PASSION, subst. fém.
Étymol. et Hist.I. Action de souffrir
A. 2
emoitié
xes. «supplice subi par un martyr» (
St Léger, éd. J. Linskill, 240); fin
xes. «supplice subi par le Christ pour le rachat de l'humanité» (
Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 12); 1119 «récit du supplice du Christ dans les Évangiles» (
Philippe de Thaon,
Comput, 2750 ds T.-L.: E ço lisant truvum Enz en la
passïun); 1402, 4 déc. art dram.
Confrarie de la Passion (Lettre patente de Charles VI ds
L. Petit de Julleville,
Les Mystères, t.1, p.417;
cf. A.
Thomas ds
Romania t.21, p.606); 1671, 26 mars «sermon sur le thème de la Passion» (
Sévigné,
Lettres, éd. M. Monmerqué, n
o149, t.2, p.130: ... aller à la
Passion du P. Bourdaloue).
B. 1
erquart
xiies. «souffrance physique» (
Lapidaire de Marbode, 401 ds
Studer-
Evans, p.44); 1135 (
Wace,
Ste Marguerite, éd. E. A. Francis [ms. A], 680).
II. Affection de l'âme
A. 1. Déb.
xiiies.
passion d'amor (
Chastoiement d'un père à son fils, éd. A. Hilka et W. Söderhjelm, version en vers, A, 388: Si se sont bien aveseié: Quant n'i truevent [li mire] mal ne dolor Que ce est
passion d'amor);
ca 1265 (
Brunet Latin,
Trésor, éd. Fr. J. Carmody, II, XIV, 2, p.183: en l'ame de l'home sont .III. poissances, c'est abit, pooir et
passion. Passions sont si come amour, leesce et misericorde; et totes choses de quoi ensieut volenté et moleste sont sous ces choses de
passion); 1569 «souffrance torturante provoquée par l'amour» (
Ronsard,
7el. des poèmes;
sonnets, II, éd. P. Laumonier, t.15, p.228: ... telle
passion De mon amour donne assez tesmoignage); 1572 plur.
manifester ses passions a sa dame (
Desperiers,
Nouv. recreat., fol. 290 r
o(éd. L. Lacour II, 388) ds
Gdf. Compl.);
2. début
xvies.
passion partizane «parti pris» (
D'Aubigné,
Tragiques, Aux lecteurs ds
OEuvres, éd. E. Réaume et F. de Caussade, t.4, p.8); 1607
sans passion «sans parti pris» (
H. d'Urfé,
L'Astrée, 1
repart., IV, éd. H. Vaganay, t.1, p.127);
3. 1621 «vive affection pour quelque chose» ici, la liberté (
Malherbe, trad.
XXXIIIelivre de Tite Live, chap.32 ds
OEuvres, éd. L. Lalanne, t.1, p.439);
4. 1671 «(en parlant d'une personne) objet d'affection» (
E. Fléchier ds
Rec. des oraisons funèbres;
duc de Montausier, Paris, 1808, p.19);
5. 1674 «chaleur, sensibilité animant une oeuvre littéraire» (
Boileau,
Art poétique, III ds
OEuvres, éd. F. Escal, p.169: Que dans tous vos discours la
passion émuë Aille chercher le coeur, l'échauffe et le remuë).
B. philos. 1370 «fait de subir; impression reçue par le sujet [opposé à
action]» (N.
Oresme,
Ethiques, éd. A. D. Menut, V, 8, fol. 96d, p.289: Car se un a esté navré et l'autre le ait navré... tele accion et tele
passion sont divisees par inequalité [note 5:] Il prent ici
passion pour souffrance distinguée contre accion; si comme estre batu, estre occis... c'est
passion; et faire teles choses, c'est accion); 1558 «conditions (péché, misère, mort...) que l'homme subit de nature» (
Calvin,
Bible, Lyon, Michel Du Boys,
Actes, XIV, 14: Nous sommes aussi hommes, subjects à mesmes
passions que vous); 1649 (
Descartes,
Passions de l'âme, 1
repart., art.1 ds
OEuvres, éd. A. Bridoux, p.695: tout ce qui se fait ou arrive de nouveau est généralement appelé par les philosophes une
passion au regard du sujet auquel il arrive, et une action au regard de celui qui fait qu'il arrive). Empr. au lat.
passio, -onis, formé sur le part. passé du verbe
pati «souffrir». Son empl. étant attribué une 1
refois par le grammairien Charisius (
ives.) à Varron au sens de «douleur morale»,
passio est réellement att. dep. le
iies. (Apulée) au sens de «fait de subir, de souffrir, d'éprouver» (empl. au sens de «action de subir de l'extérieur», comme quasi-synon. de «accident» −
passio opposé à
natura −par
Ambroise,
Hexameron, 2, 3, 14 ds
Blaise Lat. chrét.), spéc. «souffrance physique, douleur, maladie» (
iiies.,
Caelius Aurelianus); empl. pour désigner les souffrances du Christ (textes patristiques, dep. Tertullien), celles des martyrs (
Tertullien ds
Blaise Lat. chrét.), le récit des martyres (397, concile de Carthage,
ibid.), le dimanche avant Pâques (
viies.,
Sacramentaire de Gélase, ibid.).
Passio connaît à partir de la fin du
iiie-déb.
ives. un empl. actif au sens de «mouvement, affection, sentiment de l'âme» (
Arnobe,
St Augustin,
ibid.), spéc., le plus souvent au plur. et d'empl. péj., «les passions»:
passiones peccatorum, passiones carnales. Pour l'évolution du mot fr., v. aussi
E. Lerch ds
Arch. rom. t.22, 1938, pp.320-49.