MOURIR, verbe
Étymol. et Hist. I. Réfl. Cesser de vivre
A. D'une personne
1. 881 (
Ste Eulalie, 18 ds
Henry Chrestomathie, p. 3 : Por o'
s furet morte a grand honestet); 2
emoitié
xes. (
St Léger, éd. J. Linskill, 51 : Il
se fud morz, damz i fud granz);
2. ca 1170 « être mourant » (
Marie de France,
Lais, éd. J. Rychner, Yonec, 447);
3. être au bord de la mort, dépérir
a) ca 1160 par amour (
Eneas, éd. J. J. Salverda de Grave, 8700 : Amors ne me fet mie droit : Quant ge me plain et il s'en rit;
Muir moi et lui an est petit); 1176-81
Chrétien de Troyes,
Chevalier au Lion, éd. M. Roques, 6506);
b) ca 1165 par chagrin (
Benoît de Ste-Maure,
Troie, 613 ds T.-L. : Por ses fiz qui sont mort
se muert [Ecuba]).
B. D'un inanimé 1580 (
Montaigne,
Essais, II, XII, éd. A. Thibaudet et M. Rat, p. 387 : la fleur d'aage
se meurt et passe quand la vieillesse survient).
II. Intrans. Cesser de vivre
A. D'une personne, d'un être vivant
1. a) fin
xes. (
Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 290 : El
mor ind. prés. 3 sing.; 331, 335 :
murir);
ca 1100 (
Roland, éd. J. Bédier, 227 : ... de quel mort nus
muriuns); 1120-50 (
Grant mal fist Adam, I, 92 ds T.-L. :
Furent mort de sei);
ca 1125 (
Couronnement de Louis, 2221,
ibid. : ... il
fu morz de dueil et de lasté); 1155 (
Wace,
Brut, 133,
ibid. :
Morte fu de l'enfantement); 1160-74 (
Id.,
Rou, éd. J. Holden, II, 335 : Miex veut qu'a glaive
muire); 1176 (
Chrétien de Troyes,
Cligès, éd. A. Micha, 4011 : Ja nus eidier ne li porra Qu'avuec lui [Cligès]
morir ne se lest [l'anpereriz] Car sanz lui vie ne li pleist); 1260 part. prés. subst. (
Robert de Blois,
Beaudous, 2907 ds T.-L.);
ca 1380
id. adj. (
Gloss. Aalma, 7683 ds
Roques t. 2, p. 263);
b) fin
xiie-début
xiiies. d'un végétal
l'erbe muert (
Gace Brulé,
Chansons, éd. H. Petersen Diggve, XIV, 1, p. 237);
2. être sur le point de mourir, dépérir
a) ca 1165
morir de fain [en parlant de Tantale] (
Guillaume d'Angleterre, éd. M. Wilmotte, 909);
b) 1188 par amour, douleur, chagrin ou autre sentiment (
Aimon de Varennes,
Florimont, 8405 ds T.-L. : La pucelle por lui
moroit);
ca 1200 (
Châtelain de Coucy,
Chansons, éd. A. Lerond, XIII, 28 : ... car a trop grant dolor
Muir et languis); fin
xiie-début
xiiies. (
Gace Brulé,
loc. cit., p. 238 : Tant fait Amours sovent vivre et
morir); 1608 p. hyperb.
il en faudroit mourir pour exprimer l'admiration (
M. Régnier,
Satires, éd. G. Raibaud, VIII, 40); 1671, 27 mars
à mourir « au point d'être exténué, d'éprouver une immense lassitude » (
Sévigné,
Lettres, éd. Gérard-Gailly, t. 1, p. 238);
c) 1540
mourir apres « désirer ardemment » (
La Grise, Trad.
Guevara, II, 14 ds
Hug.);
3. ca 1200
morir a terme de spiritualité « renoncer définitivement à »
morir al munde (
Moralia in Job ds
Dialogue Grégoire, éd. W. Foerster, p. 320); 1651, 17 oct.
mourir au péché (
Pascal,
Lettre à l'occasion de la mort de M. Pascal, le Père ds
Œuvres, éd. J. Chevalier, p. 498); 1675
mourir à ses passions (
Fléchier,
O. f. de la duchesse d'Aiguillon, éd. Paris, Libraires associés, 1808, p. 63);
4. xiiies. « aller vers la mort, inéluctable; décliner » (
Chanson, ms. Berne 389, éd. E. Järnström, t. 1, p. 20 : Quant li hons naist, lors commence a
morir).
B. D'un inanimé
1. concr. 1556 (
Beaugué,
Guerre d'Écosse, I, 10 ds
Littré : Courtine ... où les boulets alloyent
mourir); 1579 (
Larivey,
Les Jaloux, I, 1 ds
Gdf. Compl. : La parole me mourut entre les dents); 1616 (
D'Aubigné,
Hist. I, 323 ds
Littré : ... deux estangs, entre lesquels venoit
mourir en bas une petite pleine triangulaire);
2. abstr. 1580 (
Montaigne,
Essais, II, XX, éd. A. Thibaudet et M. Rat, p. 587 : le premier aage
meurt en l'enfance et le jour d'hier
meurt en celuy du jour d'huy); av. 1704 (
Bossuet,
Médit. sur l'Évangile, Dern. sem. du Sauveur, 81
ejour ds
Littré : [les empires]
meurent ... comme le reste des choses humaines).
III. Trans.
ca 1100
avoir mort [
aucun] « avoir tué [quelqu'un] » (
Roland, éd. J. Bédier, 1683);
id. estre mort « être tué » (
ibid., 3609), encore av. 1614 − à la forme active − (
Brantôme,
Rodomontades [VII, 132] ds
Hug. : il tumbe dans le feu qui l'acheva de
mourir).
IV. Inf. subst.
ca 1200 (chans. ds
Châtelain de Coucy,
Chansons, éd. A. Lerond, XXIX, 10 : jusqu'au
morir). Du lat.
mori (
morīri dans la lang. vulg.
Plaute, Vään., § 312;
cf. TLL s.v., 1492, 41, devenu
morire, verbe actif à basse époque
ibid., § 294;
cf. TLL, 1492, 52) « mourir (d'un être vivant) », fig. « dépérir, se consumer »; « (d'un inanimé) s'éteindre, finir », spéc.
flumina, Pétrone;
ignis, Stace, ds
TLL, 1495, 39 et 41. Dans la lang. chrét. se développe le sens de « renoncer à, se détacher de (
peccato, vitiis...) »,
Blaise Lat. chrét.