PART1, subst. fém.
Étymol. et Hist.I. Partie, point de l'espace. Côté, direction; parti.
A. Notion de côté, de direction. Loc.
1. a) de [ma, ta...]
part «en ce qui [me, te...] concerne, de [mon, ton...] côté» 842 précédé de l'adj. poss.
de sua [ms.
suo]
part (
Serments de Strasbourg ds
Henry Chrestomathie, p.2, 20); 1119
de sa part (
Philippe de Thaon,
Comput, 1930 ds T.-L.);
b) de [la]
part [de] indique la personne de qui provient une chose, au nom de qui elle est faite «au nom de, venant de, en provenance de»
α) ca 1100
part précédé de l'adj. poss. (
Roland, éd. J. Bédier, 361:
De meie part ma muiller saluez); 1150
de sue part (
Wace,
Brut, éd. I. Arnold, 1992);
ca 1170
de sa part (
Marie de France,
Lais, éd. J. Rychner,
Deus Amanz, 139);
β) de [la]
part suivi d'un subst.
ca 1100
de part Deu (
Roland, 2847);
ca 1140
de part sun pere (
Geoffroi Gaimar,
Estoire des Engleis, éd. A. Bell, 95);
ca 1165
de le part Dé (
Guillaume d'Angleterre, éd. M. Wilmotte, 2852); 1174-76
de la part le rei (
Guernes de Pont-Ste-Maxence,
St Thomas, éd. E. Walberg, 305), v. aussi
par3;
2. fin
xes.
de totas part «venant de tous les côtés» (
Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 154);
ca 1050
de tutes parz (
St Alexis, éd. Chr. Storey, 574);
3. a) [
d'une part; d'autre part] marque une transition, une opposition entre deux parties d'un récit, entre deux idées
α) fin
xes.
deˑ ll'altra part (
Passion, 345: Nicodemus
deˑ ll'altra part Mult unguement hi aportat); 1130-40
de l'altre part (
Wace,
Conception N.-D., éd. W. R. Ashford, 669); 1174-87
d'autre part (
Chrétien de Troyes,
Perceval, éd. F. Lecoy, 2732); 1176-81
id. (
Id.,
Chevalier à la charrette, éd. M. Roques, 1291);
β) 1155
de l'une part ... de l'altre part (
Wace,
Brut, 6691, 6695);
b) [
d'une part, d'autre part]
α) indique une situation dans l'espace:
ca 1100
d'une part (
Roland, 3433);
ca 1140
id. (
Voyage de Charlemagne, éd. G. Favati, 370);
ca 1135
d'autre part (
Couronnement de Louis, éd. Y. Lepage, réd. AB, 917);
ca 1170
id. (
Chrétien de Troyes,
Erec, éd. M. Roques, 355);
ca 1274
d'une part et d'autre (
Adenet le Roi,
Berte, éd. A. Henry, 1967: Et
d'une part et d'autre mainte vigne plantée); 1624
de part et d'autre (
Coutumes de Gorze, § 40 ds
Nouv. Coutumier gén., éd. A. de Richebourg, t.2, p.1091a: les voisins
de part et d'autre [d'une terre]); 1671
id. «des deux côtés, de partout» (
Pomey);
β) 1559 fig.
d'une part et d'autre «dans les deux camps de combattants» (
Amyot, trad. de
Plutarque,
Hommes illustres, Romulus, § 8, éd. G. Walter, t.1, p.44); 1668
de part et d'autre cont. jur. (
Racine,
Les Plaideurs, II, 14: Il faut
de part et d'autre avoir un avocat);
c) ca 1160
autre part «dans un autre endroit» (
Eneas, éd. J.-J. Salverda de Grave, 1051);
4. à part a)
α) ca 1100
metre [
aucun]
a une part «mettre de côté par un choix, un tri» (
Roland, 1115); 1651 p.ell.
amour à part... (
Corneille,
Nicomède, I, 2);
β) 1160-74 [en parlant d'une pers.]
(ester) a une part «(être) à l'écart» (
Wace,
Rou, éd. A. J. Holden, III, 3852); av. 1362
traire [
aucun]
a part (
Bersuire [ms. Bibl. nat. fr. 20312
ter] fol. 72 r
ods
Littré); fin
xives.
parler [
a aucun]
a part «seul à seul» (
Eustache Deschamps,
OEuvres, éd. Queux de Saint-Hilaire et G. Raynaud, t.5, p.109, 6);
γ) 1636 empl. adj. «particulier, différent des autres» (
Corneille,
Illusion comique, V, 2: Leur gloire a son brillant, a ses règles
à part); 1690 «séparé des autres, distinct» (
Fur.: à un cheval hargneux il luy fait une estable
à part);
δ) 1788
à part loc. prép. (
Fér. Crit.);
b) a par(t) suivi d'un pron. pers.
α) 1205-50
a par soi «tout seul» (
Renart, éd. E. Martin, XXIII, 1241);
ca 1276
a par vous (
Adam de La Halle,
Jeu de la Feuillée, éd. E. Langlois, 197);
xiiies.
a par li (
Prestre mis au lardier ds
Nouv. Rec. de fabliaux, éd. A. de Montaiglon et G. Raynaud, t.2, p.25); 1606
faire quelque chose a part soy (
Nicot);
β) 1330
disoit a par luy «en lui-même, dans son for intérieur» (
Hugues Capet, éd. de La Grange, 1101);
id. pensoit tout a par [leçon du ms. unique, corrigée en
part par l'éd.]
lui (
ibid., 1980);
ca 1470
se lamentoit a part lui (
Georges Chastellain,
Chron., éd. Kervyn de Lettenhove, t.3, p.239); av. 1533 (
Clément Marot,
Elégies, XIII ds
OEuvres, éd. C. A. Mayer, p.236: Toute la nuyct, je disois
a par moy);
5. quelque part ca 1100
quel part + subj. loc. prép. «où que, par où que» (
Roland, 2034); 1
remoitié
xiies.
quel part? «où?» (
Psautier Oxford, éd. Fr. Michel, CXXXVIII, 6); 1459
quelque part que loc. prép. «partout où» (
Coutumes de duché de Bourgogne, § IX ds
Nouv. Coutumier gén., éd. A. Bourdot de Richebourg, t.2, p.1177a); 1530
quelque part, quelque aultre part loc. adv. (
Palsgr., p.823a);
6. nulle part ca 1160
de nulle part «d'aucun côté, en aucun endroit» (
Eneas, 199); 1176-81
nule part (
Chrétien de Troyes,
Chevalier au lion, éd. M. Roques, 3427);
7. de part en part a) 1480-90 «entièrement» (
Guillaume Coquillart,
Monologue des Perruques ds
OEuvres, éd. M. J. Freeman, p.328);
b) ca 1590 «d'un côté au côté opposé»
percer de part en part (
Montaigne,
Essais, I, XLVIII, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p.291);
8. 1530
prendre en bonne part «interpréter en bien» (
Palsgr., p.747a);
9. 1538
chascun pour sa part «chacun en ce qui le concerne»
pro sua quisque parte (
Est.,
s.v. pars).
B. Camp, cause; parti, faction. Emplois libres
1. a) ca 1130
Deu nos prenge a sa part «Dieu nous prenne parmi les siens, Dieu nous protège» (
Li ver del juise, éd. E. Rankka, 479);
b) ca 1140 en parlant de combattants (
Gaimar,
Estoire des Engleis, 414: Ocis i fud li rei Guntier E d'ambes
parz maint chevalier);
c) 1160-74
le par «parties» (
Wace,
Rou, éd. A. J. Holden, II, 1765); fin
xives.
les pars «les parties plaidantes, les plaideurs» (
Eustache Deschamps,
OEuvres, MXXXV, 22, t.5, p.312);
2. 1408, 1
ersept.
faire pars «susciter des partis, des factions» (
Ordonnances des rois de France, t.9, éd. Secousse, p.371)
cf. de part et d'autre fig.
supra I A 3 b β.
II. Notion de partage, de participation
A. ce qui revient à quelqu'un
1. sans idée de partage réel, participation à des biens qui se transmettent sans être réellement partagés
a) fin
xes.
aver part ab (
Passion, 504: Fraindre devem noz voluntez, Que
part aiam ab Deu fidels);
b) 1130-40
aveir part en «s'intéresser à» (
Wace,
Ste Marguerite, éd. E. A. Francis, 437 [ms. A, 1267]);
ca 1165
avoir part de (
Guillaume d'Angleterre, 2223); 1
erquart
xiiies.
que Dieus i ait part (
Courtois d'Arras, éd. E. Faral, 483); 1538
avoir part a «participer, concourir à» (
Est.,
s.v. pars, participo);
c) 1176
avoir part an [
aucune] «avoir des rapports charnels avec» (
Chrétien de Troyes,
Cligès, éd. A. Micha, 3138);
d) 1559
faire part de «faire savoir» (
Amyot,
op.cit.,
Alexandre, t.2, p.341), v.
faire-part;
2. partie, portion attribuée lors d'un partage, d'une distribution
a) ca 1140 [partage de terres] (
Geoffroi Gaimar,
op. cit., 4377); 1155
part de la terre (
Wace,
Brut, 14519);
ca 1170
la tierce part de s'hérité (
Marie de France,
op. cit.,
Eliduc, 629);
ca 1180 (
Id.,
Fables, IV, 28, éd. K. Warnke, p.19: Li chiens i vient, sa
part en porte); 1
erquart
xiiies.
faire part [
d'aucune rien a aucun] «donner une part de quelque chose à quelqu'un, l'y faire participer» (
Renclus de Molliens,
Miserere, 42, 3 ds T.-L.: Onques au ladre n'en fist
part [l'enfrun vilain]);
b) spéc. 1710 «quotité revenant à quelqu'un dans une affaire» (
Dancourt,
Femme d'intrigues, V, 2 ds
Coll. des théâtres fr. Comédies en prose, t.1, 1829, p.415); 1721 mar.
être à la part (
Trév.);
c) 1813
faire sa part à (qqc.) «lui reconnaître un domaine déterminé» (
Royer-
Collard in Fragments philos., p.194 ds
Rob.); 1823
faire la part à (
id.) «le mettre en ligne de compte» (
Boiste: il faut ... faire la
part aux ennuis, aux dégoûts); 1835
faire la part de (
Ac.: En faisant la
part du bonheur, du hasard; faire la
part de la critique; faire la
part du diable); 1842
faire la part du feu fig. (
Ac. Compl.).
B. Partie d'un tout sans idée d'affectation, de distribution:
ca 1100 «partie d'un pays» (
Roland, 3332: De la contree unt porprises les
parz);
ca 1140 (
Geoffroi Gaimar,
op. cit., 2194: Mais [del] païs grant
part guasterent); 1269-78 «partie de la lune» (
Jean de Meun,
Rose, éd. F. Lecoy, 16841); 1535
part ... part (
Rabelais,
Gargantua, éd. R. Calder et M. A. Screech, LI, 42-43, leçon du ms. B: viz De laquelle les marches estoient
part de porphyre,
part de pierre Numidicque,
part de marbre) v.
plupart (la).
C. Origine; nature. Ce qui échoit à quelqu'un, héritage, lignée:
ca 1100
malvais hume de male part «de basse origine» (
Roland, 2135); 1160-74
de bonne part «loyal, franc» (
Wace,
Rou, II, 1952);
ca 1213
de romain part [
cf. FEW t.7, p.673b, note 6] (
Li fet des Romains, éd. L. F. Flutre et K. Sneyders de Vogel, 280, 18). Du lat.
pars, partis «part, portion, lot; partie» (
parte ... parte; magna parte; nulla parte; pro mea parte); au plur. «parts, parts bénéficiaires»; «partie, point de l'espace, côté» (
una in parte; ex altera parte; à basse époque
in parte, in partem «à part»); p.ext., souvent au plur. devenu synon. de
regio,
Blaise Lat. chrét. Pars, le plus souvent au plur. a développé divers sens spéc. dans les lang. techn.: −«partie du corps» (et p.euphém.
partes «parties sexuelles»); −«partie d'un nombre» (
duae partes «les deux tiers»); −«côté, cause, parti» (
a parte accusatoris; in altera parte esse), spéc. «parti politique»; −dans la lang. du théâtre: «partie d'une pièce confiée à un acteur; rôle (
partes agere)», et, p.ext. «
munus, officium», v.
Ern.-
Meillet. Dans la loc.
a par(t) suivie d'un pron. pers.,
part semble avoir été substitué à l'a. fr.
par, prép., qui, non précédé de
a et suivi du pron. pers. signifiait déjà «isolément; tout seul» (
ca 1100,
Roland, 3065: Cil sunt
par els en un val...; 1121-34
par sei «de lui-même, tout seul»
Philippe de Thaon,
Bestiaire, v.
par1II 2).