JEU, subst. masc.
Étymol. et Hist. I. 1. Ca 1100
giu « amusement » (
Roland, éd. J. Bédier, 977);
2. ca 1160
ce n'est pas jous « c'est loin d'être une chose sans gravité, sans conséquence » (
Enéas, éd. J.-J. Salverda de Grave, 6881);
3. a) 1558 « ce qui relève ou semble relever de la fantaisie pure, du caprice » (
Du Bellay,
Regrets LXXXII, 5, éd. E. Droz, p. 86 : le
jeu de la Fortune);
b) 1666
jeu de mots (
Molière,
Misanthrope, I, 2);
4. 1690
jeu de main, jeu de vilain (
Fur.);
5. 1891 comptab.
jeu d'écritures (
supra I A 5d).
II. « Organisation de cette activité sous un système de règles définissant un succès et un échec, un gain et une perte » (
Lal.);
1. a) ca 1160
gius antiq. « compétitions sportives » (
Enéas, 2159);
b) début
xvies.
jeux olympiques antiq. (J.
Lemaire de Belges,
Couronne margaritique ds
Œuvres, éd. J. Stecher, t. 4, p. 59); 1894 (P.
de Coubertin,
Le rétablissement des jeux olympiques ds
R. de Paris, 15 juin ds
FEW t. 7, pp. 351-352);
2. a) ca 1160 fig.
faire un jeu parti à qqn « proposer une alternative à quelqu'un » (
Enéas, 7754 : ge li ferai un
geu parti);
b) ca 1200 p. ext. litt.
gius partis (
Jean Renart,
Escoufle, éd. F. Sweetser, 2028);
c) fin
xiiies. [date du ms.]
jus, jeus litt. « représentation théâtrale » (Titre, prologue 113 et colophon du
Jeu de Saint Nicolas de Jean Bodel, éd. A. Henry, pp. 56, 60, 176 et note p. 180);
3. a) 1200
gieu « somme risquée au jeu » (
op. cit., 291); 1585
jouer le gros jeu fig. (
Noël du Fail,
Contes et discours d'Eutrapel, éd. J. Assézat, t. 1, p. 252);
b) 2
emoitié du
xvies.
le jeu absol. « les jeux d'argent » (G.
Meurier,
Trésor des sentences ds
Le Roux de Lincy,
Proverbes, t. 2, p. 85);
4. ca 1200 « règles, conventions » (
Garin le Lorrain, éd. J. E. Vallerie, 8961 : Qui en gieu entre, bien doit
gieu consentir);
5. a) ca 1223 fig.
faire le jeu de qqn « donner son appui à quelqu'un » (G.
de Coinci,
Mir., éd. V. F. Koenig, t. 1, p. 12, 203 [I
Pr. 1] : Se nos n'avons qui no
giu face);
b) fin
xiiies. [var. ms.] fig. « entreprise comportant des risques » (
Thèbes, éd. L. Constans, 6232 : En tristor est tornes li
gius);
6. 1636
jeu « chacune des divisions de la partie (au jeu de paume) » (
Monet).
III. Ce qui sert à jouer
1. ca 1200 « instruments de jeu » (
Jean Renart,
Escoufle, éd. F. Sweetser, 8993 :
jus d'eskés et de tables);
2. 1385 « lieu de jeu » (B. et H.
Prost,
Inventaires mobiliers des ducs de Bourgogne, t. 2, p. 183, § 1203 : un pavement de grez [...] pour faire un
geu de paume);
3. 1451 « assemblage de cartes » (G.
Arnaud D'
Agnel,
Comptes du Roi René, t. 1, p. 181 : ung
jeu de quartes);
4. a) 1515 mus. « rangée de tuyaux d'un orgue » (L.
Merlet,
Doc. sur les travaux exécutés à N.D. de Chartres, p. 358 : unes orgues à cinq
jeuz);
b) av. 1683 mar.
jeu de voiles (
Corresp. de Colbert, III, 2, p. 312 ds
Littré).
IV. Manière dont on joue
1. ca 1200
jeu fig. « manœuvre, manière d'agir » (
Chevalier au Cygne, éd. J. A. Nelson, 1749 var.);
2. 1511
c'est le vieux jeu « ce n'est plus à la mode » (
Gringore,
Jeu du prince des sots ds
Œuvres complètes, éd. Ch. d'Héricault et A. de Montaiglon, t. 1, p. 227 : La Bonne Foy, c'est le
vieil jeu); 1877
vieux jeu « passé de mode » (
Meilhac,
Halévy,
Cigale, p. 17 : il n'est pas
vieux jeu);
3. 1680 théâtre « manière de jouer un rôle » (
Rich.);
4. a) 1690 mus. « façon de jouer d'un instrument » (
Fur.);
b) 1690 escrime « façon de manier une arme »
(ibid.); 5. a) 1690 sc. nat.
jeux de la Nature (ibid.); b) 1704
jeux d'eau (Trév.); c) 1771 « effet artistique produit par des assemblages de couleurs ou des mouvements de lumière » (
Buffon,
Hist. nat., Oiseaux, t. 2, p. 372).
V. 1. a) 1677 « mouvement aisé, régulier d'un objet, d'un organe, d'un mécanisme » (
Bossuet,
Connaissance de Dieu et de soi-même, II, 2 ds
Littré :
jeu [des muscles dans le corps humain]);
b) 1762 p. ext. « action, mouvement » (
Rousseau,
Emile, 1. 4, éd. Ch. Wirtz, p. 534 : le
jeu de toutes les passions humaines);
2. 1689 « espace ménagé pour la course d'un organe, d'un mécanisme » (M
mede Sévigné,
Corresp., 6 avr., éd. R. Duchêne, t. 3, p. 570). Du lat.
jocus « plaisanterie, badinage », qui a supplanté
ludus en héritant de ses sens : « jeu, amusement, divertissement; en partic. jeux publics de caractère officiel ou religieux » (
cf. Ern.-
Meillet,
Bl.-W.).