PEAU, subst. fém.
Étymol. et Hist.I. 1. a) Ca 1100
pel «membrane recouvrant le corps de l'homme et des animaux» ici «cette membrane, séparée du corps de l'animal et traitée en fourrure»
pels de martre (
Roland, éd. J. Bédier, 3940);
ca 1150
peau de martre (
Charroi Nîmes, éd. D. McMillan, 160); 1
remoitié
xiiies.
la piaus (
Chanson de Godin, éd. Fr. Meunier, 18501);
ca 1450-65
ma vieille peau (
Charles d'Orléans, Rondeaux, CLXXXIII, 6 ds
Poésies, éd. P. Champion, II, 395);
b) ca 1175
pel «parchemin» (
Benoît de Ste-
Maure, Ducs Normandie, éd. C. Fahlin, 14976); d'où 1883
peau d'âne ici fam. «diplôme» (
Zola, Bonh. dames, p.450);
2. déb.
xiies. «épiderme de l'homme» (
St Brendan, éd. E. G. R. Waters, 1408); d'où expr.
a) 1188
n'avoir que la pel et l'os (ici d'un animal) (
Aimon de Varennes, Florimont, 1760 ds T.-L.);
b) 1587
ne pas durer en sa peau «être plein d'orgueil; brûler d'impatience» (
Lanoue, 193 ds
Littré);
c) 1698
crever dans sa peau ici fig. «éprouver un violent dépit que l'on s'efforce de cacher» (
Fur.);
d) 1875
en peau «(d'une femme) très décolletée» (
Figaro ds
Larch. 1880);
e) 1885
trouer la peau de qqn (
Zola, Germinal, p.1506); d'où 1927
se faire trouer la peau (
Proust, Temps retr., p.740);
f) 1914
se sentir bien dans sa peau (
Gide, Caves, p.822);
3. 1564 «petit fragment de peau» souvent au plur. (
Paré, XV, LVII ds
OEuvres, éd. J.-F. Malgaigne, II, 507).
II. 1. Ca 1160 «la vie même d'une personne»
laissier la pel «mourir» (
Enéas, 5384 ds T.-L.); d'où
ca 1570
vendre bien sa peau «se défendre vigoureusement» (Bl.
de Monluc, Commentaires, éd. P. Courteaulx, II, 414); 1656
risquer sa peau (
Molière, Dépit amoureux, V, I, 1472 ds
OEuvres, éd. E. Despois, I, 501); 1677
avoir la peau de qqn (
D'Assoucy, Aventures burlesques, éd. E. Colombey, Paris, 1876, p.309); 1850
faire la peau à qqn (en Corse d'apr.
Esn. 1966);
2. fin
xiiies. ou début
xives. [ms.] «la nature profonde d'une personne, son comportement» d'où le dicton
en tel pel con naist li loux morir l'estuet «il est incorrigible» (
Proverbes fr., éd. J. Morawski, 685, p.25); 1585
ne pas changer de peau «
id.» (
Cholières, Matinées, I ds
OEuvres, éd. E. Tricotel, I, p.55); 1640
être en la peau de qqn «être à la place de quelqu'un» (
Oudin Curiositez t.2); 1831
faire peau neuve (
Hugo, Feuilles automne, p.711: Les vieilles religions qui
font peau neuve);
3. 1665 «la personne physique, charnelle» (
Molière, L'Avare, II, V ds
OEuvres, éd. citée, II, 105); d'où expr.
a) 1882
avoir qqc. dans la peau «être féru, entiché de quelque chose» (
Zola, Pot-Bouille, p.153);
b) 1896
avoir qqn dans la peau (
Delesalle, Dict. arg.-fr. et fr.-arg., p.207);
4. 1845 «femme de mauvaise vie» (
Besch.); 1883
vieille peau «personne âgée» ou simpl. péj. (
Zola, Cap.Burle, p.53: qui aurait cru ça de cette
vieille peau de Laguitte, après toutes les horreurs qu'il lâchait sur les femmes); 1936
peau de vache (
Céline, Mort à crédit, p.186).
III. 1. 1538 «enveloppe de certains fruits» (
Est.); d'où expr.
ca 1870
peau de zébi «rien du tout» (arg. des zouaves d'apr.
Esn. 1966); 1877
peau de balles (arg. des voyous,
ibid.); 1888
peau d'balle, balai d'crin et variétés diverses (
Courteline, Train 8 h 47, 1
repart., p.78);
2. 1690 «pellicule qui se forme à la surface d'un liquide, et particulièrement du lait bouilli» (
Fur.). Du lat. class.
pellis «peau d'animal, fourrure, peau tannée, cuir, parchemin, enveloppe extérieure», qui dans le parler pop. a supplanté
cutis «peau d'homme».