LARVE, subst. fém.
Étymol. et Hist. 1. 1495 « fantôme hideux, surtout dans l'Antiquité romaine » (J.
de Vignay,
Mir. historial, II, 96 [éd. 1531]); terme d'Antiq. dep.
Besch. 1845;
2. 1762 zool. « insecte vermiforme qui représente le premier état des insectes à métamorphose » (E.-L.
Geoffroy,
Hist. abrégée des insectes);
3. 1830 fig. « embryon de quelque chose » (
Hugo,
Journal d'un révolutionnaire de 1830, Derniers feuillets sans date ds
Littérature et philosophie mêlées, Paris, A. Michel, 1934, p .108). Empr. au lat. d'époque imp.
larva « figure de spectre, fantôme »; le sens 2 d'apr. ce dernier sens, la chenille étant comme le masque de l'insecte ailé.
Mise à jour de la notice étymologique par le programme de recherche TLF-Étym :
Histoire :
A. « fantôme, spectre ». Attesté depuis ca 1328 [manuscrit de 1373] (JVignayMirMs316, folio 62, verso b = Delboulle 19e siècle : les larves ou estries [« esprits malfaisants »] ne sont autres choses fors l'ombre des ames dampnees ou de malins esperiz). -
B. 1. « première forme que revêt un insecte au cours de son développement ». Attesté depuis 1762 (Geoffroy, Insectes, volume 1, page 26, in Benveniste, FM 23, 8‑9 : Larve, on désigne par ce nom les insectes à métamorphoses, lorsqu'ils sont dans leur premier état au sortir de l'oeuf). Cf. aussi l'attestation suivante, intéressante du point de vue de la sémantique historique : Il [l'insecte] est, dans ce premier état, masqué, c'est pour cela qu'on lui donne le nom de larve (Geoffroy, Insectes, volume 1, page 35). -
B. 3. a. « être qui n'est pas encore complètement formé ». Attesté depuis 1884 (Maupassant, Contes, volume 2, page 461 = Frantext : L'enfant dormait. Je me levai et le regardai dormir. C'était lui, cet avorton, cette larve, ce rien qui me condamnait à un malheur sans appel). -
B. 3. b. « être insignifiant, très diminué, en proie à la déchéance ». Attesté depuis 1859 (Hugo, Légende, livre 1, chapitre 7, page 93 = Frantext : Depuis quatre‑vingt ans, je vis dans un réduit, Regardant la sueur des antres de la nuit […] Larves exténuées, Qu'est‑ce que nous cherchons ? Je sais l'assyrien, l'arabe, le persan, l'hébreu ; je ne sais rien. De quel profond néant sommes‑nous les ministres ?). -
B. 2. « étape initiale (abstrait) ». Attesté depuis 1842 (Hugo, Le Rhin, conclusion 1, page 419 = Frantext : les monarchies puissantes protégeaient les républiques faibles, et conservaient pour ainsi dire curieusement ces échantillons de la bourgeoisie d'alors, ébauches de la démocratie future, larves informes de la liberté). Remarque : cet emploi métaphorique, qui semble d'abord être resté confiné à Hugo, a été repris par Gide (Frantext) et Proust (Robert2 s.v. architecture). En ce qui concerne l'attestation du Journal d'un révolutionnaire de 1830 de Hugo, proposée par Robert1 et reprise par TLF, sa datation est incertaine (1841 ?). -
Origine :
A. Transfert linguistique : emprunt au latin larva subst. fém. « esprit d'un damné qui poursuit les vivants sous forme de fantôme » (attesté depuis Plaute, TLL 7/2, 977). Cf. von Wartburg in FEW 5, 194ab, larva I 1.
B. Transfert linguistique : emprunt au latin scientifique larva subst. fém. « première forme que revêtent certains insectes au cours de leur développement (s'oppose à ovum et pupa) » (attesté depuis 1735, Linné, Systema Naturae Regnum animale, cité par Benveniste, FM 23, 9). Cf. von Wartburg in FEW 5, 194ab, larva I 2, à corriger par Benveniste, FM 23 (cf. Chambon, ZrP 104, 173). Les sens B. 2. et B. 3. en sont issus par évolution sémantique.
Rédaction TLF 1983 : Équipe diachronique du TLF. - Mise à jour 2005 : Nadine Steinfeld ; Armelle Evrard. - Relecture mise à jour 2005 : Jean-Pierre Chambon ; Stephen Dörr ; Françoise Henry ; Éva Buchi.