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LUCARNE, subst. fém.
Étymol. et Hist. 1. 1261 lucanne [dans un cont. lat.] « ouverture pratiquée dans le toit d'une maison pour donner du jour, de l'air à l'espace situé sous les combles » (BN 9019, fol. 23 ds Gdf. Compl.); 1335 luquarme (Compte d'Oudart de Lagny, A.N. KK 3a, fo274 vods Gdf. Compl.); 1531 [éd.] lucarne (Perceforest, t. 4, fo48 ds Littré); 2. 1813 « petite ouverture pratiquée dans un mur, une paroi, une cloison » (Jouy, Hermite, t. 3, p. 237); 3. 1840 p. métaph. (Sand, Compagn. Tour de Fr., p. 289 : la lucarne étroite de l'usage et des conventions) : 4. 1893 horlog. (Courteline, loc. cit.). De l'a. b. frq. *lukinna « ouverture pratiquée dans le toit d'une maison », dér. en -inna de *luk « id., hublot », que l'on suppose d'apr. le néerl. luik « trappe; contrevent; volet, ... » (déjà luke « moyen de fermeture » en m. néerl.); m. b. all. lūke « lucarne, hublot »; all. Luke « id. ». Le maintien du -k- en fr. révèle que le mot y a été introduit assez tard. Lucanne encore attesté jusqu'au mil. du xves. (et encore vivant de nos jours dans certains dial., v. FEW t. 16, p. 490a) a été évincé par la forme altérée lucarne due à un croisement avec les représentants fr. du lat. lucerna « lampe » (« lucarne » en lat. médiév.; cf. Nierm.), en partic. l'anc. subst. luiserne « flambeau, lumière » (v. luzerne).

Mise à jour de la notice étymologique par le programme de recherche TLF-Étym :

Histoire :
A./B./C. 1. « petite ouverture ». Attesté depuis 1261 [dans un texte en latin] (B.N. 9019, f° 23, in GdfC : Pro ferraturis duarum fenestrarum lucannes). Première attestation présentant le phonème /r/ : 1335 (Compte d'Oudart de Lagny, A. N. KK 3a, f° 274 v° [= ?], in GdfC : Pour la serreure de la luquarme .XII. plates ouvrees). Première attestation présentant le phonétisme moderne : 1399/1400 (Comptes Archev. Rouen J., page 43 : Item au dit Johan [...] pour lambroissier et mettre ij lucarnez toutez neufvez). En ce qui concerne l'attestation de Perceforest citée par le TLF, elle n'illustre pas le sens proposé ; elle serait à classer sous B. 2., cf. Base des mots fantômes s.v. lucarne et Steinfeld, LHF, page 9. - 
C. 2. « ouverture limitant le champ d'un instrument d'optique ». Attesté depuis 1959 (robert1: lucarne […] Spécialt. Cercle qui limite la largeur du champ, dans un instrument d'optique). - 
C. 3. « chacun des angles supérieurs du but, au football ». Attesté depuis 1965 [11 octobre] (L'Équipe, in Petiot, Sports : Tête de D. dans la lucarne droite du but). - 
C. 4. « télévision ». Attesté depuis 1966 [décembre] (Réalités, page 169 [= ?], in DDL 37 : Chaque soir, dans 7 millions de foyers français s'allument 7 millions de ‘petites lucarnes’ qui permettent aux parisiens comme à l'artisan de la Lozère, au vigneron de Champagne comme au commerçant de Grenoble, de voir et souvent de vivre ‘en direct’ les événements du monde entier). - 

Origine :
Transfert linguistique : emprunt à l'ancien francique *lūkinna subst. fém. « ouverture fermée par un clapet » (von Wartburg in FEW 16, 490ab ; précisé par Pitz, SMEHL, 10‑11), dérivé de l'ancien francique *lūk subst. masc. « clapet » (< germanique *lūka- verbe trans. « fermer », cf. Seebold, Starke Verben 338 ; Orel, Handbook 250), lequel est appuyé par le néerlandais luik subst. neutre « volet » (De Vries, Nederlands 415) et par le bas allemand luuk subst. masc. « clapet, volet, couvercle » (Grimm 12, 1286). Le mot est uniquement attesté en bas francique et en bas allemand et manque dans les dialectes franciques de Rhénanie ; il désignait peut‑être les ouvertures des modestes cabanes en partie enterrées et couvertes d'un toit allant jusqu'au sol qui, dans les habitats ruraux du haut Moyen Âge, faisaient fonction de « salles de travail » (Périn, Francs 428‑429). Un dérivé semble avoir été construit à l'aide du suffixe *-innjō servant à marquer l'appartenance, d'où la formation de termes abstraits (Wilmanns, Grammatik 2, 313 ; Kluge, Stammbildungslehre § 150 ; Casaretto, Wortbildung 330‑331). Néanmoins, ce suffixe est assez mal et assez tardivement attesté ; les formations correspondantes ne remontent pas plus loin que le 9e siècle et ont souvent été concurrencées, voire remplacées par des formes construites à l'aide du suffixe *-ja, plus « simples » (Braune, Althochdeutsche Grammatik § 211, note 1). Un ancien francique * lūkī subst. fém., appuyé par le moyen néerlandais lûke subst. fém. « ouverture » (De Vries, Nederlands 415), passé en bas allemand puis en allemand standard par le biais du vocabulaire des marins (Kluge23 s.v. Luke), aurait ainsi éradiqué l'ancien *lūkinna, dont l'emprunt français constituerait la seule trace. Tout comme la formation lexicale du lexème de base, le phonétisme du transfert français avec conservation du [k] intervocalique plaide en faveur d'un emprunt tardif. Le mot a été intégré après l'accomplissement de la sonorisation des occlusives sourdes intervocaliques, fait phonétique intervenu relativement tard dans les parlers du nord‑est du domaine d'oïl (Pfister, Ortsnamenüberlieferung 328) ; il ne semble pas exclu que le transfert soit postérieur à l'époque franque. L'intrusion du -r- peut être due à un phénomène d'hypercorrectisme. Dès le 12e siècle, on a des exemples d'amuïssement de -r- antéconsonantique (voir Fouché, Phonétique 863‑864), et ils sont fréquents dans les parlers dialectaux devant -n-, cf. les équivalents dialectaux de français corne (FEW 2, 1191a, cŏrnu) ou lanterne (FEW 5, 166a, lanterna). Von Wartburg in FEW 16, 490ab, *lūkinna explique le consonantisme moderne de lucarne par l'influence du français médiéval lu(i)serne subst. fém. « lanterne ; lumière » (ca 1120—16e siècle, FEW 5, 433a, lŭcerna ; luzerne*), en se fondant sur Gdf 5, 49b‑c, qui mélange toutefois les représentants des types lexicaux luzerne et lucarne. Cependant un tel croisement supposerait une proximité sémantique entre les deux lexèmes, ce qui n'est pas le cas entre « petite ouverture » et « lumière », et les attestations les plus anciennes ne permettent pas de supposer que lucanne présentait le sème /lumière/. Cf. aussi Rosset, Prononciation 298, où le traitement de l'intrusion du /r/ dans lucarne est explicitement évoqué. Dans la forme francique postulée, la voyelle est brève, mais l'emprunt entraîne un déplacement de l'accent tonique sur le -i-. — Au 20e siècle, lucarne est entré dans le vocabulaire spécialisé du domaine technique de l'optique (C. 2.). Il est passé récemment dans le vocabulaire du sport (C. 3.) et dans la langue familière, où il désigne par plaisanterie le petit écran (C. 4.). — Cf. Von Wartburg in FEW 6, 490ab, *lūkinna.


Rédaction TLF 1985 : Équipe diachronique du TLF. - Mise à jour 2005 : Nadine Steinfeld ; Martina Pitz. - Relecture mise à jour 2005 : Jean-Paul Chauveau ; Éva Buchi ; Gilles Roques ; Wolfgang Haubrichs ; Gilles Petrequin ; May Plouzeau.