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NI, conj. de coordination négative
Étymol. et Hist. Conj. de coord. I. Coordonne des termes d'une même prop. A. En prop. nég. 1. 842 ne répété (Serments de Strasbourg ds Henry Chrestomathie, p.2, 21: Si ... Karlus, meos sendra, de suo part non lo [sagrament]'s tanit ..., ne io ne neuls cui eo returnar int pois, in nulla aiudha contra Lodhuuuig nun li iu er); 881 ned (Ste Eulalie, ibid., p.3, 7: Elle no'nt eskoltet les mals conselliers Qu'elle Deo raneiet ..., Ne por or ned argent ne paramenz, Por manatce regiel ne preiement); ca 1050 (St Alexis, éd. Chr. Storey, 551-554: Surz ne avogles ne contraiz ne leprus Ne muz ne orbs ne nuls palazinus, ... Nuls n'en i at ki n'alget malendus); 1176 Ne dit an mes ne plus ne mains «on ne parle plus du tout» (littéral. «ni plus ni moins») (Chrétien de Troyes, Cligès, éd. A. Micha, 40); 2. fin xes. ne non répété (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 175: De quant il querent le forsfait Cum il Jesum oicisesant, Non fud trovez ne envenguz; 385); ca 1050 (St Alexis, 138); ca 1100 forme élidée devant voy. (Roland, éd. J. Bédier, 3355). B. En prop. implicitement nég. ou dubit., marquée d'indéterm., au sens de «et; ou» 1. en prop. interr. a) ca 1050 interr. dir. (St Alexis, 502: Que valt cist crit, cist dols ne cesta noise?); ca 1170 (Chrétien de Troyes, Erec, éd. M. Roques, 2513); 1180-90 forme élidée devant voy. (Alexandre de Paris, Alexandre, éd. E. C. Armstrong, I, 2210); b) ca 1223 interr. indir. (Gautier de Coinci, Miracles, éd. V. F. Koenig, 2 Mir. 17, 22, t.4, p.96: Enquerrant vont en quele guise Ne comment est si tost esprise [la ville]); 2. en sub. compar. (la régissante étant affirm.) a) ca 1100 compar. d'inégalité (Roland, 1111: Plus se fait fiers que leon ne leupart); b) id. compar. marquant la préférence (id., 45: Asez est melz qu'il i perdent lé chefs Que nus perduns l'onur ne la deintet); 3. en sub. temp. situant l'action par rapport à un procès postérieur ca 1100 (id., 2036: Ainz que Rollant se seit aperçeüt, De pasmeisuns guariz ne revenuz ...); ca 1210 (Robert de Clari, Constantinople, XXXI, éd. Ph. Lauer, p.31); 4. en sub. hyp. a) ca 1135 ne (Couronnement de Louis, éd. Y. G. Lepage, réd. AB, 1591: Quant traïson vels fere ne porquerre, Il est bien droiz et reson que i perdes); 1160-74 (Wace, Rou, éd. A. J. Holden, II, 2159); b) ca 1135 ne...ne (Couronnement de Louis, 1346: Une fille ai ...: Ge la vos doing de gré et volentiers, Se la volez ne prendre ne baillier, Et de ma terre avroiz une moitié); ca 1150 (Charroi de Nîmes, éd. D. McMillan, 587); 5. dans une rel. dépendant d'un antécédent marqué d'indéterm. ca 1150 (id., 524: [d'une femme] C'est la plus belle que l'en puisse trover en paienime n'en la crestïenté); ca 1165 (Benoît de Sainte-Maure, Troie, éd. L. Constans, 5590; 15601); ca 1170 (Chrétien de Troyes, Erec, 5167: Mes, qui qu'alast ne anz ne hors ...). II. Coordonne deux prop. A. Deux prop. nég. 1. fin xes. deux princ. (Passion, 155: No's defended ne no'ssusted [Jesus]; A la mort vai cum uns anels); ca 1050 (St Alexis, 121: Nel reconurent [Alexis] ne ne l'unt anterciét; 265 net: Li serf sum pedre [d'Alexis] ... Lur lavadures li getent sur la teste: Ne s'en corucet net il nes en apelet); id. ne est exprimé devant chacune des deux prop.; forme élidée (id., 239: Sovent le virent e le pedre e le medra ... N'il ne lur dist, ne il nel demanderent, Quels hom esteit...); 2. ca 1120-1150 deux complét. nég. obj. d'une princ. affirm. (Grant mal fist Adam, I, 20 ds T.-L., s.v. 556, 14). B. Une princ. nég. à une princ. affirm. ca 1100 (Roland, 964: En Rencesvals irai Rollant ocire, Ne Oliver n'en porterat la vie); fin xiies. (Homélies de St Grégoire sur Ézéchiel, 10, 32 ds T.-L. s.v., 555, 28). C. Des prop. au cont. implicitement nég., dubit., indéterm.; au sens de «et; ou» 1. ca 1100 complét. affirm. dépendant d'une princ. nég. (Roland, 1064: Ne placet Damnedeu Que mi parent pur mei seient blasmet Ne France dulce ja cheet en viltet!); 2. id. sub. compar. marquant la préférence (id., 60: Asez est mielz qu'il i perdent les testes Que nus perduns clere Espaigne, la bele, Ne nus aiuns les mals ne les suffraites!); 3. id. sub. rel. indéterm. (id., 1589: Ambure ocit [Roland; le païen et son cheval], ki quel blasme ne quil lot); 1176 (Chrétien de Troyes, Cligès, 221-225); ca 1179 (Renart, éd. M. Roques, 1231); 4. interr. a) ca 1150 interr. dir., forme élidée (Charroi de Nîmes, 1188: Ou as conquis si riche menantie N'en quel païs n'en quel fié est ta vie?; 274: «Dex!» dit Guillaumes, «qu'issis de Virge gente, Por c'ai ocis tante bele jovente Ne por qu'ai fet tante mere dolente?»); ca 1160 (Eneas, éd. J.-J. Salverda de Grave, 4944); b) 1160-74 interr. indir. (Wace, Rou, III, 9186: ... aveit enquis E demandé a ses amis, Se ja evesque reis sereit Ne se ja reis estre porreit); 5. 1174-87 sub. hyp. (Chrétien de Troyes, Perceval, éd. F. Lecoy, 3779: D'angoisse me covient suer Qant nus m'areste ne esgarde). Issu de la conj. lat. nec, devenue ne, doublet de neque «et ... ne pas (liant deux mots ou deux prop.)» devant init. conson. du mot suiv., et qui finit par supplanter la forme pleine. Contrairement à la nég. ne*, et jusque vers la 2emoitié du xiiies., ne conj. ne s'élide qu'except. devant voy., sauf devant les prép. en et a; suivi d'un pron. pers. atone, il ne se soumet pas à l'enclise. Ne, forme rég., est très progressivement concurrencé par ni, qui le supplante au xviies. ([1220, mai, Cambrai, doc. ds Tailliar, Rec. d'actes des XIIeet XIIIes., Douai, 1849, p.68: en frere ni en sereur; 1251, doc. Avesnes [copie de cartul.] ds Gossen, p. 163: ni aultres de par my −ces deux ex. n'étant pas probants]; 2emoitié xiiies., Chrétien de Troyes, Perceval, éd. W. Foerster, 3825, texte du ms. L; post 1288 ds Adam de La Halle, Jeu de Robin et de Marion, éd. E. Langlois, Append. III, 12, interpol. entre les vers 723-724 par l'aut. du Jeu du Pélerin, ms. P, traits pic.; Jehan Bodel, St Nicolas [ms. ca 1300], éd. A. Henry, 148 et 1399). Cependant on notera qu'au xives. Guillaume de Machaut, au xves. Alain Chartier ds La Belle Dame sans mercy et François Villon n'emploient pratiquement que ne (4 empl. de ni dans toute l'oeuvre de Guillaume de Machaut; un seul empl. de ny dans Villon). Ni semble d'ailleurs très rare jusqu'à la fin du xves. mais se répand très vite dès le début du xvies. sous la forme ny. Ni est prob. issu de groupes syntactiques où ne se trouvait en relation avec un anc. dém. de type icel (celui*) ou avec le pron. pers. il*: n'icel, n'il. Il est possible également que la généralisation de ni ait été facilitée −à travers les dial. limitrophes du domaine occit. −par la tendance dans ce domaine à fermer en i le e en hiatus: a. prov. ni (2emoitié xiies., Bernard de Ventadour, Quant vey la lauzeta mover, 50, éd. C. Appel, p.253 au sens de «ni»; Id., Lancan vei la folha, 25, 39 ds Appel, p.58 au sens de «et»; 1171-90, Arnaut de Mareuil, Dona genser, 44 ds Les Saluts d'amour, éd. P. Bec, p.75).