PAÏEN, PAÏENNE, subst. et adj.
Étymol. et Hist. A. Adj.
1. a) ca 881 «qui est adepte du polythéisme gréco-latin (opposé à
chrétien*)» (
Ste Eulalie, 21 ds
Henry Chrestomathie, p.3: li rex
pagiens); 1580
livres paiens (
Montaigne, Essais, II, XIX, éd. P.Villey et V.-L. Saulnier, p.668);
b) 1674 «dont le comportement, les goûts sont influencés par la civilisation gréco-latine» (
Boileau, Art poétique, III ds
OEuvres, éd. F. Escal, p.174: Ce n'est pas que j'approuve en un sujet Chrestien Un Auteur follement idolâtre et
Payen);
2. ca 1100 «qui n'a pas encore été évangélisé» qualifie ici les Sarrasins (
Roland, éd. J. Bédier, 2360: la
paiene gent);
3. p.ext. début
xiiies. [date du ms.] «impie» (
Guernes de Pont-
Ste-
Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 4539, var. ms. B: mult furent
paien li humme de cel fié, Le bois unt l'arcevesque vendu et essillié); 2
emoitié
xviies.
vie païenne et séculière (
Bossuet, 1erSerm. Dim. de la Passion, 1 ds
Littré).
B. Subst.
1. a) ca 881 «adepte du polythéisme gréco-latin» (
Ste Eulalie, 12: ... Maximiien Chi rex eret a cels dis soure
pagiens);
b) p.ext. 1671, 29 avr. «personne dont le comportement s'inspire du paganisme antique» (M
mede Sévigné, Lettres, éd. E. Gérard-Gailly, t. 1, p.276);
2. ca 1100 «celui qui n'a pas encore été évangélisé» (
Roland, 2460);
3. 1740 «mécréant»
jurer comme un païen (
Ac.). Du lat.
paganus (de
pagus, v. ce mot) proprement «du
pagus, de la campagne, de village», empl. subst. «habitant du
pagus, paysan, villageois»; employé à l'époque impériale au sens de «civil, bourgeois» opposé à «militaire» (
Juvénal, Sat., XVI, 33;
Tacite, Hist., 1, 53; 2, 14), p.ext. «amateur, profane» par rapport à un groupe soc. déterminé (celui des littérateurs professionnels, p.ex. ds
Pline, Epist., VII, 25). Étant donné que dep. le
iiies., les clercs se nommaient
milites (
Tertullien, Cast., 12),
milites Dei (
Cyprien, Ad Fort., 12),
milites Christi (
Id., Ep., 28, 2 ds
Blaise Lat. chrét.) et désignaient par
militia, militia Christi la milice chrét., la lutte pour la foi (
Tertullien, Mart., 3;
Cyprien, Ep., 56, 2; 58, 2,
ibid.), ils furent amenés à utiliser le sens péj. de
paganus «civil» pour qualifier ou désigner les païens:
Tertullien, Idol., 20:
pagana fides, ibid.; déb.
ives., époque de l'édit de Milan, l'interprétation de
pagana nata par «née païenne» (inscription de Catane,
CIL t. X, n
o7112) est jugée possible par
H. Grégoire et
P.Orgels ds
Mél. Smets [
G.], 1952, pp.378-386;
ca 355,
M. Victorinus, In epist. Pauli ad Galatas, II, 3,
ibid., p.379, note 3:
qui [
Titus]
... Graecus erat, id est paganus;
cf. Augustin, Ep., 184 bis, 3, 5 ds
Blaise Lat. chrét.:
quos vel gentiles vel jam vulgo usitato vocabulo paganos appellare consuevimus. Le terme, évinçant
gentiles, fut adopté par le style législatif au début du
ves., époque où la législ. elle-même était devenue défavorable aux païens (409 loi de Honorius ds
Code théodosien, XVI, 5, 46 ds
Mél. Smets [
G.], p.390, note 1). Cette hyp. paraît, du point de vue hist., préférable à celle, ant., qui faisait dériver
païen de
paganus au sens de «paysan» (en raison de la résistance de la population rurale au christ.), étant donné qu'au
ives., la propagation du christ. occ. était loin d'être assez avancée pour que les paysans puissent être considérés comme les seuls païens et que ceux-ci soient désignés du nom de «paysans». V. aussi
FEW t. 7, pp.466b-467a, Ch.
Mohrmann ds
Vigiliae christianae, t. 6, 1952, pp.109-121.