PIERRE, subst. fém.
Étymol. et Hist. A. Fragment de roche
1. a) servant notamment
α) dans la construction fin
xes. (
Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 64: en tas maisons
pedraˑ
ssubr'altre non laiseront);
ca 1180
piere secche (
Jeu Adam, éd. W. Noomen, 850);
ca 1298
pierre de taille (
Livre de Marco Polo d'apr.
FEW t.13, 1, p.50a); 1528 (
Comptes des bâtiments du roi, éd. L. de Laborde, t.1, 26); 1306
pierres taillées (
Joinville,
Vie de St Louis, éd. N. L. Corbett, § 257); 1636 (
Monet:
Pierre d'attante, pierre auançant au front de la muraille, pour lier la suite de la maçonnerie);
β) comme arme fin
xes. (
Passion, 496: Alquanz a'
ppetdres lapider); fin
xive-déb.
xves. fig.
geter une pierre en son jardin «faire une remarque désobligeante» (
Quinze joies de mariage, éd. J. Rychner, 3
e, p.26, 283); 1570 fig.
mesnager d'une pierre deux coups (
Mont.,
Lettre du chancelier de l'Hospital, 30 avril ds
Littré); 1611
d'une pierre faire deux coups (
Cotgr.); 1584 fig.
la pierre est jetée (
François d'Amboise,
Neapolitaines, V, 6 ds
Anc. théâtre fr., t.7, p.322);
γ) de monument avec une signification
− religieuse
. fermeture d'un tombeau fin
xes. (
Passion, 401: Sus en la
peddre l'angel sist);
. 1605
pierre levee «menhir» (
P. Le Loyer,
Hist. des Spectres, p.55); 1835 (
Ac.);
− ou symbolique
xiiies. [date ms.]
pierre «borne servant de limite» (
Eneas, éd. J.-J. Salverda de Grave, var. 9757);
b) servant d'instrument en raison de leurs qualités particulières
α) fin
xives.
perre a aguisier coutiaux (ds
Roques t.2, B.N. lat. 13032, 2498);
β) 1416
pierre à toucher or (Inventaire du duc de Berry, éd. J.-J. Guiffrey, t.1, p.38); 1579 fig.
pierre de touche (
Larivey,
Vefve, IV, 6, éd. Viollet-le-Duc ds
Anc. théâtre fr., t.5, p.179);
γ) 1549
pierre ponce (
Est.);
δ) 1411
piere a laver (Arch. Nord, B 10367, f
o29); 1694
pierre d'évier (
Ac.);
2. a) en gén. «matière minérale de nature et d'importance variable répandue à l'intérieur et à la surface de la terre»
ca 1100
piere (
Roland, éd. J. Bédier, 982); 1240-80 fig.
estre de piere (
Baudouin de Condé,
Dits et Contes, éd. A. Scheler, t. 1, p.375, 3080); 1460-66
il gelle a pierre fendant (
Martial d'Auvergne,
Arrêts d'Amour, 3
e, éd. J. Rychner, p.20, 123); 1690
geler à pierre fendre (
Fur.); 1539
pleuvoir pierres «grêler» (
Est.); 1535 fig.
pierre de choppement (Oliv. Rom. 9, 31 d'apr.
FEW t.8, p.315b); 1662
pierre d'achoppement (
Pascal,
Pensées, éd. L. Brunschvicg, t.3, p.205); 1791
être malheureux comme les pierres ([
Lemaire],
60elet. bougrement patriotique du véritable père Duchêne, p.2 ds
Quem. DDL t. 19); 1861
âge de la pierre (
A. Morlot,
Leçon d'ouverture d'un cours sur la Haute Antiquité, p.5);
b) spéc. variété de cette matière 1322
peres de eagle (Invent. du comte de Hereford et de sa femme ds
Notice des émaux, éd. de Laborde, t.2, p.440); 1553
pierre d'aigle (
Belon,
ibid.); 1561 (Inventaire des meubles du château de Pau, éd. de la Sté des Bibliophiles fr., 56); 1540
pierre de marbre noir (
N. Herberay des Essars,
Amadis de Gaule, 1
erlivre, éd. H. Vaganay, p.163, 24);
3. ca 1100
perre «minéral de valeur utilisé en bijouterie» (
Roland, 1452); déb.
xiies.
pere preciuse (
St Brendan, éd. E. G. R. Waters, 679-680); 1380
pierre faulce (Inventaire de Charles V ds
Notice des émaux, t.2, p.442).
B. P. anal.
1. a) 1
remoit.
xiies.
piere «concrétion qui se forme parfois dans certains organes de l'homme ou des animaux» (
Lapidaire Marbode, 1
èreversion ds
Studer-
Evans, p.55, 669);
b) 1690 (
Fur.:
Pierre, se dit aussi d'une dureté ou espèce de gravier qui se trouve dans quelques fruits);
2. substance naturelle ou artificielle ressemblant à la pierre
a) 1225-30
pierre de l'aymant (
Guillaume de Lorris,
Rose, éd. F. Lecoy, 1157; v. aussi 1269-78
Jean de Meun,
ibid., 15366:
pierre d'aïmant);
b) 1575
pierre philosophale (
Paré,
OEuvres, éd. J.-F. Malgaigne, III, 582b);
c) 1765
pierre infernale «nitrate d'argent» (
Encyclop. t.9, p.740b,
s.v. lune). Du lat.
peĭtra «roche, roc», également att. en lat. médiév. au sens de «pierre de construction» 1086 ds
Latham, «pierre tombale»
xiiies.,
ibid., «pierre précieuse» 1300 et comme terme de méd. av. 1150,
ibid., empr. au gr. π
ε
́
τ
ρ
α «roche, roc».
Petra, mot de la lang. pop., a concurrencé l'a. et class.
saxum «
id.» et surtout à basse époque l'anc.
lapis, auquel il a empr. les sens de «tout objet en pierre, ou qui rappelle la pierre» comme «borne», «monument funèbre» et «pierre précieuse», et qu'il a supplanté dans presque toutes les lang. rom. (
cf. ital.
pietra, esp.
piedra), peut-être à cause de son empl. dans la Vulgate, en jeu de mots avec
Petrus, du gr. π
ε
́
τ
ρ
ο
ς (v.
Ern.-Meillet), surnom donné par Jésus à l'apôtre Σ
ι
́
μ
ω
ν répondant prob. à l'araméen κ
η
φ
α
̃
ς «pierre» (v.
Chantraine).
Pierre à aiguiser a éliminé l'anc. terme
queux, v.
queux2. D'apr. G. et A.
De Mortillet,
Le Préhist., 3
eéd., Paris, 1900 [1882], p.5, le danois Christian Jürgensen Thomsen (1788-1865) publia en 1836 ds
Ledetrand til Nordisk Oldkyndighed, «la classification et division des temps préhistoriques en âges [...] de la pierre, du bronze et du fer».