PAPIER, subst. masc.
Étymol. et Hist.I. Fin
xiiie-déb.
xives. [ms.] (Arch. Douai CC156 ds J.
Finot, Relations commerciales entre la France et la Flandre, 1894, p.172: Queval qui porte
papiers); 1355, 25 nov. Troyes
moulin à paupier (Arch. départ. Aube G 3423,
Bail du moulin le roi); 1387, 19 sept. Ville-sur-Saulx, Meuse
molin a papier (Arch. départ. Meurthe-et-Moselle, B 343, fol. CCCXXVII); 1451 Lorraine
pauppier (
Hist. de Metz, V, 571 ds
Gdf.); spéc.
A. Papiers de différentes qualités, destinés à différents usages
a) xives. utilisé en méd. (
Moamin et Ghatrif, III, 8, 5 ds T.-L.); 1543
papier painct (
Inventaire du mobilier de Guy de Mergey ds
Havard t.4, col. 70); 1575
papier collé (
Paré, OEuvres, éd. J. Malgaigne, XVII, t.2, p.610b); 1671
papier blanc (
Pomey); 1680
papier bleu, gris (
Rich.); 1760
papier verré (
L'Avant-coureur, 10 nov., p.687-688 d'apr.
Havard t.4, col. 60); 1850
papier filtre (
Dorvault, L'Officine, p.790 ds
Quem. DDL t.12);
b) 1695
papier mâché (Ch. G.
Le Clerc, Chirurg. complette, 265 d'apr.
FEW t.7, p.590a [cette réf. paraît erronée]); 1775 (
Mercure, août d'apr.
Havard t.4, col. 60); 1773 fig.
des organes de papier mâché (
Voltaire, v.
mâcher1A 1 b); 1835
visage de papier mâché (
Ac.).
B. Papiers apprêtés pour différents usages
ca 1508
papier d'acquit (
Comptes de la construction du château de Gaillon, éd. A. Deville, p.499); 1674
papier marqué (
Sévigné, Lettres, 29 janv., éd. Gérard-Gailly, t.1, p.699); 1675
papier timbré (
Id., ibid., 30 oct., p.895); 1680
papier réglé (
Rich.); 1690
papier de musique (
Fur.).
II. Support de l'écriture.
A. Feuille, ensemble de feuilles sur lesquels figure un texte écrit; document écrit
1. a) 1308
pappier a registrer les lettres (doc. ds
Gdf. Compl.);
ca 1393
papier de la despense (
Ménagier, II, 58 ds T.-L.); 1552
papiers brouillars «minutes, brouillons» (
Est.,
s.v. Adversus - adversaria); 1573
papiers terriers (G.
Paradin, Hist. de Lyon, p.107 ds
Gdf. Compl.);
b) loc.
α) 1585
estre en le papier de (
qqn) «avoir des comptes à lui rendre, un mauvais traitement à lui faire subir» (
Du Fail, Contes d'Eutrapel, éd. J.M. Guichard, § 15, p.225); av. 1755
être mal sur les papiers de (qqn) (
Saint-Simon, Mém., éd. G. Truc, t.5, p.332); 1798
être bien (ou
mal)
dans les papiers de (qqn) (
Ac.);
β) 1587
en papier «par écrit» [opposé à «dans les faits»] (
Lanoue, 24 ds
Littré); av. 1592
en papier opposé à
en effet (
Castelnau, 115,
ibid.);
γ) 1640
rayez cela de vos papiers (
Oudin, Curiositez, s.v. rayer); 1654
rayer quelqu'un de ses papiers (
Scarron, Virgile travesti, éd. Paris, 1858, IV, 170a ds
Richardson);
2. a) fin
xives. «engagement par écrit» (E.
Deschamps, VII, 236, 103 ds T.-L.); 1670
papier volant «papier qui ne fait pas foi en justice» (
Patru, Plaidoyers, 3 ds
Littré);
b) 1748 «effet (lettre de change, billet au porteur...) représentant de l'argent comptant» (
Montesquieu, Esprit des Lois ds
OEuvres, éd. R. Caillois, p.651: Comme l'argent est le signe des valeurs des marchandises, le
papier est un signe de la valeur de l'argent);
3. a) 1736 plur. «tous les documents qu'un navire doit avoir à bord» (
Aubin);
b) 1835 (
Ac.: Ce voyageur n'avait pas ses
papiers).
B. Ca 1349 «feuille destinée à recevoir un texte écrit» (
Dial. fr.-flam., F 3 a ds T.-L.);
ca 1393 (
Ménagier, II, 250,
ibid.: escripre sur le
papier); 1606
papier à escrire lettres (
Nicot).
III. Papyrus (la plante) 1
remoitié
xives. (
Gloss. Abavus, Vat. lat. 2748, 4022 ds
Roques t.1, p.192:
papirus: jonc
vel papier). Le lat.
papyrus «papyrus, roseau d'Égypte» a désigné la plante et deux produits fabriqués avec ses fibres: la feuille mince servant de support à l'écriture (I
ers.) et la mèche de lampe, de cierge (
ives. Hilaire, Paulin de Nole). D'une var. lat. vulg. *
papilus (
Thomas (A.),
Nouv. Essais, p.177), l'a. prov.
pabil «mèche» (
xiies. − gasc. Marmande
xives. [ms.] ds
Levy Prov.; gasc. mod.
babit «
id.» ds
Lespy-
Raym.); d'une autre var. en
-ellu, l'a. prov.
pabel «
id.» (gasc.
ca 1230 d'apr.
FEW t.7, p.589b; déb.
xives. [ms.]
Petit Thalamusg de Montpellier, éd. Soc. archéol. de Montpellier, 1840, p.273); d'une 3
evar.
*papelius, le judéo-fr.
paveil «sorte de jonc» (fin
xies.,
Raschi, Gl., éd. A. Darmesteter et D. S. Blondheim, 782) type répandu dans divers dial., v.
FEW, loc. cit. Les feuilles de papyrus furent exportées d'Égypte en Europe occidentale jusque vers la fin du
viiies., l'arrivée des Arabes dans la vallée du Nil au
vies. ayant progressivement mis un terme à leur exportation. Il fut dès lors peu à peu remplacé dans les pays occidentaux par le parchemin presque exclusivement en usage encore au
xiies. À cette époque,
papyrus commença à désigner le papier de chiffon, d'orig. chinoise, fabriqué ensuite par les Arabes (après la prise de Samarkand, 751) qui l'introduisirent vers le déb. du
xies. en Espagne et de là en Italie du Nord (lat. médiév.
papirus relevé à Gênes en 1163,
FEW t.7, p.593b), d'où il se répandit en France où fonctionnent des moulins à papier vers le mil. du
xives. en Champagne et en Lorraine, v. A.
Blum, La Route du papier, 1946, p.22 et
supra I. En Italie du Nord, le mot se présente sous deux formes: le type
paper à l'Ouest, issu par voie demi-sav. de
paperium (altération de
papyrum d'apr. le suff.
-erium), relevé au
xiiies. (
Statuta mercatorum de Piacenza, p.451 d'apr.
FEW t.7, p.595 a, note 32), d'où le fr.
papier; le type
palpei (
parpé) au Centre, issu d'une forme en
palp- (d'orig. discutée, peut-être issu de
paper devenu *
parper (n *
palper, cf. lat. médiév.
palperium xiiies.,
Statuta [
...]
Piacenza, p.484,
ibid.), d'où le fr.
paupier, répandu en Lorraine et en Champagne,
supra, cf. aussi le dér.
paupelier, v.
papetier. L'a. prov.
papier (1268
papir Langon ds A.
Luchaire, Rec. de textes de l'anc. dial. gasc.,
Paris, 1888, gloss.; 1296
bala de papier [papier transporté de Majorque à Marseille]
Notules de Giraud Amalric d'apr. A.
Blum, op.cit., p.54; 1343
papier ds
Comptes des frères Bonis, éd. E. Forestié, t.1, p.19; 1344
papier lombart e catala, ibid., p.111) est −soit directement venu de l'Italie du Nord [
cf. la présence dans le Comtat, au
xives., de papetiers de Florence, de Turin, de Savoie, v. H.
Chobaud, Les débuts de l'industr. du papier dans le Comtat Venaissin, 1930, pp.7-27 et 40] −soit empr. au fr.