OEUVRE, subst.
Étymol. et Hist. A. Subst. fém.
1. 1
remoitié
xiies.
ovre «objet créé par l'activité, le travail de quelqu'un» (
Canticum Habaccuc, 2 ds
Psautier Oxford, éd. Fr. Michel, p.239);
ca 1360
etre oevre de diable «être dû à l'action du diable» (
Froissart,
Chron., éd. G. Raynaud, IX, p.159);
2. ca 1145
uevre «action, fait de faire quelque chose» (
Wace,
Conception N.D., éd. W. R. Ashford, 986);
a) début
xiiies.
mettre a uevre «mettre en application, en pratique» (
Maurice de Sully,
Homélies, iii, 102, éd. C. A. Robson, p.86); 1409
mettre en oeuvre qqc. «employer pour une réalisation pratique» (
Trésor des Chartes du Comté de Rethel, 623, 18 ds
Runk., p.44); 1832
mode de mise en oeuvre (
Musset ds
Revue des Deux Mondes, p.611);
b) ca 1360
mettre main a oevre (
Froissart,
op. cit., V, 36); 1559
mettre la main à l'oeuvre (
Amyot,
Préf., IX, 35 ds
Littré); 1611
bois d'oeuvre (
Cotgr.,
s.v. bois);
3. 1160-74 «production artistique ou littéraire» (
Wace,
Rou, éd. A. J. Holden, II, 3: mes por l'
euvre esploitier les vers abrigeron); 1776
oeuvres complètes (
Voltaire,
Lettres à son imprimeur, avril, p.166); 1831
oeuvre d'art (
Balzac,
Peau chagr., p.140);
4. 1174-77
euvre «union charnelle de l'homme et de la femme» (
Renart, éd. M. Roques, 6072); 1493
euure de char ne desireras (
Compost et Kalendrier des Bergiers, éd. Guy Marchant, fol. VI, v
o); 1567 [éd.] plur.
enceinte des oeuvres d'un tel (
Amyot,
Thésée, 4 ds
Littré);
5. ca 1208 «tâche, action propre à quelqu'un ou à quelque chose» (
Villehardouin,
Conquête Constantinople, éd. E. Faral, 114); 1862
faire oeuvre de servante (
Sainte-
Beuve,
Nouv. lundis, t.2, p.440);
6. 1225-30 «action considérée dans sa valeur morale ou religieuse»
bones ovres feire (
Guillaume de Lorris,
Rose, éd. F. Lecoy, 426); en partic.
a) 1457-67 plur. théol. «actions méritoires pour le salut» (
Cent nouv. nouvelles, éd. Fr. p.Sweetser, XXXIX, 107, var. de l'éd. consultée par
Littré);
b) 1821 «organisation religieuse de jeunesse, d'enseignement, de charité, etc.» le plus souvent au plur. (J.
de Maistre,
Soirées St-Pétersb., t.2, p.343: la société biblique est une
oeuvre protestante);
7. fin
xiiies. «travail artistique d'une oeuvre d'orfèvrerie»
rice oevre (
Philippe Mousket,
Chron. rimée, éd. de Reiffenberg, 2576); 1653
mettre une pierre pretieuse en oeuvre (
Vaug[elas],
Quin., livre 3 ds
Rich. 1680);
8. 1379-80
euvre «fabrique d'une église» (
Compt. de la fabriq., Arch. Aube, G 1559, f
o41 r
ods
Gdf.); 1611 «banc des marguilliers dans l'église» (
Cotgr.);
9. 1611
maistre des hautes oeuvres (
ibid.);
10. 1567 mar.
oeuvres mortes (
Amyot,
Lucul., 8 ds
Littré); 1643
id. oeuvres vives (
Fournier Hydrographie).
B. Subst. masc.
1. 1529 «ensemble de la production d'un artiste, d'un écrivain»
petitz oeuvres latins (
Tory,
Champ fleury, I, 1ds
Hug.);
cf. 1647 (
Vaug., p.34);
2. 1542 [éd.] «ensemble des travaux exécutés dans un même but» (
Rabelais,
Pantagruel, éd. V. L.Saulnier, V, 67, var. édit. «définitive»);
3. a) 1490 «intérieur d'une maison» d'où
par dehors euvre «détaché des murs d'une maison» (A.N.K272 ds
Gdf. Compl., s.v. uevre); 1597
hors d'oeuvre, v. ce mot;
b)1572
dans oeuvre (
Bref et sommaire recueil de l'entrée de Charles IX à Paris ds
Havard 1889, col. 1022);
c) 1798
à pied d'oeuvre (
Ac.); 1922 fig. «au commencement» (
Proust,
Fugit., p.659: tout était retombé à pied d'
oeuvre, puisqu'il avait épousé une cocotte); 1931
id. reprendre la tâche à pied d'oeuvre (
Weill,
Judaïsme, p.65);
4. 1626 [éd.]
le grand OEuvre alchim. (
D'Aubigné,
Hist. univ., II, 1176 ds
OEuvres compl., éd. Réaume et de Caussade, t.VI, p.360). Du lat.
opera, à l'orig. plur. de
opus, operis «ouvrage, acte, travail», utilisé dep. Plaute comme fém. sing. au sens de «travail, activité», et qui subsiste dans presque toutes les lang. rom.
cf. FEW t.7, p.363b).