PARLER1, verbe
Étymol. et Hist. 937-952 parfait
parla (
Jonas, éd. G. de Poerck, 21).
I. Intrans.
A. 1. a) 2
emoitié
xes. «(en parlant d'une personne) user de sons articulés propres au langage humain» (
St Léger, éd. J. Linskill, 161: Am las lawras li fai talier Hanc la lingua quae aut in quev [...] Hor a perdud don deu
parlier); 1174-76 (
Guernes de Pont-
Ste-
Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 71: Li müet i
parolent, li surt i unt l'oïe);
b) ca 1100 «s'exprimer à l'aide de ces sons» (
Roland, éd. J. Bédier, 3784: Ben set
parler [Pinabel] e dreite raisun rendre); 1174-87
trop parlanz,
bien parlanz (
Chrétien de Troyes, Perceval, éd. F. Lecoy, 1647, 7721); 1641 loc.
généralement parlant (
Descartes, Méditations,
vieds
OEuvres, éd. A. Bridoux, p.325);
2. spéc.
a) fin
xes. faire «connaître sa volonté par une déclaration, un discours, en vue d'être entendu, obéi» (
Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 106: [Jesus li bons] Tan dulcement pres a
parler [...] A cel sopar un sermon fiz);
ca 1100 (
Roland, 426; 675; 752);
b) 1174-76 «s'entretenir, conférer, échanger des avis avec quelqu'un» (
Guernes de Pont-
Ste-
Maxence, op. cit., 1781: Dunc alerent ensemble li evesque
parler); c) 1646 «faire connaître, révéler ce qui devrait être tu» (
Corneille, Héraclius, II, 1: Vous êtes fille, Eudoxe et vous
avez parlé);
3. accompagné d'un compl. d'obj. indir.
parler de a) fin
xes.
de aucune rien (
Passion, 452: De
regnum Deu semper
parlet [Jesus]);
b) ca 1100
d'aucun (
Roland, 522: De Carlemagne vos voeilloïr
parler);
4. avoir une conversation avec quelqu'un
a) parler ab, a «avec» fin
xes. (
Passion, 260: Ab les femnes pres a
parler; 402: Si
parlet a las femnes, dis);
ca 1050 (
St Alexis, éd. Chr. Storey, 448: Set a mei sole vels une feiz
parlasses);
ca 1100 (
Roland, 369: Par grant saveir
parolet li uns a l'altre);
b) ca 1165
parler de... a (
Benoît de Ste-
Maure, Troie, 5542 ds T.-L.); 1174-76 (
Guernes de Pont-
Ste-
Maxence,op. cit., 1786).
B. S'exprimer par écrit. Traiter d'un sujet
1. ca 1050 en parlant d'un auteur (
St Alexis, 15);
2. 1174-87 en parlant d'un écrit «traiter, disserter de» (
Chrétien de Troyes, op. cit., éd. F. Lecoy, 6289);
ca 1208 (
Geoffroi de Villehardouin, Conquête de Constantinople, éd. E. Faral, 8);
ca 1260
letre bien parlant (
Récits d'un Ménestrel de Reims, 229 ds T.-L.).
C. P. anal.
1. ca 1050 le sujet est une statue figurant une personne (
St Alexis, 183: Est vus l'esample par trestut le païs, Que cele imagine
parlat pur Alexis);
2. ca 1100 un animal (
Roland, 2559: Cascun [ours]
parolet altresi cume hum);
ca 1180 (
Marie de France, Fables, 51, 18 ds T.-L.);
3. 1634-36 un instrument de musique
tuiau [d'orgue]
qui parle bien (
Mersenne, 1. 6 ds
Rich. 1680).
D. 1. 1556 le sujet est une chose à laquelle on prête un langage, une signification (
Ronsard, Nouvelle continuation des ,,Amours``, Sonet, 12 ds
OEuvres, éd. P. Laumonier, t.7, p.254: icy toute chose ayme, Tout
parle de l'amour, tout s'en veult enflammer); 1680
armes parlantes (
Rich.); 1633 fig. (
Bertaut, OEuv., p.603 ds
Gdf. Compl.: Leur vie est un
parlant exemple);
2. 1665 une abstraction à laquelle on prête une faculté d'expression «s'imposer, commander» (
Racine, Alexandre, I, 2: Et, quand la gloire
parle).
E. 1661 «s'exprimer par un moyen naturel autre que la parole» (
Molière, D. Garcie, I, 1: Un soupir, un regard, une simple rougeur, Un silence est assez pour expliquer un coeur: Tout
parle dans l'amour); 1654 part. prés. adj.
parlant (
Perrot d'Ablancourt, Lucien, De la danse ds
Littré: [en parlant d'un pantomime] cet homme avoit le corps et les mains
parlantes).
II. Trans.
A. parler mot «dire un mot» fin
xes. (
Passion, 478: De Crist non sabent mot
parlar [Li soi fidel]);
ca 1180 [en parlant d'un oiseau]
parler les matinees «dire les matines» (
Marie de France, Fables, 56, 7 ds T.-L.).
B. Employer pour s'exprimer dans telle ou telle langue fin
xes. (
Passion, 459: Lingues noves il
parlaran et dïables encalceran);
ca 1200
savoir parler latin et roman (
Aiol, 276 ds T.-L.,
s.v. latin); 2
emoitié
xiiiparler Franchois (
Antéchrist, I, 3 ds T.-L.,
s.v. françois).
C. Aborder, traiter tel ou tel sujet [avec un compl. sans art.] 1
remoitié
xiies.
parler pais [
pacem loqui] (
Psautier de Cambridge, 27, 3,
ibid.); 1613 (
Régnier, Satires, XV, 58, éd. G. Raibaud, p.200: Et sans
parler curé, doyen, chantre ou Sorbonne).
D. p.ell. 1672
parler Vaugelas (
Molière, Femmes savantes, II, 7).
E. Prononcer, dire sur le ton de la conversation 1768 (
Voltaire, Lettre à d'Argental, 18 nov. ds
Corresp. éd. Th. Besterman, t.34, p.141: C'est une tragédie [
Les Guèbres] qu'il faut plutôt
parler que déclamer). Du lat. chrét. de basse époque
parabolare (dér. de
parabola, v.
parole), relevé dans des textes jur. et hagiographiques tardifs (678-79 «parler»
Visio S. Baronti; 853 «conférer ensemble»
Capit. miss. Silvac. ds
Nierm.). Ce verbe a éliminé les class.
loqui grâce à sa forme plus étoffée et à son sens plus concret et
fabulari, v.
hâbler. Pour la généralisation des formes faibles (type
il parole >
il parle), v.
Fouché Morphol., pp.13-15, 142. V. aussi
R. Chatton, Zur Geschichte der romanischen Verben für ,,sprechen``,
,,sagen`` und ,,reden``, Bern, 1953.