MOUTON, subst. masc.
Étymol. et Hist. I. Subst.
A. 1. a) 1
remoitié du
xiies. « bélier » (
Psautier Oxford, 64, 14 ds T.-L. : li
multum des oëilles);
b) 1155 « bélier, élevé pour la boucherie » (
Wace,
Brut, 8519,
ibid. : li liuns ... Ocist
mutuns, ocist berbiz);
c) α) ca 1480
revenons a noz moutons (
Guillaume Coquillart,
Monologue Coquillart, 154 ds
Œuvres, éd. M. J. Freeman, p. 280);
β) fin du
xves.
jamais saige Ne va serchant les cinq piez de mouton (
H. Baude,
Débat de la Dame et de l'Escuyer ds
Recueil de poésies françaises, éd. A. de Montaiglon, t. 4, p. 155);
2. ca 1223 « viande de mouton » (
Gautier de Coinci, II Ch. 9, éd. V. F. Koenig, 2944 : poree au
mouton);
3. a) 1260 « cuir de mouton » (
Étienne Boileau,
Métiers, 221 ds T.-L.);
b) 1821 « peau de mouton travaillée comme une fourrure » (
Obs. modes, 25 mars, VII, 136 : collet en
mouton d'Astracan).
B. 1. a) α) 1155 « bélier, machine de guerre pour enfoncer les portes et abattre les murailles » (
Wace,
Brut, 3035 ds T.-L. : Perrieres, troies e
multons, E engiens de plusurs façons Firent faire e al mur hurter Pur le mur fraindre e enfondrer);
β) 1490 « lourde masse de fer, gros billot de bois armé de fer dont on se sert pour enfoncer des pilotis, des pieux » (
Doc. ds
Gdf. Compl.);
γ) 1573 mar.
cap de mouton, v.
cap1;
δ) 1690 « pièce de bois dans laquelle on engage les anses d'une cloche pour les suspendre » (
Fur.);
b) α) 1694 plur. « petite vague crêtée d'écume » (
Ac.);
β) 1807 « petit nuage » (
Michel, p. 11).
2. a) α) 1566 « personne crédule, facile à mener et à duper » (
H. Estienne,
Apologie pour Hérodote, éd. P. Ristelhuber, t. 1, p. 66);
β) av. 1778
moutons de Panurge (
Voltaire ds
Lar. 19e);
b) α) 1611 « personne simple, d'humeur douce » (
Cotgr.);
β) 1803
mouton enragé (
Chênedollé,
Journal, p. 15);
c) 1769 « faux détenu, chargé de confesser un inculpé dont il partage la cellule » (d'apr.
Esn.).
II. Adj.
1. 1493 [éd.] « qui est de la nature du mouton (d'une personne) » (
Martial d'Auvergne,
Vigil. de Charles VII ds
Gdf. Compl.);
2. 1763 [éd.] « doux, malléable » (
Piron,
L'école des pères, III, 5, p. 70 : âme tendre et
moutonne). Le mot lat. correspondant était
ovis, d'abord « mouton (terme générique) » puis aussi « brebis » (car le troupeau antique se composait essentiellement de brebis, étant donné qu'on sacrifiait les mâles en bas âge); il s'opposait à
vervex « mâle châtré » et à
aries « bélier » (
cf. le roum. qui a conservé les sens lat.). Le système paraît avoir été désorganisé par la ressemblance formelle avec
ovum (
œuf*) qui a amené la disparition d'
ovis (sauf en roum.) et son remplacement par plusieurs substituts. Au sens de « brebis » on a eu recours à
ovicula (v.
ouaille) ainsi qu'à
feta « animal qui a mis bas » et même à
pecora (v.
pécore), plur. de
pecus « bétail ». Au sens de « mouton (terme générique) », le gallo-rom. a utilisé le lat.
vervex à partir du
ves. (sens conservé dans le Nord) très tôt concurrencé par un mot gaul. *
multo (que l'on peut déduire de l'a. irl.
molt, kymr.
mollt, bret.
maout « mâle châtré destiné à la boucherie ») qui avait semble-t-il à l'origine le sens de « mâle châtré » qui était précisément l'anc. sens de
vervex, mais qui en vint à désigner d'une part (dès le
ixes.) le « bélier » (sens conservé dans l'Ouest et le Midi;
cf. aussi l'ital.
montone) et d'autre part par le « mouton (terme générique) », au détriment de
vervex qui prit à son tour le sens de « brebis » (au
ixes.) où il a peu à peu évincé
ouaille du moins dans les parlers septentrionaux. La loc.
revenons à nos moutons, vient d'une allus. littér. à une scène de la
Farce de Maistre Pierre Pathelin, de 1464, où le juge pour ramener les plaideurs à leur affaire « les moutons volés », s'exclame :
Sus! revenons à ces moutons (éd. R. T. Holbrook, VIII, 1291). De même,
moutons de Panurge, p. allus. littér. à un épisode, de 1552, du
Quart Livre de
Rabelais (éd. R. Marichal, pp. 61-64). Pour le sens de « machine de guerre pour enfoncer les portes et abattre les murs »,
cf. le lat.
aries et le fr.
bélier (v.
A. Schultz,
Das höfische Leben, t. 2, p. 409). Voir
W. von Wartburg,
Zur Benennung des Schafes in den romanischen Sprachen, 1918 et
FEW t. 6, 3, pp. 205b-209b.