LÀ, adv., particule et interj.
Étymol. et Hist. Adv. dém.
I. du lieu où l'on est et du lieu où l'on va, situés en dehors de l'espace du locuteur.
A. 1. a) 2
emoitié
xes. lieu où l'on n'est pas, opposé à
ci; lai (
St Léger, éd. J. Linskill, 96 : Pos ci non posc,
lai vol ester); 1172-75
ça et la, v.
ça; ca 1260
lai... lai... lai valeur distributive (
Robert de Blois,
Beaudous, 1432 ds T.-L.); av. 1538
par ci, par la, v.
ci; b) antécédent de l'adv.
ou, ca 1100 [sans idée d'oppos. spatiale] (
Roland, éd. J. Bédier, 2046); 1545 fig. marquant une oppos. « tandis que » (
Le Maçon, trad. de
Boccace,
Décaméron, I, Préamb. ds
Hug.); 1671 (
Pomey : il rit
là où il devroit pleurer);
c) 1611 fig.
en être là « avoir cette disposition d'esprit, en être à ce point, ce parti » (
Cotgr.);
2. du lieu où l'on va; verbe de mouvement
a) 2
emoitié
xes.
lai (
St Léger, 232 :
Lai s'aprosmat que lui firid);
b) fin
xes.
lai...o désigne un point dans le cours d'un récit (
Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 278 :
lai dei venir
o eu laisai); mil.
xies.
la...o (
St Alexis, éd. Chr. Storey, 80 :
la pristrent terre
o Deus les volt mener);
c) ca 1280 fig. désigne l'aboutissement d'un processus, d'une pensée (
Girart d'Amiens,
Escanor, 25030 ds T.-L.).
B. en compos.
1. suivi d'un autre adv.
a) 2
emoitié
xes.
la jus [lat. class.
deorsum, vulg.
josum, avec infl. de
su(r)sum, v.
sus] avec mouvement (
St Léger, 176); mil.
xies. sans mouvement (
St Alexis, 486);
ca 1165
id. laïs (
Benoît de Sainte-Maure,
Troie, 29368 ds T.-L.);
b) ca 1100
la sus amunt avec mouvement (
Roland, 2634);
ca 1180 (
Hist. Joseph, 1610 ds T.-L. :
là sus ou ciel monta), v. aussi E.
Lommatzsch,
Kleinere Schriften zur rom. Philol., 1954, pp. 10-11;
c) ca 1140
laenz, v.
léans; d) ca 1160
la dedanz (
Eneas, éd. J. J. Salverda de Grave, 464 : ...
la dedanz an la cité);
e) 1160-74
la hors (
Wace,
Rou, éd. A. J. Holden, II, 2115);
ca 1200
par la defors (
Beuve de Hantone, I, 5460 ds T.-L.,
s.v. defors);
f) 1174-87
la desoz, v.
dessous; g) ca 1180
là val (
Fierabras, éd. A. Kroeber et G. Servois, 386);
h) 1456-57
la hault « dans le ciel »
celuy qui est la hault « Dieu » (
Cent nouvelles nouvelles, éd. F. P. Sweetser, p. 245), v. aussi
haut; i) xvies.
la bas, v. ce mot;
2. précédé d'un prép.
a) ca 1100
de la (
Roland, 289), v. aussi
delà; b) ca 1208
par la ou (
Villehardouin,
Constantinople, éd. E. Faral, § 230 : ...
par la ou il devoient passer); 1240-80
par là fig. « par ce moyen, grâce à quoi » (
Baudouin de Condé,
Dits et contes, 39, 206 ds T.-L.); 1611
passer par là id. « accepter telles conditions » (
Cotgr.);
c) 1240-80
dès là « par conséquent, donc » (
Baudouin de Condé,
op. cit., 156, 11 ds T.-L.).
C. renforçant la valeur dém. et spatiale des dém.
1. renforçant un pron. dém.
a) ca 1160
celui la, v.
celui (Étymol. B 4); 1310-40
chieus la cas suj. masc. sing. (
Jean de Condé,
Dits et contes, éd. A. Scheler, t. 3, p. 200, 110);
ca 1330
cil la (
Guillaume de Digulleville,
Pèlerinage Vie, 2142 ds T.-L.);
b) xves.
cestui la, v.
ce adj. (Étymol. Pron. A 3 b);
c) xiiies. avec
ce neutre,
çoula compl. d'obj., v.
cela; 2. renforçant un art. dém.
a) ca 1225 avec cas régime masc. sing., v.
ce adj. (Étymol. Adj. A 2 b);
b) mil.
xiiies. avec
cil cas suj. masc. (
Du prestre qui ot mere a force, éd. A. de Montaiglon et G. Raynaud,
Rec. gén., t. 5, p. 146, 101).
II. P. anal. du temps que l'on indique (p. oppos., à l'origine à celui où l'on est)
ca 1135 « à tel moment, alors » (
Couronnement de Louis, 742 ds T.-L. :
Là [as blanches pasques] vos plot il, verais Deus, a aler En Jerusalem);
xiiies. en réf. à un passé éloigné (
Parise la duchesse, 77
ibid.);
ca 1245
là sus « après cela, ensuite, là dessus » (
Ph. Mousket, 29578,
ibid.); 1580
la dessus « ensuite, ceci dit » (
Montaigne,
Essais, I, XX, éd. A. Thibaudet et M. Rat, p. 85).
III. Interj.
là; lalà employé à l'adresse d'une personne que l'on veut encourager, exhorter (
Cotgr.). Du lat.
illāc adv. « par là » (la forme
illa étant relevée dans la lang. vulg. dès Plaute,
TLL, s.v.); les formes
lai de
St Léger et de la
Passion, supra, sont prov. (
cf. a. prov.
lai, 2
emoitié
xiies. B.
de Ventadour éd. C. Appel,
passim; v. aussi
Rayn. et
Levy Prov.); la fréquence d'emploi de
illa(c) en position proclitique dans des combinaisons avec *
dyūsu [
deorsum],
intus, altu, bassu, v.
supra, a prob. empêché la diphtongaison de
a dans
illa(c) employé séparément (
Fouché, p. 650; v. aussi F.
de La Chaussée,
loc. cit.).
Cf. l'a. fr.
ila « là » (
ca 1120-50
ila sus Grant mal fist Adam, I, 12 ds T.-L.), avec
i- issu de
hic adverbe.