JALOUX, -OUSE, adj.
Étymol. et Hist. 1. Ca 1160
gelos de « qui convoite ardemment quelque chose » (
Éneas, éd. J.-J. Salverda de Grave, 5374);
2. id. jalos « qui est farouchement attaché à la conservation d'un bien, d'un avantage » (
ibid., 7096);
3. a) ca 1170
gelus « qui est exclusif dans son attachement pour quelqu'un ou quelque chose, qui n'admet aucun partage » ici, dans le domaine amoureux (
Marie de France,
Lais, éd. J. Rychner,
Guigemar, 213);
id. subst.
id. (
Id.,
ibid., Yonec, 71);
b) xiiies.
Dieu fort et jaloux (
Bible fr., ms BN 15392, f
o38 v
ods
Trénel, p. 256);
4. 2
emoitié
xiiies. « envieux » (
La Contenance des femmes ds
Nouveau Rec. Fabliaux, éd. A. Jubinal, t. 2, p. 172 : On se prent a sa chamberiere, Dont aucune foiz est
jalouse). Mot d'hist. complexe. Du b. lat.
zēlōsus « plein d'amour et de prévenance » attesté au
veou
vies. (v.
FEW t. 14, p. 660a), dér. du lat.
zēlus « jalousie, zèle » surtout attesté en lat. chrét. (v.
Blaise Lat. chrét.), du gr. ζ
η
̃
λ
ο
ς « empressement, ardeur, rivalité, envie ». Pour justifier la finale, au lieu de la forme en
-eux attendue, on a invoqué dep. E.
Boehmer (ds
Romanische Studien t. 3, pp. 581-599) et H.
Suchier (
Alt-franz. Gramm., p. 14) un empr. à l'a. prov.
gelos « jaloux » attesté ds le vocab. amoureux dep. 1135-45 (
gilos ds
Cercamon d'apr. E.
Köhler in Mél. J. Frappier, 1970, p. 547); le mot serait passé en fr. (comme
amour*) par l'intermédiaire de la lyrique d'oïl influencée par celle d'oc. Wartburg (
FEW t. 14, pp. 659b-660a) a poussé plus loin encore cette hyp. en expliquant que
zēlōsus vient directement du gr. ζ
η
̃
λ
ο
ς, plus riche de sens, et qui serait passé dans le lat. de la Narbonnaise. Cependant la diversité et l'ancienneté des sens du mot en a. fr., où il n'est pas limité au vocab. amoureux contrairement à l'a. prov., rendent douteuse l'hyp. d'un empr. à cette langue. D'autres solutions ont été proposées : − hypothèses dialectales : le mot viendrait (comme
amour*) de la Champagne orientale, centre courtois de première importance (
Fouché, p. 307); pour G.
Hilty (ds
Mél. A. Kuhn, 1963, pp. 237-254), il serait issu du croisement entre le norm.
jeloux (dep.
ca 1280,
Clef d'amours ds T.-L.) et la forme du Centre et du Nord-est
jaleux (qui n'est attestée qu'au
xvies. ds
Hug.); − hypothèse morphol. :
jaloux a été refait d'apr.
jalousie1(
Meyer-
Lübke,
Gramm. des lang. rom., t. 1, p. 121) mais ce dernier est plus rare et plus tardif; − hypothèse sav. : Chr.
Schmitt (ds
Neuphilol. Mitt. t. 75, pp. 295-304) a soutenu que le mot, comme
époux* et
amour*, appartient au vocab. relig. (
cf. supra sens 3 b) et que l'infl. du lat. eccl. a entravé l'évolution phonét. normale; le
a de la syll. initiale est gén. attribué à l'infl. de la liquide suivante (
cf. Bourc. 94) et il ne paraît ni utile ni vraisemblable d'invoquer un type *
zalosus, répondant à la forme dorienne ζ
α
̃
λ
ο
ς qui correspond à l'ionien-attique ζ
η
̃
λ
ο
ς (Chr.
Schmitt,
loc. cit.).