PERTE, subst. fém.
Étymol. et Hist.I. Subst.
A. 1. Ca 1050 «fait d'être privé de la présence, de l'affection d'un être cher» (
Alexis, éd. Chr. Storey, 148);
2. 1176-81 «fait d'être privé d'un bien matériel que l'on possédait» (
Chrétien de Troyes, Chevalier Lion, éd. M. Roques, 3097); en partic.
a) 1465 «fait de perdre une certaine somme d'argent» (
Pathelin, éd. K. T. Holbrook, 274: il y a ou plus
parte ou plus gaigne);
b) 1480
a perte de finance (
Lettres de Louis XI, VIII, 120 ds
Bartzsch, p.119);
3. 1549 «fait de ne pas avoir l'avantage»
la perte d'ung beau proces (
Est.);
4. 1572 «fait d'être privé momentanément de l'usage d'une partie de soi-même»
jusqu'à perte d'haleine (
R. Belleau, Premiere journée de la Bergerie ds
OEuvres poét., éd. Ch. Marty-Laveaux, t.I, p.302);
5. 1680
une perte de sang «métrorragie» (M
meDe Sévigné, Corresp., éd. R. Duchêne, III, p.910); au plur. 1718 (
Ac.).
B. 1. a) Ca 1100 «ruine matérielle ou morale» (
Roland, éd. J. Bédier, 2117);
b) ca 1100 «action de faire périr quelqu'un; fait de périr» (
ibid., 1691); d'où 1807 au plur. «ensemble des soldats mis hors de combat au cours d'un engagement, d'un conflit» (
Napoléon Ier, Lettres Joséph., p.130: l'on dira beaucoup de bêtises sur la bataille d'Eylau; le bulletin dit tout: les
pertes y sont plus exagérées qu'amoindries);
2. a) ca 1165 «disparition, destruction d'un bien matériel» (
Troie, 17598 ds T.-L.);
b) 2
emoitié
xiiies. «fait de mal employer quelque chose» (
De la fole et de la sage ds
Nouv. Rec. fabliaux, éd. A. Jubinal, II, 72: tu uses tout ton tens et tout ton bien en
perte).
C. 1. 1768 géol. «lieu où disparaît un cours d'eau, qui réapparaît ensuite en resurgence après avoir effectué un trajet souterrain» (
Valm.);
2. 1804 «déchet que subissent les denrées périssables; quantité ainsi perdue» (
Code civil, art. 1771, p.322: la
perte des fruits arrive après qu'ils sont séparés de la terre);
3. a) 1821 «partie d'un fluide ou fraction de l'énergie qui est perdue au cours de leur transport aux points d'utilisation» (
Mém. Ac. des sc., t.V, 27); 1888
perte de charge (
Ser, Phys. industr., p.677); 1890
perte de chaleur (
Id., ibid., p.237);
b) 1922 «dans une opération industrielle, partie d'un produit qui ne se trouve pas après qu'il a été traité» (
Guillet, Métall. gén., p.148: la
perte [...] provient de l'oxydation, de la scorification et surtout de la volatilisation des corps fondus);
4. 1892
perte de vitesse (
Croneau, Constr. nav. guerre, t.1, p.47).
II. Loc. adv. 1606
à perte de vue «à une grande distance» (
Nicot); d'où 1611 fig. «de façon interminable et inutile» (
Cotgr.). D'un lat. pop.
*perdita, part. passé fém. subst. de
perdere (v.
perdre) qui subsiste aussi dans l'ital.
perdita, le cat.
perda, l'esp.
pérdida, le port.
perda (v.
FEW t.8, p.225b).