LE1, LA1, LES1, art. déf.
Étymol. et Hist. I. Formes
A. 1. masc.
a) sing.
α) cas suj. − devant consonne
ca 881
li (
Ste Eulalie, 21, éd.
Henry Chrestomathie, p. 3 :
li rex pagiens); fin
xes.
le (
Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 201 :
le matins); mil.
xies.
le (
St Alexis, éd. Chr. Storey, 236 :
le pedre); − devant voyelle, forme élidée, fin
xes.
l' (
Passion, 289 :
l'altre);
β) cas régime − devant consonne
ca 881
lo (
Ste Eulalie, 10, 14, 15, 22; 24 : Volt
lo seule lazsier); 1
remoitié
xes.
le (
Jonas, éd. G. de Poerck, 168 : cum dist e
le evangelio); fin
xes. (
Passion, 169, 173 : il querent
le forsfait); − devant voyelle 2
emoitié
xes.
l' (
St Léger, éd. J. Linskill, 19 :
l'ebisque); fin
xes. (
Passion, 236 :
l'emperador);
b) plur.
α) cas suj.
ca 881
li (
Ste Eulalie, 3 :
li Deo inimi);
ca 1100
les (
Roland, éd. J. Bédier, 547 :
Les .XII. pers);
β) cas régime
ca 881
les (
Ste Eulalie, 5; 16 :
les empedementz);
2. fém.
a) sing.
α) cas suj. − devant consonne
ca 881
la (
Ste Eulalie, 10; 23 :
La domnizelle); − devant voyelle 2
emoitié
xes.
l' (
St Léger, 75 :
l'ira);
β) cas régime − devant consonne
ca 881
la (
Ste Eulalie, 28 : Post
la mort); − devant voyelle 2
emoitié
xes.
l' (
St Léger, 237 :
l'anima);
b) plur.
α) cas suj. fin
xes.
las (
Passion, 234 :
las voz;
cf. id., 397 :
les custodes, leçon rejetée, v. note);
ca 1100
les (
Roland, 91); av. 1123 [ms. L]
les (
St Alexis, prol. :
les quels [cascun memorie spiritel] vivent purement);
β) cas régime 2
emoitié
xes.
las (
St Léger, 151 :
las poenas granz); fin
xes.
les (
Passion, 260 : Ab
les femnes); mil.
xies. (
St Alexis, 366 :
les anames baillir).
B. Formes contractées par enclise de l'art. déf. avec les trois prép.
1. en a) + art. déf. masc. sing.
ca 881
enl (
Ste Eulalie, 19 : Enz
enl fou); mil.
xies.
el (
St Alexis, 162);
b) + art. fém. sing.
ca 1200
el (
Dialogues Grégoire, 150, 19 ds T.-L.);
c) + art. masc., fém. plur.
ca 1100
es (
Roland, 1684 :
es cartres e
es brefs);
2. a a) + art. masc. sing. 2
emoitié
xes.
al (
St Léger, 14);
b) + art. fém. sing.
ca 1170
al (
Chrétien de Troyes,
Erec, éd. W. Foerster, 4263, var. ms. H, Bibl. nat. fr. 1450,
xiiies. :
al nuit);
c) + art. masc., fém. plur. 2
emoitié
xes.
als (
St Léger, 206); mil.
xies.
as (
St Alexis, 94);
3. de a) + art. masc. sing. [832-840 topon.
Camdonpont (
Cartul. abbaye de Redon, éd. A. de Courson, p. 94) transcrit
Cansdoupont [=
campus de illo ponte] par F.
de La Chaussée,
Morphol., § 54]; 2
emoitié
xes.
del (
St Léger, 235);
b) + art. fém., masc. plur.
id. dels (
id., 7, 9).
II. Emplois syntaxiques
A. Accompagne un nom commun
a) ca 881 le nom est déterminé par une épithète (
Ste Eulalie, 5 :
les mals conselliers); peut accompagner les adv.
plus ou
moins signifiant le superl. rel. mil.
xies. (
St Alexis, 624 :
la plus durable glorie);
b) 2
emoitié
xes. le nom est déterminé par une prop. rel. (
St Léger, 14 :
Al rei lo duistrent soi parent
Qui donc regnevet a ciel di); mil.
xies. (
St Alexis, 77 :
la nef est preste
ou il deveit entrer). Présentatif de ce qui se réfère à une notion connue (valeur de notoriété), désigne
1. a) ce dont il a déjà été question
ca 881 (
Ste Eulalie, 23);
b) ce qui est unique ou dont la notoriété est universelle
id. (
id., 28 :
la mort); fin
xes. (
Passion, 311 :
la luna; 390 :
li soleilz);
c) un type général, toute une classe d'individus mil.
xies. (
St Alexis, 302 : e
li rice e
li povre);
2. désigne ce dont la présence est impliquée nécessairement par la situation contextuelle
a) 2
emoitié
xes. les parties du corps comme postulées par l'existence même de la personne évoquée (
St Léger, 154 :
Lis ols del cap li fai crever); fin
xes. (
Passion, 92 : A
.ssos fedels laved
lis ped);
b) ca 1100 les pièces de l'armement comme constituant nécessairement l'équipement du chevalier que l'on évoque (
Roland, 1199 :
L'escut li freint e
l'osberc li desclot);
3. détermine le numéral désignant une fraction d'un ensemble (les parties étant de même postulées par l'existence du tout) 2
emoitié
xes. un numéral cardinal (devenu pron.) (
St Léger, 223 : Quatr' omnes i tramist armez Que lui alessunt decoller.
Li tres vindrent a sanct Lethgier);
id. numéral ordinal (
id., 227 :
Lo quarz, uns fel, nom a Vadart);
4. art. à valeur distributive
a) 1176-81 devant un nom d'unité de mesure de longueur (
Chrétien de Troyes,
Chevalier Lion, éd. M. Roques, 2957 : pres iert, qu'il n'i ot pas Plus de demie liue un pas, Des liues qui el païs sont, Car a mesure des noz sont
Les deus une,
les quatre deus [ici, l'adj. numéral cardinal est devenu pron.]);
b) début
xiiies. devant un nom d'unité de temps (
St Alexis en octosyllabes, 35, éd. G. Paris ds
Romania t. 8, p. 170 : Treis feiz
le jor);
5. art. à valeur démonstrative mil.
xies. (
St Alexis, 537 : Unches en Rome nen out si grant ledice Cum out
le jurn);
6. devant un nom mis en apostrophe
ca 1100 (
Roland 1907 :
Li nostre deu, vengez nos de Carlun).
B. Accompagnant un nom propre
1. fin
xes. nom de personne (
Passion, 30 : Jesus
lo Lazer suscitat; 489 :
Lo Satanas);
ca 1100 le titre est signalé par l'art. comme estimé présent à la pensée de tous (
Roland, 7 :
Li reis Marsilie);
2. 1140 un nom géogr. (
Charroi de Nîmes, éd. D. McMillan, 209 :
el Toivre [le Tibre]).
C. Fait fonction de pron. Pron. anaphorique d'un subst. déjà énoncé ou s.-ent. et recevant la détermination
1. d'un subst. au cas régime
a) 2
emoitié
xes. anaphorique d'un subst. déjà énoncé (
St Léger, 118 : Vindrent parent e lor amic,
Li sanct Lethgier,
li Ewrui); mil.
xies. (
St Alexis, 7 : Al tens Noë ed al tens Abraham Ed
al David...);
b) 1176-81 d'un subst. s.-ent. (
Chrétien de Troyes,
Chevalier Lion, 2576 : Huit jorz aprés
la Saint Johan);
2. d'une épithète fin
xes. (
Passion, 143 : Judas
li fel; 161 : Jesus
li bons);
ca 1100 (
Roland, 3033 : Oger
li Daneis); de cet emploi est né le pron. poss. à partir de l'adj. poss. : mil.
xies. (
St Alexis, 372 : Li apostolie tent sa main a la cartre; Sainz Alexis
la sue li alascet), v. G.
Moignet,
Gramm. de l'a. fr., p. 105; v. aussi
mien, tien, etc. L'art. déf. est issu du lat.
ille, dém. de la 3
epers., dont la valeur de notoriété convient à la détermination [
ille homo « l'homme que vous connaissez »] :
li-lo, le; li-los, les; las, les sont issus, avec aphérèse subie en position proclitique, de
illī
(altération de
ille d'apr. le rel.
quī
)
-illu; illa; illī-illos; illas, le paradigme lat. étant réduit à 2 genres et 2 cas. En fr., l'art. s'est fixé devant le nom, fait prob. postérieur à la séparation de la Dacie (271), l'art. étant postposé en roumain. Bien que le lat. ne connût pas l'art. déf. à proprement parler (
Ern.-
Th., § 217), la création d'un déterminant s'annonce dès le lat. par certains emplois affaiblis des dém., dont on peut citer des ex. dans la langue pop. depuis
Plaute (v. la recension critique de E.
Löfstedt,
Syntactica, I, pp. 359-365, ainsi que
TLL, s.v. ille, 358-359, § II). En dehors des cas, les plus nombreux, où
ille supplante
is dans son emploi anaphorique, et de ceux où, au neutre, il sert à détacher du contexte un mot considéré en lui-même (
Plaute,
Miles, 819), on remarque que les cas les plus probants faisant prévoir l'apparition de l'art. rom. sont ceux où
ille est utilisé dans l'expression d'une opposition ou d'une comparaison
(ille alius, ille alter; ille major, ille minor; ille prior); de plus dans les textes de l'
Itala, il calque souvent l'art. gr. (
Ern.-
Th., § 216-218;
Vään., § 275;
Löfstedt, pp. 64-65; B.
Löfstedt,
Studien über die Sprache der langobardischen Gesetze, pp. 264-268, ainsi que
TLL, loc. cit., 357-358, § D); cependant, la création de l'art. déf. proprement dit ne remonte pas au delà de l'époque rom.;
cf. ital.
il, la, esp.
el, port.
o, a, en face du sarde
su, sa, issu du lat.
ipse, ipsa, concurrent de
ille en lat. du
veau
xes. (notamment dans les régions bordant la Méditerranée) et dont les représentants sont aussi conservés dans une partie des parlers gascons et catalans. Formes contractées,
au (issu de
à* +
le),
aux (
à +
les) qui a éliminé une anc. forme
es* et
des (
de +
les).