PANTOUFLE, subst. fém.
Étymol. et Hist. [1
remoitié
xves.
S. Pantouffle nom de saint fantaisiste (ms. B.N. lat. 13308 ds
Leroquais, Heures, t.2, p.148)]
1. 1465
pantoufles «chaussures d'intérieur en tissu ou en cuir souple» (H.
Baude, Vers, éd. J. Quicherat, p.23); 1480
panthoufles «chaussures à semelle épaisse et à haut talon» (G.
Coquillart, Droitz nouveaulx ds
OEuvres, éd. M. J. Freeman, p.219, 1765: Noz mignonnes sont si treshaultes Que, pour sembler grandes et belles, Elles portent
panthoufles haultes Bien a XXIIII semelles) v. aussi
Id.,
ibid., p.157, 575, et ici au sing. 1480-90,
Id., Monologue des perrucques, p.322, 90; av. 1486
pantoufles «chaussures élégantes» (G.
Alexis, Le Mireur des moines, 38 ds
OEuvres poét., éd. A. Piaget et E. Picot, t.3, p.11); 1488-94
pantouffle «sorte de chaussure souple qu'on mettait à l'intérieur des souliers (ou patins)» (O.
de La Marche, Le Triomphe des dames, éd. J. Kalbfleisch-Benas, pp.4-5);
2. au fig.
a) 1555
baiser la pantoufle de qqn «se soumettre à son autorité» (
Calvin, lettre du 20 févr. ds
Lettres, éd. J. Bonnet, t.2, p.19);
b) 1618
prendre ses pantoufles pour aller quelque part «y aller commodément, sans effort» (
Bruscambille, Prologue facécieux de l'impatience ds
Fantaisies, p.80);
c) 1740-55
en pantoufles «sans effort» (
Saint-
Simon, Mém. éd. A. de Boilisle, t.4, p.218: Sa situation [du château d'Ebernbourg] ni celle du pays ne demandoient point d'investiture, ni plus d'une attaque: de manière que les Impériaux faisoient ce petit siège
en pantoufles);
d) 1867 au plur. symbole du confort bourgeois et sans risque (
Baudel., Poèmes prose, p.96);
3. 1521
maistre pantoufle «maître sot» (
Fabri, Rhétorique, éd. A. Héron, t.I, p.268);
4. 1673
raisonner pantoufle «bavarder sans suite, à bâtons rompus» (M
mede Sévigné, Lettre du 19 nov. ds
Corresp., éd. R. Duchêne, t.1, p.621); 1798
raisonner comme une pantoufle «battre la campagne, déraisonner» (
Ac.);
5. 1808
et coetera pantoufle euphémisme remplaçant un mot grossier (
Hautel, s.v. et coetera); 1835
pantoufle «
id.» (
Balzac, Fille yeux d'or, p.366);
6. 1878 arg. «ensemble des élèves qui, à la sortie de l'École Polytechnique, renoncent aux carrières de l'État» (
Moch. X-Lex., p.44); 1894 «carrière dans le privé» (en parlant des anciens élèves de Polytechnique) (
Lévy-
Pinet, loc. cit.). Mot d'orig. obsc. On a proposé l'étymon gr. π
α
ν
τ
ο
́
φ
ε
λ
λ
ο
ς «tout en liège»; cette hyp., déjà émise par les humanistes de la Renaissance (G. Budé, H. Estienne, Varchi, etc.) est reprise (pour l'ital.
pantofola d'où le fr.
pantoufle serait issu) par
Prati, DEI et
EWFS2, ces 2 derniers expliquant le
-t- au lieu du
-d- attendu par une hypercorrection; cette étymol. fait cependant difficulté pour 2 raisons: a) il est difficile d'attribuer une orig. sav. à un mot comme
pantoufle; b) il n'est pas prouvé que le lieu d'orig. des formes rom. soit l'Italie (où le mot est att. dep.le
xves. sous la forme
spantoffia d'apr.
DEI; forme qui d'apr.
Keller, art. cité
infra, p.447, note 23, devrait son
s initial à l'art. plur. du fr. dans
les pantoufles), le fr. (
supra), le cat. (att. dep.1463 sous la forme
pantofle ds
Alc.-
Moll) et le port. (
pantufo au
xves. ds
Mach.) étant contemporains. H. E.
Keller (ds
Mél. Wartburg (W. von)) 1958, pp.451-454, suivi par
Bl.-
W.3-5(mais non par
FEW t.21, pp.534-535), reprenant une hyp. déjà proposée par
Diez (
s.v. pantofola),
Sain. Sources t.1, p.202 et 203, et
Cor., s.v. pantuflo, fait remonter
pantoufle à la racine
patt-; le mot serait d'orig. mérid. (H. Baude est originaire du Bourbonnais), ce qui expliquerait à la fois la syll.
pant- au lieu de
pat- (phénomène phon. propre à l'occit.) et le suff.
-oufle (bien représenté dans le sud de la France), et aurait désigné d'abord une chaussure de paysan. Le fr. serait alors à l'orig. du mot dans les autres lang. rom.
Guir. Lex. fr. Etymol. obsc., rapprochant
pantoufle de
pantin* et du dial.
pantet «pan de chemise, etc.» (
FEW t.7, p.559b), en fait un dér. de
pan* à l'aide du suff.
-oufle qui connoterait des objets plus ou moins gonflés ou des bruits plus ou moins sourds: la pantoufle aurait été à l'orig. une chaussure d'étoffe. Bien que l'hyp. de H. E. Keller soit la plus vraisembable, il manque encore pour ce mot une ét. approfondie de l'hist. des formes et des sens dans les lang. rom. (
cf. G.
Colon ds
Z. rom. Philol. t.78, pp.84-85).