PEU, adv.
Étymol. et Hist. A. Adv.
1. peu (avec un verbe)
a) notion de temps
ca 1050
pou (
Alexis, éd. Chr. Storey, 109);
b) notion de quantité début
xiies.
poi (
St Brendan, éd. E. G. R. Waters, 1224); 1559 [éd.]
ne peu ne prou (
Amyot,
Theagènes et Chariclea, ch. 21 ds
Gdf.,
s.v. preu3); 1600 [éd.]
peu ou prou (
Ol. de Serres,
Théâtre d'agric., p.755);
c) ca 1100
por poi que... ne (
Roland, éd. J. Bédier, 2789 et 3608); 1369
tant soit po (
Miracles N.D. par personnages, XXXI, 720, éd. G. Paris et U. Robert, t.5, p.180); 1549
si peu que (
Est.);
2. (un) peu avec une valeur d'intensif en corrélation avec un adj. −tour attributif début
xiies.
un poi estre + adj. (
Jeu Adam, éd. W. Noomen, 222); −juxtaposition 1504
pou + adj. (
Lemaire,
Temple d'Honneur, IV, 189 ds
Hug.);
3. (un) peu −valeur d'adv.
a) employé devant un verbe −notion de temps
ca 1160
un po (
Eneas, éd. J.-J. Salverda de Grave, 6025); −notion de quantité
ca 1150
un bien peu (
Conte de Flore et Blancheflor, éd. J.-L. Leclanche, 1086, texte propre au ms. A); 1529 (
Tory,
Champ Fleury, livre I, 2 v
ods
Hug.); 1174
un poi (
Guernes de Pont-
Ste-
Maxence,
St Thomas, éd. E. Walberg, 1095);
b) employé avec un adv. ou un compl. de lieu, de temps, de quantité
ca 1165
un poi plus (
Benoît de Ste-
Maure,
Troie, éd. L. Constans, 1951);
ca 1165
un sol poi de (
Id.,
ibid., 30087);
ca 1170
un poi aval (
Béroul,
Tristan, éd. E. Muret, 3876);
ca 1180
un poi devant (
Marie de France,
Fables, éd. K. Warnke, 45, 23); 1250
pau plus, pau mains (
Chartes de Douai ds
Z. rom. Philol. t.14, p.307);
ca 1274
un poi avant (
Adenet le Roi,
Berte, éd. A. Henry, 445); 1538
un peu après (
Est.); 1606
peu souvent (
Nicot); 1788
peu agréablement (
Fér. Crit.);
c) un peu - atténuation, litote
ca 1480 «donc (pour atténuer un ordre)» (
Mistère du Viel Testament, éd. J. de Rothschild, 31598); 1578
un peu beaucoup (
H. Estienne,
Deux dialogues du nouv. langage fr. italianizé, II, p.150 ds
Quem. DDL t.19); 1717
un peu «oui (avec atténuation)» (
Dancourt,
Prix de l'arquebuse, sc. 5 ds
Littré);
d) 1558 [éd.]
un petit peu (
Bonaventure des Périers,
Nouvelles récréations et joyeux devis, V, éd. K. Kasprzyk, p.30); 1530
quelque peu (
Palsgr., p.847).
B. Valeur de déterminatif indéf.
1. peu + subst. - valeur numérale (animés)
ca 1100
poi (
Roland, 1940); (inanimés) 1119
poi (
Philippe de Thaon,
Comput, éd. E. Mall, 1935); - valeur quantitative
ca 1140
poi (
Geffrei Gaimar,
Hist. des Anglais, éd. A. Bell, 6157);
2. peu de + subst. (animés) valeur numérale
ca 1100
poi de (
Roland, 1050); (inanimés) valeur quantitative
ca 1140
poi de (
Geffrei Gaimar,
op. cit., 5732);
ca 1225
poi de cose (
Huon de Bordeaux, éd. P. Ruelle, 5912);
3. un peu de + subst. (inanimé) valeur quantitative
ca 1100
un poi de (
Roland, 300).
C. Valeur de n. ou de nom.
1. peu empl. abs.
a) désigne des hommes - fonction de suj.
ca 1100
poi (
ibid., 3632);
b) désigne un inanimé - fonction de compl. de verbe début
xiies.
poi (
St Brendan, 414); - fonction d'attribut
ca 1165
po ([
Chrétien de Troyes],
Guillaume d'Angleterre, éd. M. Willmotte, 3104); - fonction de suj. 1174
poi (
Guernes de Pont-
Ste-
Maxence,
op. cit., 709);
2. un peu - fonction de suj. début
xiies.
un poi (
St Brendan, 1331);
3. peu (de) précédé de l'art. déf. ou d'un déterm. poss. ou dém.
a) ca 1170
cel poi de (
Rois, éd. E. R. Curtius, p.26); 1306
ce pou de (
Joinville,
St Louis, éd. N. L. Corbett, § 618);
b) 1559
mon peu de (sens et de littérature) (
Amyot,
Vies des hommes illustres, f
oaii v
o-aiii r
o);
c) 1694
le peu que j'ai fait pour vous, le peu qui me reste à vivre, le peu de cas qu'on en fait (Ac.); 1798
excusez du peu (ibid.); 4. début
xiies.
pur un poi ne «il s'en faut de peu que» (
St Brendan, 754);
ca 1190
par un poi (
Renart, éd. E. Martin, branche VI, 725);
ca 1225
poi en faut que (
Huon de Bordeaux, 1952);
ca 1500
peu s'en faut (
Philippe de Commynes,
Mémoires, éd. J. Calmette, chap. 3, t.1, p.24);
xves. [date du ms.]
paul s'en faut que (
La jovene puchielle de Nivielle, ms. Valenciennes, f
o293a ds
Gdf. Compl., s.v. pou2); 1160-74
poi et poi «petit à petit» (
Wace,
Rou, éd. A. J. Holden, III, 8193);
ca 1165
poi et petit (
Benoît de Ste-
Maure,
Troie, 21567);
xiiies.
poi a poi (
Isopet de Lyon, 2685 ds T.-L.); 1487
a pou pres (
Vocab. lat.-fr., Loys Garbin,
s.v. fere);
5. constr. prép. 1651
depuis peu (
Corneille,
Nicomède, I, 1); 1671
dans peu (
Pomey); 1718
de peu (se contenter, vivre)
(Ac.); 1718
attendre un peu (ibid.); 1787
sous peu (
Fér. Crit.).
D. Adj. - notion de quantité début
xiies.
poi (
St Brendan, 1452); - notion de temps
id. (
ibid., 1774). Du lat. vulg.
paucum, neutre adv. tiré du lat. class.
paucus «peu nombreux» (empl. surtout au plur.) qui a éliminé les adv. class.
parum «peu» et
paulum «un peu» (
cf. ital.-esp.
poco, port.
pouco).
Paucum a donné régulièrement
pou (forme empl. dans
Alexis), var.
po, pic.
pau, devenu
peu vers le mil. du
xiies. soit par fermeture de
ọṷ en o̱ṷ, l'accent étant devenu secondaire dans des expr. du type
pou de témps (
R. Haberl ds
Z. rom. Philol. t.36, p.309), soit par assimilation d'aperture du 1
erélém. au second (
Fouché, t.2, p.309). Une autre forme
poi (empl. dans
Roland) est d'orig. très discutée, v.
FEW t.8, p.54b-55a. Pour
Hasselrot (
St. neophilol. t.17, p.287), elle serait issue de
pauci, nomin. masc. plur. de
paucus, devenu
powi (au lieu de *
poydzi) p. anal. avec
paucus > *
powus. Cette hyp. est étayée par l'empl. fréq. de
poi = pauci. À la différence de la plupart des autres lang. rom., le gallo-rom. n'emploie guère
paucus que dans sa forme indéclinable. L'empl. de l'adj. lat. ne persiste pas au-delà de l'a. fr. (
supra D). Dans les parlers gallo-rom. (en partic. dans l'Ouest),
peu est concurrencé par l'expr.
un petit att. dès 1135 en a. fr. (
petit2*). La loc. pop.
un petit peu résulte sans doute de la rencontre de
un peu et de
un petit.