MESURE, subst. fém.
Étymol. et Hist. A. 1. Ca 1100 «détermination, estimation d'une grandeur» (
Roland, éd. J. Bédier, 1035);
2. fin
xiies.
trover a sa mesure «trouver (quelqu'un) de valeur égale» (
Béroul, Tristan, éd. E. Muret, 3980);
3. 1538
prendre la mesure de «déterminer et noter les dimensions de» (
Est.,
s.v. metior).
B. 1. Ca 1100
en quel mesure «à quel degré, de quelle façon» (
Roland, 146);
2. 1121-23 «manière» (
Ph. de Thaon, Bestiaire, éd. E. Walberg, 2424);
3. 1180-1220 «moment opportun» (
Conon de Béthune, Chansons, éd. A. Wallensköld, VI, 38);
4. ca 1285 «possibilité» (
La Chevalerie de Judas Macabé, éd. J. R. Smeets, 569);
5. 1640 (
Oudin Curiositez: prendre bien ses
Mesures, [...] faire les choses à propos);
6. loc.
a) fin
xiiies. [ms.]
a mesure «petit à petit» (
Jean Renart, Lai de l'ombre, ms. E, éd. J. Bédier, 1929, 34);
b) 1280
a la mesure que «selon que, à proportion et en même temps que» (
Philippe de Beaumanoir, Coutumes Beauvaisis, éd. A. Salmon, XXI, 640);
c) 1379
a mesure que (
J. de Brie, Bon Berger, 106 ds T.-L.);
au fur et à mesure, v.
fur; d) 1550
à la mesure de (
La Saincte Bible, Louvain, Eph., 4 C); 1876
dans la mesure où (
Dupanloup, Journal, p.332).
C. 1. Ca 1100 «modération» (
Roland, 1725);
2. début
xiies.
sanz mesure «avec excès» (
St Brendan, éd. E. G. R. Waters, 806).
D. 1. Ca 1150 «quantité que peut contenir le récipient adopté par l'usage pour mesurer un volume» (
Wace, St Nicolas, éd. E. Ronsjö, 308);
2. ca 1180 «perche qui sert à mesurer un terrain» (
Marie de France, Fables, éd. K.Warnke, XC, 3);
3. ca 1200 «récipient pour mesurer les graines» (
Jean Bedel, Del convoiteus et de l'envieus, 22 ds
Fabliaux, éd. A. de Montaiglon et G. Raynaud, t.5, p.212);
4. 1550
bonne mesure «quantité que l'on donne à un acheteur un peu au-delà de ce qui lui revient» (
La Saincte Bible, Louvain,
Luc, 6 E);
5. 1671
la mesure étoit comble (M
mede Sévigné, Lettre à Coulanges ds
Lettres, éd. M. Monmerqué, t.2, p.292).
E. 1. Fin
xiies. fig. «grandeur prise comme terme de comparaison» (
Sermon Saint Bernard, éd. W. Foerster, p.159, 19); 1231 au propre (
Ch. de Morvile sur Seille ds
Gdf. Compl.);
2. 1606 «quantité prise par unité» (
Nicot);
3. 1718
avoir deux poids deux mesures «juger avec partialité» (
Ac.).
F. 1. 1377
aller et chanter par mesure «aller du même pied et chanter d'accord» (
Gace de La Buigne, Roman des Deduis, éd. Å.Blomqvist, 10615);
2. 1538 «rythme divisant la durée d'une phrase musicale» (
Est., s.v. modulatio);
3. 1557 versif. (
Du Bellay, Jeux rustiques ds
Œuvres, éd. H. Chamard, t.5, p.118).
G. 1. 1626 escr.
estre en mesure, hors de mesure (
René François [le P.
Binet]
Essay des Merveilles de la Nature, chapitre 18 cité ds
Livet Molière);
2. 1659 «distance convenable pour parer ou porter un coup de fleuret ou d'épée» (
Duez, Dict. fr.-ital.);
3. 1668 fig.
mettre (qqn) hors de toute mesure «pousser à bout» (
Molière, Amphitryon, III, 2 ds
Théâtre, éd. R. Bray, p.309);
4. 1780 fig.
être en mesure de (faire qqc.) (M
mede Genlis, Théâtre d'éducation, t.3, p.132). Du lat.
mē(n)sūra (de
mensum, supin de
metiri «mesurer, estimer») «mesure, action de mesurer», «estimation, évaluation (au propre et au fig.)», «quantité, degré [spéc.: quantité en métrique]», «quantité considérée comme légale, norme» d'où, dans le domaine mor. «modération». D'apr.
J. Wettstein, «Mezura», L'idéal des Troubadours, Thèse, Zurich, 1945, p.27: «la
mesure est une des idées essentielles de la philosophie chrétienne, en tant qu'elle constitue le lien entre l'infini et le fini, entre Dieu et la créature; la
mesure est l'essence divine imitable par la créature»; la notion de
mesure (avec ses corollaires
mesurer, amesurer, desmesure, desmesurer, sens et
raison) est un concept fondamental de la pensée médiév. et de la mor. courtoise;
cf. avec B 5 l'a. prov.
penre mezura «prendre des mesures» (
ca 1290,
P. Espanhol ds
C. Appel, Provenzalische Inedita, p.238 d'apr.
Levy).