NAGER, verbe
Étymol. et Hist. I. A. Intrans.
1. ca 1100 «faire avancer un bateau à l'aide de rames, ramer» (
Roland, éd. J. Bédier, 2631);
ca 1140 «naviguer» (
Geoffroi Gaimar, Estoire des Engleis, éd. A. Bell, 493: Dous nefs i ot tuit veirement, Lur veilz drescent cuntre le vent. Tant
unt nagied e governez Qu'en Danemarche sunt arivez);
ca 1210 (
Dolopathos, 372 ds T.-L.: Toz fut li voilles desploiez; Moult par orent bon vant a droit. Tant
nagierent a grant esploit C'a Rome furent repairet);
2. fig.
a) 1176-81 (
Chrétien de Troyes, Chevalier à la charrette, éd. M. Roques, 1570: Molt
ai hui bien et droit
nagié, Qu'a molt boen port sui arrivez);
b) av. 1370
nager entre deux yauues «refuser de s'engager dans une voie, de prendre parti» (
Jean le Bel, Chron., éd. J. Viard et E. Déprez, t.1, 1904, p.136), voir
G. Roques ds
Trav. Ling. Litt. Strasbourg t.20 n
o1 1982, pp.41-42; 1916 pop.
nager «être embarrassé, ne savoir que faire» (d'apr.
Esn.);
c) ca 1380
nager en grant joie (
Jean Lefèvre, La Vieille, 150 ds T.-L.); 1620 (
Malherbe, Poésies, XLIV, 27 ds
Œuvres, éd. L. Lalanne, t.1, p.157: Les douceurs où je
nage...);
d) 1588
nager en plus grande eau «jouir d'une situation importante» (
Argentré, H. de Bret., fol. 401 v
ods
Gdf. Compl.);
e) 1914 pop.
savoir nager «savoir se débrouiller» (d'apr.
Esn.).
B. Trans.
ca 1150 «conduire [quelqu'un] en bateau» (
Wace, St Nicolas, éd. E.Ronsjö, 382).
II. 1. Fin
xiies. «se déplacer dans l'eau par des mouvements adéquats» fig. «se maintenir, ne pas sombrer» (
Béroul, Tristan, éd. E. Muret
4, 3428: Ge oi dire que souef
nage Cil qui on sostient le menton;
cf. ca 1180
Proverbe au vilain, 148 ds T.-L.,
s.v. nöer);
2. 1530 «[en parlant d'un inanimé] flotter sur un liquide» (
Translat. prem. guerre pun., à la suite de
Prem. vol. des grans decades de Tit. Liv., fol. 182b ds
Gdf. Compl.); 1552 (
Est., s.v. innato: Nager sur l'eaue; flotter);
3. 1552 «baigner dans un liquide» (
Est., s.v. nonato: le pavé
nageoit tout en vin); 1636 (
Monet: les bles
nagent an l'eau); 1671 (
Pomey: cet homme ...
nageoit dans son sang);
4. 1680 «être au large dans quelque chose» (
Rich.: son pié
nage en son vieux soulié). Du lat.
navigare «naviguer, voyager sur mer» (d'où I).
Nager a peu à peu supplanté l'a. fr.
nöer «nager» (1160-74,
Wace, Rou, éd. J. Holden, III, 5238; encore largement att. au
xvies.,
Hug., au propre et au fig.), issu du b. lat. *
nŏtare, forme dissimilée du class.
natare «nager»; de
natare, l'a. prov.
nadar (
xiiies.,
Marcoat ds
Levy Prov.), l'esp. cat. port.
nadar; de *
notare, l'a. roum.
nota (qui en atteste l'ancienneté), l'ital.
nuotare. Cette nouvelle signification de
nager (II) a rendu difficile l'emploi courant du verbe dans la signification primitive de «naviguer», d'où l'empr. au lat., de
naviguer*. La cause de l'éviction de
nöer serait sa collision homon. avec l'a. fr.
nöer (< lat.
nōdare), v.
nouer, W. von Wartburg, Problèmes et méthodes de la linguistique, 2
eéd., pp.163-166. La plupart des emplois figurant sous I A 2 sont dans la lang. mod. compris comme dér. du sens II.