LIEU1, subst. masc.
Étymol. et Hist. A. 1. Fin du
xes.
loc « portion déterminée de l'espace » (
Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 407);
ca 1050
leu (
Alexis, éd. Chr. Storey, 133);
2. 1
remoitié du
xiies.
lieu saint « temple, église » (
Psautier Oxford, éd. Fr. Michel, XXIII, 3 [
locus sanctus]); 1690
lieux saints « lieux de la vie du Christ, en Palestine » (
Fur.);
3. 1260
tenir feu et leu « avoir un ménage et une maison » (
Étienne Boileau,
Métiers, 69 ds T.-L.,
s.v. feu);
4. 1538
lieu public (
Est.,
s.v. statio);
5. 1690
lieu géom. (
Fur.); 1691
lieu géométrique (
Ozanam);
6. 1691
haut lieu « hauteur, colline sur laquelle les juifs élevaient des autels et faisaient des sacrifices » (
Racine,
Athalie, III, 6); 1931 au fig. « lieu mémorable théâtre de hauts faits » (J.-R.
Bloch,
Dest. du S., p. 155).
B. Au plur.
1. a) 1538 dr. « endroit précis où un fait s'est passé » (
Est.,
s.v. in);
b) 1643 « endroit unique considéré ou non dans ses parties » (
Corneille,
Polyeucte, I, 3);
2. 1640
lieux « latrines » (
Oudin Curiositez); 1802
lieux d'aisances (
Flick,
Nouv. dict. fr.-all. et all.-fr. d'apr.
FEW t. 5, p. 392b);
3. 1690 « appartement, maison, propriété » (
Fur.).
C. Dans des loc.
1. a) ca 1100
estre es lius de « être à la place de » (
Roland, éd. J. Bédier, 3016 : Seiez es
lius Oliver e Rollant);
b) ca 1160
en leu de « à la place de » (
Eneas, 3554 ds T.-L.);
c) 1531
au lieu de « id. » (
Est.,
s.v. vicis);
2. 1155
tens et leu « au moment et à la place convenables » (
Wace,
Brut, 536 ds T.-L.);
3. a) ca 1200
(aimer) en haut lieu « (aimer) une personne de naissance noble » ([
Châtelain de Couci],
Chansons, éd. A. Lerond, VIII, 22),
cf. lieu « place (d'une personne, d'un groupe) dans la hiérarchie sociale » (
ca 1165,
Benoît de Sainte-
Maure,
Troie, 7839 ds T.-L.);
b) xiiies.
de haut lieu « de naissance noble » (
Guillaume au faucon, 216 ds
Fabliaux, éd. A. de Montaiglon et G. Raynaud, t. 2, p. 99);
c) 1863
en haut lieu « dans les milieux influents » (
Flaub.,
Corresp., p. 316);
4. a) ca 1180
avoir bon lieu « être bien reçu, admis » (
Proverbes au vilain, 187 ds T.-L. : bone parole bon
lieu a);
b) ca 1500
n'avoir nul lieu « ne pas se produire » (
Commynes,
Mémoires, VIII, 2, éd. J. Calmette, t. 3, p. 143);
c) 2
emoitié du
xvies.
avoir lieu « se réaliser (en parlant de souhaits) » (
Cholières d'apr.
FEW t. 5, p. 393a);
d) 1611
il y a lieu de (
Cotgr.); 1636
avoir lieu de (
Corneille,
Le Cid, III, 6);
e) 1778
avoir lieu « prendre place (à un moment précis du temps) » (
Buffon,
Hist. nat. des oiseaux, t. 4, p. 104 ds
Littré);
5. a) début du
xiiies.
lieu « passage d'un livre » (
Maurice de Sully,
Sermons, éd. C. A. Robson, 1, 89);
b) 1538
en premier lieu (
Est.,
s.v. cum);
6. a) 1374
tenir le lieu de « servir de » (N.
Oresme,
Livre de Yconomique, éd. A. D. Menut, p. 818 : en petite maison, le seigneur tient le
lieu de curateur);
b) 1534
tenir lieu de (
Rabelais,
Gargantua, VIII, éd. R. Calder et M. A. Screech, p. 65);
7. a) 1643
donner lieu de « fournir l'occasion » (
Corneille,
Polyeucte, IV, 3);
b) 1656
donner lieu à (
Pascal,
Provinciales, VII ds
Œuvres complètes, éd. L. Lafuma, 1963, p. 399b).
D. 1. 1562
lieux communs « arguments, développements et preuves applicables à tous les sujets » (
Bonivard,
L'Amartigénée, 91 d'apr.
FEW t. 5, p. 393a);
2. 1666 « banalité » (
Molière,
Le Misanthrope, II, 4). Du lat.
locus « lieu, place, endroit », servant à traduire le gr. τ
ο
́
π
ο
ς, dont il a pris les sens techn. « endroit d'un ouvrage », terme de rhét.
loci communes « lieux communs », v.
Ern.-
Meillet.