MOINS, adv., prép. et subst. masc.
Étymol. et Hist. I. Adv., compar. de
peu A. Modifie
1. ca 1135 un verbe (
Couronnement de Louis, 865 ds T.-L.: Or te pris
meins que al comencement); 1155 (
Wace,
Brut, 1768,
ibid.: Mais tu m'as regëi a front Que
meins m'eimes qu'eles ne font); 1174-76 (
Guernes de Pont-
Ste-
Maxence,
St Thomas, 362,
ibid.: E cum
plus a li hum,
meins atent al saveir);
2. ca 1170 un adv., une loc. adv. (
Marie de France,
Lais, éd. J.Rychner,
Lanval, 580, var. du ms. H [mil.
xiiies.]: Ele veneit
meins que le pas); 1176-81 (
Chrétien de Troyes,
Chevalier au Lion, éd. M. Roques, 567:
moins volentiers);
3. 1174-76 un adj. (
Guernes de Pont-
Ste-
Maxence,
op. cit., 2760 ds T.-L.:
mains sacrez).
B. 1155 accompagnant un nom de nombre à retrancher d'un autre nombre «étant soustrait, enlevé» (
Wace,
op. cit., 1619,
ibid.: Quarante anz un
meins regna cil); 1174-87
moins de (
Chrétien de Troyes,
Perceval, éd. F. Lecoy, 2000: De III C chevaliers et dis, Don cist chastiax estoit garnis N'a ceanz remés que cinquante; Que II et dis
moins de seissante En a uns chevaliers mout max [...] menez Et ocis et anprisonez); 1606 (
Nicot: un
moins de cent), tour à l'orig. de l'emploi de
moins considéré comme prép.: cinq
moins trois (
Trév. 1771).
C. Loc. adv.
1.ca 1160
ne plus ne meins (
Eneas, 6508 ds T.-L.);
2. 1530
de moyns en moyns (
Palsgr., p.850a);
3. a) 1534
ne ... rien moins que «ne ... nullement» (
Rabelais,
Gargantua, prol., éd. R. Calder et M. A. Screech, p.11, 46: ... tel est vestu d'habit monachal, qui au dedans n'est
rien moins que moyne); av. 1559 (
A. Papillon,
Sermon du bon pasteur et du mauvais [v.
C. Marot,
Œuvres, éd. C. A. Meyer, t.3, pp.54-55] ds
C.Marot,
Œuvres, éd. A. Grenier, t.1, p.66: Tu
ne cherchois
rien moins, Samaritaine,
Que ton salut, allant à la fontaine); 1534 emploi ell. (
Rabelais,
op. cit., XXXVIII, p.229, 43: ... ilz prient Dieu pour nous. -
Rien moins);
b) 1608
ne ... rien moins que «bel et bien» (
J. de Schelandre,
Tyr et Sidon, éd. J. Haraszti, IV, 2211: ... cest avide Roy Ne prétendoit
rien moins que ma couronne et moy);
4. 1538
plus ou moins (après un chiffre, synon. du lat.
circiter) (
Est.,
s.v. multus -
plus); 1595
plus ou moins «à différents degrés» (
Montaigne,
Essais, II, XII, éd. A. Thibaudet, p.610);
5. av. 1628
ne ... pas moins «tout de même, malgré cela» (
Malherbe,
,,Traité des bienfaits`` de Sénèque ds
Œuvres, éd. L. Lalanne, t.2, p.111: Le chantre que le bruit empêche de se faire ouïr
n'a
pas moins bonne voix); 1662
n'en ... pas moins «
id.» (
Corneille,
Sertorius, VI, 1: Ah! Pour être Romain, je
n'en suis
pas moins homme).
II. Le moins superl. de
peu; dans les loc. suiv.:
A. Ca 1135
al meins (
Couronnement de Louis, éd. E. Langlois, 1988:
al meins cent chevaliers); 1155 (
Wace,
Brut, 749 ds T.-L.: Tant les funt par mer foleier [les sirènes] Ke sovent les funt periller; U
al mains lur dreit eire perdent);
ca 1165
a tot le meins (
Benoît de Ste-
Maure,
Troie, 28691,
ibid.).
B. 1. 1174-87
estre del mains a «être de minime importance, être la moindre des choses en comparaison de» (
Chrétien de Troyes,
Perceval, 4590: Einz ne vëistes si noir fer Com ele ot le col et les mains Et ancores fu ce
del mains A l'autre leidure qu'ele ot); 1364
c'est du mains «pour le moins, tout au moins» (
Miracles de N.-D., éd. G.Paris et U. Robert, XXII, 1194);
2. 4
equart
xives.
du moins «au moins» précédant un nom de nombre (
Froissart,
Chron., II, éd. G.Raynaud, VII, §106, t.9, p.171 [1379]);
3. 1512
du moins exprimant une restriction (
Corresp. de l'empereur Maximilien I et de Marg. d'Autriche, éd. M. Le Glay, t.2, p.21, 12 août).
C. Av. 1514
pour le mains précédant un nom de nombre (
Lemaire de Belges,
Couronne margaritique ds
Œuvres, éd. J. Stecher, t.4, p.48).
III. Emploi nom.
A. Loc.
1. loc. prép.
a) 1155
en meins de + terme exprimant le temps (
Wace,
op. cit., 2856 ds T.-L.:
En meins d'un an);
b) α) 1549
a moins de + le montant d'une somme (
Est.);
β) 1630
à moins que + subst. «sans (un fait, une condition)» (
Malherbe,
Poésies, LXIV, 174 ds
Œuvres, éd. L.Lalanne, t.1, p.214: [ces miracles] Ne sont point ouvrages possibles
A moins qu'une immortelle main); 1644
à moins de + subst. «
id.» (
Corneille,
Rodogune, II, 2: Je me voyais perdue
à moins d'un tel otage); 1651
id. (
Racan,
Mém. pour la vie de Malherbe ds
Œuvres, éd. Tenant de Latour, t.1, p.266);
γ) 1636
à moins que de + inf. marque une condition qui, si elle n'est pas remplie, laisse s'effectuer l'action exprimée (
Corneille,
Cid, III, 4), la suppression possible de
que est signalée par
Ac. 1798:
A moins d'être fou;
δ) 1643
à moins que + inf. «sauf si, excepté si» (
Corneille,
Menteur, II, 1); av. 1654 (
Guez de Balzac,
Lettres, III, 20 ds
G. Guillaumie,
J. L. Guez de Balzac et la prose fr., 1927, p.459:
A moins que changer de sexe, elle ne saurait empêcher qu'on ne la haïsse);
2. loc. conj.
a) 1268
a moins que ne... «sans que, étant exclu que» (
Claris et Laris, 19762 ds T.-L.);
b) 1668
à moins que ...
ne «sauf si» (
La Fontaine,
Fables, II, 14: Car, que faire en un gîte,
à moins que l'on
ne songe?);
3. loc. adv.
a) 1636
à moins «pour une moindre somme» (
Monet);
b) 1668
id. «pour une moindre raison, une moindre cause» (
La Fontaine,
Fables, I, 12).
B. «Une quantité moindre»
1. 1160-74 suj. (
Wace,
Rou, éd. J. Holden, III, 2325);
2. ca 1165
meins de (
Benoît de Ste-
Maure,
Troie, 26798 ds T.-L.); 1176-81
moins de ...
que (
Chrétien de Troyes,
Chevalier au Lion, 568: ... Ne que
moins d'enor me feîssent
Qu'il avoient fet l'autre nuit); 1269-78
mains de ...
que de (
Jean de Meun,
Rose, éd. F. Lecoy, 8658, 8663, 8665: Preude fame, par saint Denis! Don il est
mains que de fenis...;
Mains que de fenis? par ma teste! Par comparaison plus honneste, Voire,
mains que de blans corbiaus);
3. 1174-87
a mains «d'une chose moindre» (
Chrétien de Troyes,
Perceval, 8606: Volantiers m'en feîsse
a mains).
IV. Subst.
1. 1174-76 (
Guernes de Pont-
Ste-
Maxence,
St Thomas, 155 ds T.-L.: Mes cel premier romanz m'unt escrivein emblé ... Et là ù j'oi trop mis ne l'oi uncore osté, Ne le plus ne
le mains n'erés ne ajusté);
2. 1762 désigne le signe de soustraction (
Ac.);
3.1835 impr. (
ibid.).
V. Adj. 1
erquart
xiiies. «moindre» (
Renclus de Molliens,
Carité, 92, 5 ds T.-L.). Du lat.
minus (compar. de
parum «peu») «moins»; à rapprocher du I B, l'emploi de
minus avec un ablatif marquant la quantité:
uno minus teste (
Cicéron,
Verr., 1, 149) «un témoin de moins».