PERDRE, verbe trans.
Étymol. et Hist. I. Trans. et intrans.
A. 1. Fin
ixes. trans. « être privé d'une partie de soi-même, d'une faculté ou d'une qualité propre à la personne » (
Eulalie, 17 ds
Henry Chrestomathie t. 1, p. 3 : qu'elle
perdesse sa uirginitet);
ca 1100
perdre le sens « perdre la raison » (
Roland, éd. J. Bédier, 305);
2. a) 2
emoitié
xes. trans. « être privé de la jouissance d'un avantage ou d'un bien » (
St Léger, éd. J. Linskill, 161);
b) ca 1100
id. « cesser d'avoir un avantage, une supériorité » (
Roland, 1090);
ca 1770
perdre du terrein ici fig. (
J.-J. Rousseau,
Confessions, IX ds
Œuvres compl., éd. B. Gagnebin, R. Osmont, M. Raymond, t. I, p. 420);
c) 1130 intrans. « ne pas obtenir le gain, le profit escompté »
estre perdant (
Lois Guillaume, éd. Matzke, 38); en partic. 1269-78 trans. « subir une perte d'argent » (
Jean de Meun,
Rose, éd. Lecoy, 9049); 1288
un perdant part. prés. subst. « celui qui perd au jeu, dans une compétition » (
Jean de Journy,
Dîme de pénitence, éd. Breymann, 2630); 1680 intrans. « être privé d'une satisfaction qu'on aurait pu avoir » (M
mede Sévigné,
Corresp., éd. R. Duchêne, II, p. 840);
3. a) ca 1050 « être privé de quelqu'un par la mort » (
Alexis, éd. Chr. Storey, 106);
b) mil.
xiies. « être privé de la présence, de l'amitié de quelqu'un » (
Épître de St Etienne, 54 ds
Alt. fr. Übungsbuch, éd. W. Foerster et E. Koschwitz, p. 172);
4. a) ca 1165 trans. « cesser de percevoir par les sens, d'appréhender par la pensée, de maintenir un rapport avec quelqu'un ou quelque chose »
perdre terre « perdre de vue la terre » (
Benoît de Ste-Maure,
Troie, éd. L. Constans, 5067;
ca 1220
perdre le voie (
Huon de Bordeaux, éd. P. Ruelle, 5570);
b) 1538
perdre de vue (
Est.);
ca 1660 fig. (
Bossuet,
Préf. instr. past. de Cambrai, 6 ds
Littré,
s.v. vue);
5. a) 1678 intrans. « (d'un inanimé) diminuer de valeur, de qualité »
perdre de son prix (
La Fontaine,
Fables, XI, IV, 36 ds
Œuvres, éd. H. Régnier, III, p. 122); en partic. 1859 mar.
la mer Perd [...]
les marées Perdent (
Bonn.-Paris); 1797 « laisser échapper son contenu, fuir » (
Voy. La Pérouse, t. 4, p. 27 : le fond
perd rapidement et n'est réellement vivable que dans un petit espace);
b) 1797 trans. « (d'un inanimé) cesser d'avoir un élément, un caractère [...] qui lui est inhérent » (
ibid., t. 3, p. 182 : conserver sa robe qui
perdit bientôt tout son éclat).
B. 1. Ca 980 trans. « pervertir, corrompre quelqu'un » (
Jonas, éd. G. de Poerck, verso 18, p. 44, ligne 173); en partic. 1190
s'ame pert (
Renart, éd. M. Roques, br. VIII, 8063);
2. a) ca 1100
id. « gâcher, gaspiller quelque chose par le mauvais usage qu'on en fait » (
Roland, 1054); en partic.
ca 1200 en rapport avec le temps (
Jean Bodel,
Saxons, éd. F. Menzel et E. Stengel, 586);
b) 1690
id. « endommager quelque chose d'une manière irréparable » (
Fur.); en partic. 1694
la nielle a perdu les bleds (Ac.); 3. a) 1546
id. « conduire quelqu'un à sa perte » (
La Bible, s.l., impr. J. Gérard,
Deuter., IX, f
o69 : il les destruira [...] et les dechassera et
perdra); en partic. 1642 « faire périr, tuer quelqu'un » (
Corneille,
Pompée, II, 4);
b) 1651
id. « perdre une personne auprès de quelqu'un » (
Id.,
Nicomède, IV, 2);
4. 1680
id. « égarer volontairement quelqu'un » (
Rich.).
II. Pronom.
A. 1. a) Ca 1170 « causer sa propre ruine » (
Marie de France,
Lais, éd. J. Rychner, Bisclavret, 56);
b) ca 1500 « causer sa propre mort » (
Philippe de Commynes,
Mém., éd. J. Calmette, I, p. 34);
2. xiiies. [ms.] « sortir, s'écarter du bon chemin »
en la forest se perdirent (
Chrétien de Troyes,
Perceval, 42988 ds T.-L.);
3. 1546 « avoir du mal à se retrouver, à se reconnaître dans une chose complexe » (
Rabelais,
Tiers Livre, éd. M. A. Screech, IV, p. 51, ligne 103); d'où 1698
je m'y perds (
Bossuet,
Lett. quiét., 404 ds
Littré); 1810
se perdre en conjectures (
Staël,
Allemagne, t. 5, p. 67);
4. 1694 théol. « s'unir à la divinité par la contemplation »
se perdre en Dieu (
Bossuet,
Rép. aux diff. de Mmede la Maisonfort ds
Littré).
B. 1. Ca 1350 « cesser d'être pratiqué » ici en parlant d'un métier (
Gilles Le Muisis,
Li Estas des princes et des nobles ds
Poésies, éd. Kervyn de Lettenhove, I, 292);
2. ca 1500 « cesser d'exister, se terminer, finir » (
Philippe de Commynes,
op. cit., II, p. 14); en partic. 1606 « (en parlant d'un navire) faire naufrage » (
Nicot);
3. a) 1538 « (d'une rivière) disparaître dans la terre » (
Est.);
b) 1636 « (d'une personne) cesser d'être perçu » (
Tristan,
Marianne, V, 3 ds
Littré); 1677 « (d'un inanimé)
id. »
ma voix s'est perdue (
Racine,
Britannicus, II, 2);
c) av. 1678 « cesser d'être perçu par la pensée en tant que tel; disparaître en se laissant éliminer par autre chose » (
La Rochefoucault,
Reflexions ou sentences et maximes morales, CLXXI ds
Œuvres, éd. M. D. L. Gilbert, I, p. 100);
4. 1560 « être anéanti, détruit »
les pommes se perdoyent (
Journal du Sieur de Gouberville, 11.11.60 ds
Poppe, p. 93). Du lat. class.
perdĕre « détruire, ruiner, corrompre; employer inutilement; faire une perte, en partic. au jeu ».