MENER, verbe trans.
Étymol. et Hist. I. 1. Fin
xes. trans. «accompagner quelqu'un en le dirigeant» (
Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 202);
2.ca 1100 «conduire fermement, avec autorité» ici une armée (
Roland, éd. J.Bédier, 211); en partic.
ca 1100 «contraindre une personne à aller dans un endroit» (
ibid., 3680: E. Bramidonie, qu'il
meinet en sa prisun);
3.a)1
remoitié
xiies. «marcher à la tête d'un groupe, d'un cortège; diriger un groupe de danseurs»
merrums charoles [
deducemus choros] (
Psautier Cambridge, éd. Fr. Michel, XIX, 5)
cf. début
xiiies.
M.de Sully, Homelies, éd. C. A. Robson, 16, 13: les femmes
mener les karoles;
b)1892 sports «être à la tête de»
mener la course (
Baudry de Saunier, Cycl., p. 440) d'où 1937
id. intrans. «avoir l'avantage» (
Paris Soir,
supra);
4. ca 1170 «obliger un animal à se rendre dans un lieu en 'y conduisant» (
Chrétien de Troyes, Erec et Enide, éd. M. Roques, 4859);
5. fin
xiiies. [ms.] «diriger, entraîner une collectivité vers un état déterminé» (
Bible de Hugue de Berzi, éd. F. Lecoy, 797 [var. ms. A];
6. 1538 «introduire auprès de quelqu'un; donner accès» (
Est.).
II. 1. Ca 1050 «se livrer à une activité particulière» en partic.
grant duel mener «exprimer ostensiblement une grande douleur» (
Alexis, éd. Chr. Storey, 241);
2. ca 1100 «régler, assurer le déroulement de quelque chose en vue d'une fin»
sa guerre mener (
Roland, éd. J. Bédier, 906);
3. ca 1170 «transporter quelque chose» (
Rois, éd. E. R. Curtius, III, V, 9, p. 121);
4. 1176-81 «faire avancer un véhicule, en assurer la conduite» (
Chrétien de Troyes, Chevalier Charrette, éd. M. Roques, 357);
5. a) 1283 «administrer, diriger avec efficacité» ici «faire commerce» (
Ph. de Beaumanoir, Coutumes Beauvaisis, éd. A. Salmon, XI, §346: sans nule marcheandise
mener);
b) 1663 «exercer un rôle directeur dans n'importe quel domaine» (
Molière, École des femmes, I, 1: un sort qui tout
mène);
6. 1690 géom.
mener une ligne d'un point à un autre (
Fur.);
7. 1835
mener grand train «vivre luxueusement» (
Ac.).
III. 1. 1176-81 «conduire à»
La voie... vos mainne au Pont de l'Espee (
Chrétien de Troyes, op. cit., 2144);
2. a) 1179-85 «engager, entraîner» (
Gace Brulé, Chansons, éd. H. P. Dyggve, XIX, 2);
b) ca 1200 «faire aboutir à» (
Vidame de Chartres ds
Chansons attribuées au Chastellain de Couci, éd. A. Lerond, XXXII, 32: Rienz fors s'amour, qui a la mort me
mainne);
3. 1765 mécan. «transmettre le mouvement» (
Encyclop. t. 8). D'un lat.
minare, forme active qui s'est substituée au class.
minari «menacer», et qui apparaît dans lang. rustique et pop. et particulièrement à basse époque avec le sens de «mener les animaux», le conducteur les menaçant de ses cris, de son fouet, etc.; ce sens s'est conservé dans les lang. rom.,
cf. p. ex. le roum.
mîno «conduire le bétail», le calabrais
minare «aiguillonner les bêtes», v.
FEW t. 6, 2, p. 111b; il survit également dans la lang. de la vén. en a. fr. dans l'accept. particulière de «poursuivre un animal»
ca 1160 (
Enéas, 5381 ds T.-L.); v. aussi
Tilander Mél. 1958, p.308,
sqq.