NON, adv.
Étymol. et Hist. Négation forte, employée comme négation totale de ce qui n'est pas pleinement le prédicat de la phrase.
I. A. Négation de ce qui, dans la phrase, n'est pas le verbe à un mode personnel
1. négation d'un terme dans un groupe antithétique de deux termes 2
emoitié
xes. (
St Léger, éd. J. Linskill, 97: Enviz lo fist,
non voluntiers; 102: Cil Ewruins molt li vol miel [a Sanct Lethgier], Toth per enveia,
non per el); 1174-76 (
Guernes de Pont-
Ste-
Maxence,
St Thomas, éd. E. Walberg, 2918: Fil d'iglise te dei,
nun evesque, apeler); 1174-87 (
Chrétien de Troyes,
Perceval, éd. F. Lecoy, 7317: Bien en i a jusqu'a .V.C., les uns barbez, les autres
non); 1228 (
Jean Renart,
Guillaume de Dole, éd. F. Lecoy, 1415: Voire, fet il, ce n'est pas doute
Non d'une chose, mes de toute);
a) non mie 1176-81 (
Chrétien de Troyes,
Chevalier au lion, éd. M. Roques, 6118);
ca 1228 (
Gerbert de Montreuil,
Violette, éd. D. Labaree Buffum, 455);
b) 1188
non pas (
Aimon de Varennes,
Florimont, éd. A. Hilka, 6186);
ca 1270 (
Richard le Beau, éd. W. Foerster, 4466), v. aussi
plus, moins;
2. équivalent d'un préf. négatif devant des termes autres que le verbe à un mode pers. (subst., inf., part., adj.), entre autres:
nunpöant (1121-34
Philippe de Thaon,
Bestiaire, 2613 ds T.-L.),
nonsavant (
ca 1130
Gormont et Isembart, éd. A. Bayot, 33),
nonsavoir, subst. (
ca 1140
Gaimar,
Estoire des Engleis, éd. A. Bell, 2486),
nonnuisant (1
remoitié
xiies.
Psautier d'Oxford, 72, 13 ds T.-L.),
nonsage (
id. Psautier de Cambridge, 93, 8,
ibid.),v. aussi
nonchaloir, non voyant, etc.
B. Constitue, avec ellipse du verbe, le 2
eterme d'une alternative
a) ca 1050 (
St Alexis, éd. Chr. Storey, 579: Voillent o
nun, sil laissent [Alexis] metra an terre),
cf. ca 1100 (
Roland, éd. J. Bédier, 1419);
id. (
id., 423: Par lui orrez si avrez pais u
nun);
ca 1160 (
Eneas, éd. J.-J. Salverda de Grave, 589: Les homes neier en vëimes..., si ne savon S'il sont encor neié o
non);
b) ca 1100 (
Roland, 1279: ... l'abat mort, qui qu'en peist u qui
nun);
id. (
ibid., 2567: Mais ço ne set liquels veint ne quels
nun).
C. 1. Dans une exceptive elliptique négative introduite par
se (l'élément exclu se trouvant entre
se et
non)
ca 1100 (
Roland, 221: ... Ja mar crerez bricun, Ne mei en altre, se de vostre prod
nun!; 3681: Mais n'ad talent que li facet se bien
nun),
cf. Keller, p.343b;
2. dans une hypothétique elliptique négative
ca 1170 (
Rois, éd. E. R. Curtius, IV, II, 10, 175: Fort chose as requise, mais nepurquant, si tu veiz quant jo ierc raviz, issi iert cume tu requiers; si
nun, n'iert pas issi), v.
sinon.
D. Réponse directe répliquant par la négative à une question posée −ou réfutant l'assertion d'un interlocuteur
1. non employé comme compl. d'obj. après un verbe déclaratif
ca 1130
ne dire ne o ne nun (
Gormont et Isembart, 266);
2. non accompagné d'un pron. suj. de forme non prédicative (suggérant que le verbe est s.-ent.)
ca 1170 (
Béroul,
Tristan, éd. A. Ewert, 505: «Sire, s'or ne nos veïsiez, Certes ne nos en creïssiez» −«Par Deu, je
non»); 1174-87 (
Chrétien de Troyes,
Perceval, 261: Vaslez, fet il, don nel sez tu? −Je
non; 4799: Es tu a lui? −Sire, ge
non); 1176-81 (
Id.,
Chevalier au lion, 4915: Car me dites voire novele [...] −«Je
non» fet il «se Dex me voie!»),
cf. la négation
ne employée en pareil cas avec le pron. suj. prédicatif (
ne* II), v.
G. Moignet,
Gramm. de l'a. fr., p.274;
3. non faisant phrase à lui tout seul (emploi relativement rare par rapport à l'emploi II)
a) en réponse à une question oratoire 1176 (
Chrétien de Troyes,
Cligès, éd. A. Micha, 897: Si fera ele maugré mien, Ja ne l'an voel je tolir rien. Tolir?
Non voir! ce ne vuel mon);
b) ca 1200 (
Jean Bodel,
St Nicolas, éd. A. Henry, 895: Rasoir, chi n'atendés vous point? −
Non, car tu l'as passé d'un point); début
xiiies. (
Raoul de Houdenc,
Vengeance Raguidel, 4725 ds T.-L.: «Vos ne ferés pais autrement? Ferés?» −«
Nan voir»);
id. (
Bueve de Hanstone, I, 8754,
ibid.: «Estes de Franche?» −«Dame», dist Bueves, «
non, Mais d'Engletere»).
E. Non en reprise de phrase négative (négation oratoire)
ca 1200 (
Jean Bodel,
St Nicolas, 526: Riens qui en se garde soit mise N'iert ja perdue ne maumise, Tant ne sera abandonnee,
Non, se chis palais ert plain d'or Et il geüst seur le tresor); début
xiiies. (
Raoul de Houdenc,
Vengeance Raguidel, 4864 ds T.-L.: Nus nel quidast a la cort,
non, Qu'il le dëust nul jor avoir).
F. Non interr. au sens de «est-ce bien vrai?»
ca 1285 (
Adam de la Halle,
Robin et Marion, éd. E. Langlois, 85: «... je n'amerai autrui que Robert» −«
Non, bergiere?» −«Non, par ma foi!»).
II. [Négation totale portant sur le verbe: dep. 842, v.
ne]
Non, négation d'un verbe qui, dans une courte phrase, confirme ou nie une assertion ou une interr. précédente. Si le premier verbe est
être ou
avoir −plus rarement un autre verbe auxil. (
pouvoir, vouloir...) −
non précède une forme appropriée de ces verbes; si le premier verbe est autre que
être ou
avoir,
non précède une forme appropriée du verbe
faire; de ce dernier emploi, le syntagme
non fait «non, non certes» [
cf. l'anton.
si fait]:
xviies. (
Épigramme ds
M.Régnier,
OEuvres, éd. P. Jannet, 1867, p.231: Robin, ta chandelle se fond −
Non fait, dict il;
cf. éd. P. Poitevin, 1860, p.335), relevé dans divers dial. (
FEW t.7, p.183ab).
A. Après une assertive
1. affirmative
ca 1100 (
Roland, 255: Respunt Rollant: «Jo i puis aler mult ben!» −«
Nu ferez certes», dist li quens Oliver; 330: «Jo i puis aler, mais n'i avrai guarant.
Nu l'out Basilies ne sis freres Basant»); 1160-74 (
Wace,
Rou, éd. A. J. Holden, II, 673: «Gentiz ber», dist li roiz, «se Dex me beneïe, Tout sui prest, s'il vous plest, d'aler en vostre aïe...» −«
Non ferez»); 1174-77 (
Renart, éd. M. Roques, IIIa, 4367: Dist Chantecler: Renart cousin, Vos me volez traire a enging. −Certes, ce dist Renart,
non voil); 1174-87 (
Chrétien de Troyes,
Perceval, 399: «Tu as veü, si com je croi, Les enges don la gent se plaignent, Qui ocient quan qu'il ataignent. −Voir
non ai, mere,
non ai, non!»); fin
xiie-début
xiiies. (
Id.,
Cligès, éd. A. Micha, p.215, leçon ms. a, apr. 6462, 4-6: Ce set an bien certainement Que je sui suans et la tor soe. −
Non est, Johans, ançois est toue);
2. négative
ca 1223 (
Gautier de Coinci,
Miracles, éd. V. F. Koenig. 2 Mir. 28, 103: La ne dut pas de joie faillir, Et sachiez bien que
non fist elle); 1240-80 (
Baudouin de Condé,
Dits et Contes, 102, 128 ds T.-L.: Voire, ja n'ai en blont n'en brun Fïance, ki fait chiere enfrume;
Non ai je n'en blonde n'en brune); 1268-79 (
Jean de Meun,
Rose, éd. F. Lecoy, 9515: ... et s'i fet aucune foiz pendre Que sa mere nou peut defendre.
Non peut ses peres Queurs Failliz).
B. Après une phrase impér.
1. positive
ca 1150 (
Charroi de Nîmes, éd. D. McMillan, 60: Puis li a dit «Guillelmes, quar seez! −
Non ferai, sire,» dit Guillelmes le ber);
2. négative 1174-87 (
Chrétien de Troyes,
Perceval, 170: Et dit: «Vallez, n'aies peor! −
Non ai ge, par le Salveor»).
C. Après une phrase optative
a) négative
ca 1160 (
Eneas, 8489: Ja Dé ne place Qu'il m'amor ait!
Non avra il);
b) affirmative
ca 1228 (
Gerbert de Montreuil,
Violette, 3146 ds T.-L.: «Que la male mors vous en vigne, Que taindre vous en puist le fache!» −«A foi, damoisiele,
non fache»).
D. Après une interrogative (interrogation directe)
ca 1160 (
Eneas, 1750: Sire, par coi m'avez traïe? −Ge
non ai, voir, la moie amie).
III. Non pas... que + subj., loc. conj.; sert à écarter une cause qu'on pourrait supposer:
xives. (
Dit de Robert le Diable, 57 ds T.-L.).
IV. Emploi subst.
xiiies. (
Clef des Assises de Jérusalem, art. lxxxiii ds
Assises de Jérusalem, éd. Beugnot, t.1, p.586: Par l'assise ou usage dou royaume de Jerusalem..., nul ne peut faire preuve de
non); fin
xives.
dire dou non «refuser» (
Froissart,
Espinette amoureuse, éd. A. Fourrier, 855); 1690
pour un ouy, ou pour un non (
Fur.). Du lat.
non, adv. de négation se plaçant av. le verbe en prop. négative (
id fieri non potest), pouvant également porter sur un mot particulier (
id non fieri potest);
non peut également exprimer une réponse négative [celle-ci consistant régulièrement à reprendre le terme sur lequel portait la question],
cf. Térence,
Phormio, 525:
Iam ea [
dies]
praeteriit? −
Non;
Cicéron,
Pro Murena, 73:
Senatus num obviam prodire crimen putat? Non;
sed mercede... Num sectari multos? Non;
sed conductos, v.
Lat. Gramm. t.2. Lat. Syntax und Stilistik, § 241, C γ, p.452.