NOTRE, NOS, adj. poss.
Étymol. et Hist. Art. et adj. poss.
I. Masc.
A. Cas régime sing.
nostre 1. 842 art. poss. (
Serments de Strasbourg ds
Henry Chrestomathie, p.2, 3: Pro Deo amur et pro christian poblo et
nostro commun salvament); fin
xes. (
Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 80: Per mals conselz van demandan
Nostre sennior cum tradissant; 142: Vers
nostre don son aproismad);
ca 1190
no dial. (
Floovant, éd. F.H. Bateson, 733);
ca 1228
id. pic. (
Gerbert de Montreuil, Violette, éd. D.L. Buffum, 1372);
2. adj. poss.
a) ca 1100 associé à l'art. dém. [indique ici la proximité d'intérêt] (
Roland, éd. J. Bédier, 2583: Cest
nostre rei por quei lessas cunfundre?);
ca 1223 associé à l'art. indéf. (
Gautier de Coinci, Miracles, éd. V. F. Koenig, 2
Mir 9, 1114: Un
nostre enfant noz norrirez);
b) ca 1140 réfère à l'art. déf., en l'absence d'un subst. non répété: emploi dit de ,,pron. poss.`` (l'art. fonctionne comme un pron., qualifié par le poss., v. G.
Moignet, Gramm. de l'a. fr., p.121) (
Pèlerinage de Charlemagne, éd. G. Favati, 820: Ma dame la reïne, ele dist mult que fole, Que mesprisat barnet si ben cumme
le [ms.
la]
nostre!).
B. Cas suj. sing.
nostre 1. adj. poss.
a) fin
xes. associé à l'art. déf. (
Passion, 417: Lo
nostrae seindrae en eps cel di Veduz furae veiades cinc);
ca 1100 (
Roland, 1444);
b) ca 1100 assume la fonction d'attribut (
Id. 922: Se lui servez [Mahomet], l'onur del camp ert
nostre; 1211: Ferez i, Francs,
nostre est li premers colps!);
ca 1340
nos dial. pic. (
Bastard de Bouillon, 5704 ds T.-L.);
c) fin
xiiies. associé à l'art. dém.; emploi de ,,pron. dém.`` [indique ici la proximité d'intérêt] (
St Julien, 716,
ibid.: Ainc ne sot tant dire cist
nostres Ne li autre qu'i vaille un gant);
2. ca 1100 art. poss. (
Roland, 1: Carles li reis,
nostre emperere magnes); fin
xiies.
nos région du Nord-Est (
Raoul de Cambrai, éd. P. Meyer, 2231); 1
erquart
xiiies.
id. pic. (
Renclus de Molliens, Carité, 102, 2 ds T.-L.);
ca 1228
id. pic. (
Gerbert de Montreuil, op. cit., 1545),
cf. 1521
Fabri, Rhétor., L. II, p.132 ds
Hug.: En picart, l'en a coustume de dire ,,no maistre`` pour ,,nostre maistre``.
C. Cas régime plur.
1. adj. poss. fin
xes. associé à l'art. déf., emploi de ,,pron. poss.``
los nostres (
Passion, 10: Peccad negun unque non fiz, Per eps
los nostres fu aucis);
2. art. poss.
noz ca 1050 (
St Alexis, éd. Chr. Storey, 618: De
noz pechez sumes si ancumbrez);
ca 1100 (
Roland, 2148).
D. Cas suj. plur.
1. art. poss.
a)ca 1050
nostra (
St Alexis, 12:
Nostra anceisur ourent cristïentét); 1100
nostre indique ici la proximité d'intérêt (
Roland, 1255:
Nostre Franceis n'unt talent de fuïr);
id. noz (
Id., 2178; 2484);
b) ca 1190 associé à un adj. indéf. (
Floovant, 686: Tuit
nostre home le servent);
2. adj. poss.
ca 1100
nostre associé à l'art. dém. (
Roland, 2715: Cist
nostre deu sunt en recreantise).
II. Fém.
A. Cas suj. sing.
1. art. poss. fin
xes.
nostra (
Passion, 14: Cum aproismed sa passïuns −cho fu
nostra redemptïons −...);
ca 1100 (
Roland, 1713: ...«Forz est
nostre bataille»); 1190-1200 (
Conon de Béthune, Chansons, éd. A. Wallensköld, IV, 3, 8, p.226);
2. adj. poss. associé à l'art. déf.
ca 1165 (
Benoît de Ste-Maure, Troie, 18397 ds T.-L.: la
nostre gent).
B. Cas régime sing.
1. art. poss.
ca 1100
nostre (
Roland, 804: «Pernez mil Francs de France,
nostre tere»); fin
xiies.
no région du Nord-Est (
Raoul de Cambrai, 2004); 1
erquart
xiiies.
id. pic. (
Renclus de Molliens, Miserere, 148, 11 ds T.-L.);
2. adj. poss. associé à l'art. déf.
nostre ca 1100 (
Roland, 189: Si recevrat la
nostre lei plus salve; 374: ... en la
nostre marche);
ca 1190 emploi de ,,pron. poss.`` attribut (
Floovant, 653: La loi de Mäonmot
la nostre ne vaudrai).
C. Cas régime plur.
noz 1. art. poss. fin
xes. (
Passion, 503: Fraindre devem
noz voluntez);
ca 1100 (
Roland, 42:... de
noz muillers);
2. adj. poss.
ca 1165 associé à l'art. déf.
les noz genz (
Benoît de Ste-
Maure, Troie, 10520 ds T.-L.);
ca 1210 emploi de ,,pron. poss.``, forme anal.
des noes [
batalles] pic. (
Robert de Clari, Constantinople, éd. Ph. Lauer, XLVII, p.49, 75).
D. Cas suj. plur.
noz 1. art. poss.
ca 1100 (
Roland, 949:
Noz espees sunt bones e tranchant);
2. ca 1210 pic. adj. poss. associé à l'art. déf., forme anal.
les noes batailles (
Robert de Clari, op. cit., XLVIII, p.50, 14).
III. Emploi subst.
A. Plur.
1. cas suj.
ca 1100
li nostre désigne ceux d'un même camp, les défenseurs d'une même cause (
Roland, 1628: Mult decheent
li nostre!);
2. cas régime
ca 1100
les noz (
Id., 1191; 1951);
ca 1275
les nostres (
Adenet Le Roi, Beuve de Conmarchis, éd. A. Henry, 1590).
B.Sing. «notre bien, ce qui nous appartient»
ca 1120-50 (
Grant mal fist Adam, I, 110 ds T.-L.:
Le nostre doner).
IV. Représentant une seule personne, correspond à
nous ,,de majesté`` 1241, v.
nous II C. Le poss.
nostre, art. [atone] et adj. [tonique] est issu du lat.
nŏster. Le paradigme type de l'a. fr. est le suivant: masc. sing., cas suj., cas régime [formes atones, formes toniques]
nostre (<
noster; nostru); masc. plur., cas suj. [atone, tonique]
nostre (<
nostri); fém. sing., cas suj., cas régime [
id.]
nostre (<
nostra); masc. et fém. plur., cas régime [forme tonique]
nostres (
< nostros; nostras), [forme atone]
noz; cette dernière forme représente prob. le masc.
nŏstros avec, en position proclitique, chute du
r dans le groupe de quatre consonnes constitué par la chute du
o final et aboutissement de *
nosts à
noz. À partir de
noz, s'est peu à peu constitué un paradigme de l'art. poss. (masc. sing. cas suj.
nos, régime
no; plur. cas suj.
no, régime
nos; fém. sing.
no, plur.
nos) en usage notamment dans le domaine pic. où il est même employé en position tonique (G.
Moignet, op. cit., pp.40-42;
Gossen, §68;
FEW t.7, p.195b, note1; v. aussi
Fouché, pp.169-170). Le lat.
noster exprime l'appartenance, le possesseur étant l'ensemble des personnes indiquées par
nous; il peut être employé comme attribut et faire fonction de pron.; dès l'époque class., il peut indiquer un rapport de proximité d'intérêt:
noster Ennius (
Cicéron, Pro Archia, 22);
hic noster «cet orateur, dont nous parlons» (
Id., Orator, 99);
nostri «les nôtres (compatriotes, soldats, amis...)»; d'une pers.
noster est «il est avec nous, dans notre camp» (
Id., Ad Quintum, 1, 1, 10);
noster, subst., désignation familière du maître par les esclaves:
Horace, Satires, II, 6, 48 désigne dans ce cont. Horace lui-même. Au Moy. Âge,
noster, utilisé par une autorité, exprime le plur. dit ,,de majesté`` (
ixes. autorité eccl., autorité civile ds
Nov. gloss.).