MOI, pron. pers.
Étymol. et Hist. Pron. pers. de la 1
repers., cas régime tonique
I. A. Placé avant le verbe
1. 842 souligne une opposition
mi (
Serments de Strasbourg ds
Henry Chrestomathie, p.2, 6 [v. E.
Koschwitz, Commentar zur den ältesten frz. Denkmälern, p.41]: si salvarai [Louis le Germanique] eo cist meon fradre Karlo... in o quid il
mi altresi fazet);
2.placé en initiale absolue, met en relief, exprime une insistance, une emphase
ca 1100 (
Roland, éd. J. Bédier, 2834:
Mei ai perdut e tute ma gent);
ca 1160 (
Eneas, éd. J. J. Salverda de Grave, 1752: Mesfis vos ge onques de rien? −
Moi n'avez vos fait el que bien);
ca 1170 (
Chrétien de Troyes, Erec, éd. M. Roques, 2694: ,,Biaus filz`` fet il, ,,que viax tu fere?
Moi doiz tu dire ton afere``); 1170-80 (
Narcisse, éd. M.Thiry-Stassin et M. Tyssens, 545:
Moi a il escondite, moi!);
3. placé devant un verbe unipersonnel sans sujet exprimé, mis en début de phrase ou immédiatement auprès une conj. de subordination
a) ca 1100 (
Roland, 456:
mei l'avent a suffrir);
b) id. (
ibid., 659:
Mei est vis que trop targe);
c) id. (
ibid., 2858: Kar
mei meïsme estoet avant aler);
d) ca 1170 (
Chrétien de Troyes, op. cit., 1551: se
moi pleüst);
e) id. (
Id., op. cit., 4157:
Moi poise molt);
f) 1
remoitié
xiiies. (
Aucassin et Nicolette, éd. M. Roques, 12:
Moi ne caut);
4. placé devant les formes nominales du verbe
a) 1130-40 forme en
-ant (
Wace, Ste Marguerite, éd. E. A. Francis, 645, ms. A
anno 1267: Se feme est en traval d'enfant Et par besoig
moi reclamant);
b) ca 1170 infinitif amené par un verbe auxiliaire (
Béroul, Tristan, éd. E. Muret, 168: Je ne vuel pas encore morir Ne
moi de tot en tot perir);
id. (
Marie de France, Lais, éd. J. Rychner,
Eliduc, 420: Veut il
mei par amurs amer?)
5. en coordination avec un autre pronom ou un substantif
ca 1165 (
Guillaume d'Angleterre, éd. M. Wilmotte, 2487: Se doinst Diex
moi et vos joïr).
B. Placé après le verbe
1. après l'impératif
ca 1050 (
Alexis, éd. Chr.Storey, 66: Oz
mei, pulcele; 281: Quer
mei, bel frere, ed enca e parcamin);
ca 1100 (
Roland, 20: Cunseilez
mei; 337: dunez
mei le cungied; 877: Eslisez
mei. XII. de vos baruns [datif éthique]);
ca 1200 (
Jean Bodel, Jeu de St Nicolas, éd. A. Henry, 242: Va
moi partout semonre Gaians et Quenellieus [
id.]);
2. coordonné à un autre pron. ou à un subst.
ca 1100 (
Roland, 221: Ja mar ne crerez bricun, Ne
mei ne altre); 1176-81 (
Chrétien de Troyes,
Chevalier au lion, éd. M.Roques, 4143: De nos deus covenra lasser Ou
moi ou lui, ne sai le quel);
xiiies. pronom atone de la 1 personne
me, repris par
mei auquel est coordonné un autre régime (
Mort Artu, éd. J. Frappier, §104, 44: quant Lancelos m'en gita et
moi et mes autres compaignons);
3. marque une opposition, une mise en relief
a) ca 1170 (
Rois, éd. E. R. Curtius, I, VIII, 8, p.16: Nen ont pas degeté tei mais
mei que je ne regne sur els); 1176-81 (
Chrétien de Troyes, Chevalier au lion, 1003: Et sachiez bien, se je pooie, Servise et enor vos feroie, Que vos la feïstes ja
moi);
b) ca 1170 avec ellipse du verbe (
Béroul, op. cit. 2688: Ge vos dorrai ma druërie Vos
moi la vostre, bele amie).
II En autonomie: après préposition fin
xes. (
Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 262: Per
me non vos est obs plorer; 295: De
me t membres per ta mercet; 300: ab
me venras in paradis);
ca 1170 (
Marie de France, op. cit., Fresne, 470 Vers
mei meismes).
III. Emplois ressortissant à la fonction sujet
1. ca 1135 en coordination (
Couronnement de Louis, éd. E.Langlois, 536: Et
mei et Deu n'avons mais que plaidier);
ca 1150 (
Charroi de Nîmes, éd. D. McMillan, 39:
Moi et vos, oncle, i somes oublïé); 1174-87 (
Chrétien de Troyes, Perceval, éd. F. Lecoy, 3617: Alons an,
moi et vos ansanble!);
2. 1174-87 en proposition elliptique (
Id., op. cit., éd. A. Hilka, 4776, leçon du ms. M, fin
xiiies.: Frere, ja nus hon Ne m'an desfandra se
moi non);
ca 1190 (
Renart, éd. M.Roques, 12156: A il dont nul part, se
moi non?); 2
equart
xiiies. (
Queste du Graal, éd. A. Pauphilet, p.176, 27: Et s'il l'eust fet, il fust mors del pechié... et
moi desennoree a toz jorz mes);
3. ca 1210 en fonction d'attribut du sujet (
Raoul de Houdenc, Meraugis, éd. M.Friedwagner, 4888: C'est ma main destre, c'est ma dame, C'est
moi meïsmes, car c'est m'ame) [−Moi-Même
−v.
supra, I A 3 c; II; III 3]. − Subst. −
A. 1. 1581 «ce qui constitue l'individualité, la personnalité d'un être humain» (
Desportes, Epitaphes, Complainte, éd. V.E.Graham,
Cartels et épitaphes, p.107: La seule mort a causé ma tristesse, La seule mort y pourra mettre cesse, Ne m'empeschant plus longuement de suivre Cêt autre
moy, pour qui j'aimois à vivre);
2. av. 1662 «la personnalité s'affirmant par rapport aux autres, ne considérant que soi» (
Pascal, Pensées, I
repart., V, 2, § 136, éd. J. Chevalier p.1126: Le
moi est haïssable... le
moi a deux qualités: il est injuste en soi, en ce qu'il se fait centre de tout; il est incommode aux autres en ce qu'il les peut asservir: car chaque moi est l'ennemi et voudroit être le tyran de tous les autres).
B. 1. 1640 philos. «le sujet pensant» (
Descartes, Lettre à ***, nov., éd. Ch. Adam et I. Tannery, t.3, p.247: vous m'avez obligé de m'avertir du passage de St Augustin auquel mon
Je pense, donc je suis a quelque rapport... je m'en sers pour faire connaître que ce
moi, qui pense, est une substance immatérielle); av. 1662 (
Pascal, op. cit., II
epart., II, 1, § 443, p.1211: Je sens que je puis n'avoir point été: car le
moi consiste dans ma pensée; donc moi qui pense n'aurais point été, si ma mère eût été tuée avant que j'eusse été animé);
2. 1948 psychanal. (
S. Freud, Essai de psychanal., p.172: le
Moi et le Soi). Du lat.
me «moi» en position accentuée; v. aussi
me; pour l'emploi de
moi comme pron. suj. par suite de l'évolution faisant des pron. pers. suj. des pron. conjoints, v.
lui. Moi subst. B 2 traduit l'all.
Ich (
S. Freud, Das Ich und das Es, 1923), v. aussi
ça (
cela*) et
je*.