PAÎTRE, verbe trans.
Étymol. et Hist.I. Trans.
A. Donner à manger à, nourrir
1. ca 1050 une personne (
St Alexis, éd. Chr. Storey, 220, 247); fig.
a) ca 1170
de joie paüz (
Chrétien de Troyes,
Erec, éd. M. Roques, 6138); 1176 (
Id.,
Cligès, éd. A. Micha, 4336: Cil seus moz la sostient et
peist Et toz ses max li asoage. D'autre mes ne d'autre bevrage Ne se quiert pestre n'abevrer; Car quant avint au dessevrer, Dist Cliges qu'il estoit toz suens);
b) id. peistre ses ialz de + inf. (
Id.,
op. cit., 585);
ca 1200
paistre ses ex de larmes (
Jean Renart,
Escoufle, éd. F. Sweetser, 5278);
c) ca 1200
paistre [
aucun]
de blanches paroles «tromper, leurrer» (
Renart, éd. M. Roques, 10117); 1269-78
id. de paroles (
Jean de Meun,
Rose, éd. R. Lecoy, 14395);
2. un animal
a) ca 1160
paistre les oisels (
Eneas, 5700 ds T.-L.;
id. paistre un cerf (
id., 3534,
ibid.);
b) ca 1200 «conduire des animaux au pâturage pour qu'ils s'y nourrissent»
paistre les pors; paistre la herde de ses berbiz (
Dialoge Grégoire éd. W. Foerster, 62, 18; 146, 20);
c) 1
erquart
xiiies. fig.
paistre les öeilles sens spirituel (
Renclus de Molliens,
Carité, 63, 2 ds T.-L.),
cf. xvies.
Anon., tr.
Bullinger, I, 18, p.211 ds
Hug.: Je susciterai sur mes brebis teur qui les
paistra: asavoir mon serviteur David).
B. Brouter, pâturer 1
remoitié
xiies. (
Psautier de Cambridge, 79, 13 ds T.-L.: les bestes del champ
pöurent icele [vigne de Egipte]); 1174-76
peistre herbe (en parlant d'un boeuf) (
Guernes de Pont-
Ste-
Maxence,
St Thomas, 1330,
ibid.).
II. Intrans. brouter, pâturer
1. 1119 (d'une chèvre) (
Philippe de Thaon,
Comput, 1428 ds T.-L.);
ca 1140 (de boeufs) (
Voyage de Charlemagne, éd. P.Aebischer, 318); 1169-78
mener pestre [
les berbiz] (
Jean de Meun,
op. cit., 19965); 1544 part. prés. adj.
chevres paissantes (
L'Arcadie de Sannazar, trad. J. Martin, 68 v
od'apr.
H. Vaganay ds
R. Ét. rab. t.9, p.314);
2. fig.
a) 1174-76
faire pestre [
aucun]
od sei «attirer (quelqu'un) dans son camp par des promesses illusoires» (
Guernes de Pont-
Ste-
Maxence,
op. cit., 867 ds T.-L.); 1178
faire petre [
aucun] «tromper» (
Renart, 3280);
b) 1456-67
chasser paistre «renvoyer, congédier» (
Cent nouvelles nouvelles, éd. F. Sweetser, 68
e, 31); 1461
envoyer paistre (
Villon,
Testament, éd. J. Rychner, 552).
III. Se nourrir
1. en parlant d'une personne
a) 1155 (
Wace,
Brut, éd. I. Arnold, 1996);
b) 1176-81 fig.
soi pestre de son panser (
Chrétien de Troyes,
Charrette, éd. M. Roques, 1361); 1228
soi pestre en esgarder (
Jean Renart,
Guillaume de Dole, éd. F. Lecoy, 5459);
2. 1168-78 en parlant d'un animal (
Jean de Meun,
op. cit., 17781). Du lat.
pascere «mener paître, faire paître; nourrir, entretenir», fig. «faire croître, développer; repaître, réjouir», empl. poét. «brouter, paître».