MORT1, subst. fém.
Étymol. et Hist. I. 1. 881 «cessation définitive de la vie» (
Ste Eulalie, 28, éd.
Henry Chrestomathie, p.3: Qued auuisset de nos Christus mercit Post la
mort); fin
xes.
aler a la mort (
Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 156); début
xiies. (
Benedeit, St Brendan, éd. E. G. Waters, 348: la
mort le prent [mortis nexibus occupatus]); 1160-74
ne por vie ne por mort «même au péril de la vie, en aucune circonstance» (
Wace, Rou, éd. J. Holden, II, 292);
ca 1170
u a mort u a vie «en toute circonstance, toujours» (
Rois, II, XV, 22, éd. E. R. Curtius, p.86);
ca 1200
suffrir la mort [en parlant du Christ] (
Chanson de Guillaume, éd. McMillan, 312); 1214-27
estre a la mort (
Perceval, 3
econtinuation par Manessier 38060 ds T.-L.); 1283 dr.
mort d'homme (
Beaumanoir, Beauvaisis, éd. A. Salmon, § 1699) − Locutions
a) loc. adv.
α) ca 1100
a mort (
Roland, éd. J. Bédier, 1952
a mort est ferut; 1965: il est
a mort nasfret);
β) ca 1260
desirer a mort (
Récits d'un ménestrel de Reims, 202 ds T.-L.); fin
xiiies.
heer a mort (
Benoît de Ste-
Maure, Troie, éd. L. Constans, 12203, var. ms. K);
b) loc. interj.
α) fin
xiiies.
Par la mort Dieu (
Chrétien de Troyes, Perceval, éd. A. Hilka, 1398, var. ms. M), v. aussi
morbleu;
β) ca 1260
A la mort, a la mort! (
Récits d'un ménestrel de Reims, 221 ds T.-L.);
c) imprécation
ca 1200
que male mort ocie! (
Chevalier au cygne, 76,
ibid.);
2. La Mort personnifiée, évoquée avec ses attributs
ca 1165 (
Benoît de Ste-Maure, op. cit., 23006: Ha! chäeles,
Mort, ne targier!); 1197 (
Hélinant, Vers de la mort, I, 4 ds T.-L.:
Morz, ... Tu lieves sor toz ta maçüe); 1226-30 (
Guillaume Le Clerc, Besant de Dieu, éd. P. Ruelle, 204: La mort a sa pierre en sa fronde Tut aprestee por lancier);
3. la peine capitale
xives.
jugiez a mort [en parlant du Christ] (
Chrétien de Troyes, op. cit., 583, var. ms. S); 1559
criminel de mort (
Amyot, Hommes illustres, Antoine, 93, éd. Gérard Walter, t.2, p.936); 1606
condamner à la mort, condamné à mort (
Nicot).
II. A. Séparation, mise à l'écart
1. ca 1190 relig. «séparation définitive d'avec Dieu, mort spirituelle, damnation» (
Renart, éd. M. Roques, 8674: Diex ne viaut
mort de pecator);
ca 1223
seconde mort «
id.» [
secunda mors, Apoc., II, 11; XX, 6;
cf. Dan., XII, 2] (
Gautier de Coinci, Ste Christine, 3409 ds T.-L. [opposée à la
premiere mort consistant dans la séparation de l'âme et du corps
ca 1275 (
Vie de Ste Marthe, éd. P. Meyer ds
Not. et Extr. des mss de la Bibl. nat., t.35, 2, p.503]);
2. ca 1600 relig. «séparation d'avec l'Église»
mort spirituelle (
D'Aubigné, Confession du sieur de Sancy ds
Œuvres, éd. H. Weber, II, VI, p.646: Bèze est mort de
mort civile: à sçavoir par bannissement, et de
mort spirituelle ... à sçavoir par l'excommunication);
3. ca 1600 dr.
mort civile (
D'Aubigné, loc. cit.);
4. av. 1719 terme de spiritualité
la mort au monde (
Maintenon, Lettre à Mmede Glapion, t.3, p.194 ds
Littré).
B. Difficulté, ruine
1. ca 1223 «peine, difficulté»
a grant mort (
Gautier de Coinci, Miracles, éd. F. Koenig, II
Ch. 9, 3075);
ca 1250
a grant paine et a male mort (
Douin de Lavesne, Trubert, éd. G. Raynaud de Lage, 585); mil.
xves. «peine, mal, souffrance»
mourir de mille mors (
Alain Chartier,
Belle Dame sans merci, éd. A. Piaget, 143);
2. 1572 méd.
petite mort «syncope» (
Paré,
Œuvres, éd. J. Malgaigne, t.1, p.450a);
3. 1670 «déclin, ruine» (
Bossuet, O. f. Henriette d'Angleterre, éd. Y. Champailler,
Œuvres, p.84: la
mort et le néant de toutes les grandeurs humaines). Du lat.
mors, mortis «mort, peine de mort [
morte multare]», désignant la personnification de la Mort; fig. «déficience, ruine, perte [
mors memoriae]»; dans la lang. philos. et relig. désigne la vie terrestre (
Cic., Tusc., 1, 75,
TLL s.v., 1505, 84:
haec vita mors est et
Id., Scaur., 4,
ibid., 1505, 79:
hanc esse mortem quam nos vitam putaremus); dans la lang. chrét. «mort spirituelle (par le péché), mort spirituelle définitive»,
cf. supra seconde mort.