GAGNER, verbe
Étymol. et Hist. A. 1. a) Ca 1135
gaaignier [ici intrans.] « s'assurer (un profit matériel) par un travail, par une activité » (
Couronnement Louis, éd. Y. G. Lepage, réd.
AB, 1248);
b) ca 1135 [ici trans.] « s'emparer de, conquérir par la force » (
ibid., 1146);
c) 1
remoitié du
xiiies. « s'assurer (un profit matériel) par le jeu, par un hasard favorable » (
De S. Piere et du jougleur, 140 ds
Fabliaux, éd. A. de Montaiglon et G. Raynaud, t. 5, p. 69);
2. 1269-78
gaaignier un ami (J.
de Meun,
Rose, éd. F. Lecoy, 12396);
3. a) ca 1525
gaigner pays « avancer, faire du chemin » ([J.
de Mailles],
Hist. de Bayart, ch. 35 ds
Hug.);
b) 1646
gagner du terrain (N.
Perrot d'
Ablancourt, trad. d'
Arrian,
Les Guerres d'Alexandre, p. 37).
B. 1. Ca 1135 « être vainqueur dans (une bataille, etc.) » (
Couronnement Louis, réd.
AB, 1170);
2. ca 1223
gaaignier le giu « l'emporter au jeu » (G.
de Coinci,
Miracles de Notre-Dame, éd. V.F. Kœnig, I Mir. 10, 1510);
3. 1283
gaaigner sa querele « l'emporter dans un procès » (
Ph. de Beaumanoir,
Coutumes Beauvaisis, éd. A. Salmon, § 1153).
C. 1. a) Ca 1256 « agir sur quelqu'un, en parlant du sommeil, etc. » (A.
de Sienne,
Régime du corps, éd. L. Landouzy et R. Pépin, p. 21), attest. isolée; de nouv. 1587 (
Malherbe,
Poésies, III, 334 ds
Œuvres complètes, éd. L. Lalanne, t. 1, p. 16);
b) 1606 [éd.]
gagner qqn « atteindre en s'étendant » (
Ph. Desportes,
Œuvres, p. 457 ds
La Curne);
2. a) 1548
gaigner le hault « s'enfuir » (N.
Du Fail,
Propos rustiques, Au lecteur ds
Hug.); 1571
gagner (une position) (
La Boétie, trad. de la
Mesnagerie de Xénophon, ch. 14,
ibid.); b) 1559 intrans. « s'étendre » (
Amyot,
Cor. 19 ds
Littré). De l'a. b. frq. *
waid̄anjan, de la même famille que l'all.
Weide « pâturage », et qui a dû signifier à l'orig. « faire paître (le bétail) » (
cf. encore les sens de
gagnage*, ainsi que l'a. h. all.
weida subst. « pâturage; nourriture »), d'où, en fr., « cultiver », prob. en raison du système de l'assolement triennal, dans lequel les champs, après avoir servi de pâturages, étaient labourés. Le sens de « cultiver » est attesté en a. fr. et en m. fr. (1155 ds T.-L.;
Gdf.) et s'est maintenu dans les patois de l'Est, v.
FEW t. 17, p. 461. Le verbe a pris ensuite celui de « s'assurer (un profit matériel) par un travail (en général) ».