine. Il est toûjours de la belle et de la haute Poësie``;
cf. encore
Vaug. Obs., 1704, p.72;
3. ca 1165 désigne les seins d'une femme (
Benoît de Ste-
Maure,
Troie, éd. L. Constans, 5559: Plus li [Polixenain] blanchëot la
peitrine Que flor de lis ne flor d'espine);
ca 1200 (
1reContinuation de Perceval, éd. W. Roach, t.1, p.215, 7903); 1280 (
Clef d'amor, 2325 ds T.-L.: Se tu as bele
poiterine E beau col, ne les encortine, Mès soit ta robe escoletee, Si que chescun y muse et bee); ce sens devint très rare du
xvie(
cf. av. 1519 Cl.
Marot,
Epistre de Maguelonne a son amy P. de Provence, 42 ds
OEuvres, éd. C. A. Mayer, t.3, p.116), au
xixes., il est qualifié de ,,pop.`` par
Boiste 1834; 1835
cette femme a une belle poitrine (
Ac.).
B. D'un animal [
Ca 1160 en parlant de Cerbère (
Eneas, 2572 ds T.-L.)] 1376 à propos du découpage d'un sanglier abattu (
Modus, 48, 70,
ibid.: coupe depuis la gorge... en venant par dessuz la
poiterine, par entre les deus jambons devant). De l'adj. lat. vulg.
*pectorinus, à l'empl. subst., dér. de
pectus, v.
pis. Poitrine a progressivement remplacé
pis à partir du
xviies., lorsque ce dernier mot s'est restreint à son accept. rurale. Cependant, en raison de la désaffection qu'a connue
poitrine au
xviies. (v.
supra), le thorax de l'homme a fréq. alors été désigné par
estomac*,
cf. Wartb.,
Évol.7, 1965, p.177.