GROS1, GROSSE, adj.
Étymol. et Hist. A. 1. a) ca 1100 « de volume ou de dimensions importantes » (
Roland, éd. J. Bédier, 3159);
b) ca 1100
grosse cume p. compar. « de volume ou de dimensions aussi importantes que » (
ibid., 3153), d'où « du volume ou de la taille de » 1678-79 (
La Fontaine,
Fables, IX, 4,
Œuvres, éd. H. Régnier, t. 2, p. 377 : qui n'est pas
gros comme mon petit doigt);
c) 1
erquart
xiiies. par transposition « de volume sonore important » (
Reclus de Molliens,
Charité, 118, 3 ds T.-L.);
d) fin
xives. « qui appartient à la catégorie de ce qui a des dimensions importantes » ici subst.
le gros « le gros gibier » (E.
Deschamps,
Poésies, DCCCLXXXVI, 2, éd. De Queux de Saint-Hilaire, t. 5, p. 71); 1538
gros bestiail (
Est. s.v. Armentum);
2. a) 1130-40 fém.
grosse « enceinte » (
Wace,
Conception N.-D., éd. W. R. Ashford, 954);
b) fin
xiies. au propre « enflé, gonflé » (
Flore et Blancheflor, éd. M. Pelan,
ireversion, 2626 : Si oill sont
gros por le plorer);
c) ca 1165 « dont le volume est augmenté, gonflé » au fig. (avoir)
le cuer gros « être courroucé, en colère » (B.
de Ste-
Maure,
Troie, 8061 ds T.-L.) aussi « être valeureux, courageux ou orgueilleux » (
cf. T.-L.), 1640 dans l'expression du chagrin
le cœur gros de soupirs (
Corneille,
Cinna, IV, 1,
Œuvres, éd. Ch. Marty-Laveaux, t. 3, p. 433);
d) ca 1165
mer grosse « mer enflée par la tempête, houleuse, agitée » (B.
de Ste-
Maure,
op. cit., 27585,
ibid.), d'où mil.
xiiies.
gros tans « mauvais temps, tempête » (
Jean de Tuim,
Jules César, 81, 13,
ibid.);
e) 1450-65
être gros de « être empli du désir de » (
Pathelin, éd. Holbrook, p. 12, vers 220 ds
IGLF);
f) 1549 « qui contient en puissance, qui annonce, qui va engendrer »
nues grosses de gresle (
Ronsard,
Hymne de France, vers 160,
Œuvres, éd. P. Laumonier, t. 1, p. 32);
g) 1718 « grossi pour impressionner »
faire le gros dos au fig. (
Le Roux,
Dict. comique, p. 254 ds
IGLF : faire le
gros dos; c'est à dire, s'enfler de vanité, d'orgueil); av. 1784
faire les gros yeux (
Diderot d'apr.
Pougens ds
Littré); 1837
faire la grosse voix (
Balzac,
Illus. perdues, p. 19 : une de ses amies qui avait mis des voleurs en fuite en faisant la
grosse voix);
3. a) ca 1150 « rude, grossier »
gros moz « paroles insultantes » (
Thèbes, éd. G. Raynaud de Lage, 4902);
b) 1174 « brut, de consistance peu fine » (
Guernes de Pont-Ste-Maxence,
St Thomas, 3936);
c) ca 1265 au fig. « sans finesse d'esprit » (
Brunet Latin,
Trésor, éd. F. J. Carmody, II, 70, p. 248);
d) 1269-78 « évident, facile à comprendre » (J.
de Meung,
Rose, éd. F. Lecoy, 17365);
4. a) ca 1210 « important par sa position sociale, ses richesses ou son pouvoir »
gros roi « grand roi » (
Foulque de Candie, 6661 ds T.-L.);
b) ca 1274 « important, intense »
grosse paine (
Adenet Le Roi,
Berte, éd. A. Henry, 19);
c) 1280 « important, conséquent »
(promesses) grosses (
Clef d'Amour, éd. Doutrepont ds T.-L.),
cf. aussi 1306
la besoigne est grosse (
Joinville,
St Louis, éd. N. L. Corbett, § 419);
d) 1690 « le plus important »
gros lot (
Fur.);
5. a) ca 1225 avec une valeur amplificatrice « entière, totale »
une leue grosse (
Pean Gatineau,
St Martin, 4284 ds T.-L.);
b) 1440-75 au fig. avec une valeur amplificatrice renforçant un adj.
grosse entiere foi, bon gros léal homme (G.
Chastellain,
Chron., éd. Kervyn de Lettenhove, t. 3, p. 195 et p. 269), 1661-79 renforçant l'expression d'une caractéristique, d'une qualité ou d'un état
une grosse dupe, une grosse bête (
Retz,
Œuvres, éd. A. Feillet, J. Gourdault, R. Chantelause, III, 368 ds
IGLF);
c) 1796 (couleur) « intense, foncée » (
Pièces d'Orgères, I-17-49 r
o1,
ibid.);
6. 1740 prob. d'apr. le sens 5 avec une valeur iron. ou affective
mon gros ami (
Caylus,
Guillaume, Œuvres badines, éd. 1787, X, 29,
ibid.); 1808 subst.
mon gros (à un enfant) (
Hautel).
B. Emploi subst.
1. 1
erquart
xiiies. subst. masc. (ou fém.) « personne corpulente » (
Reclus de Molliens,
Charité, éd. A. G. Van Hamel, 133, 4);
2. 1
erquart
xiiies. subst. masc. « celui qui est riche ou puissant » (
Id.,
ibid., 200, 7). Du b. lat.
grossus, terme pop. correspondant au lat. class.
crassus (gras*), attesté au 1
ers. au sens de « gros, épais » et dès le lat. chrét. au fig. au sens de « rude, grossier » (v.
FEW t. 4, p. 280 et 281); alors que
crassus supplantait
pinguis au sens de « gras »,
grossus est passé dans les lang. rom. avec le sens plus gén. de « gros, de fortes dimensions » qui le met parfois en concurrence, en fr., avec
grand (v.
FEW t. 4, p. 280 et 281).