ESTAGNON, subst. masc.
Étymol. et Hist. 1844 (
Journ. de chimie méd., 643 ds
Quem. DDL t. 3). Empr. au prov.
estagnoun (
Mistral), dér. avec suff. lat.
-one (-on*
) de l'a. prov.
estanh « étain » correspondant au fr.
étain*.
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Histoire :
Attesté depuis 1844 [dans un texte énonçant les mesures sanitaires proposées par les distillateurs de Grasse au préfet du département du Var] (Journal de chimie médicale, 2e série, tome 10, page 648 = DDL 3 : 1° A obliger les chaudronniers à n'employer que de l'étain pur pour étamer les estagnons. […] 3° Qu'après l'étamage effectué, les chaudronniers seront tenus de faire vérifier les estagnons par les chimistes désignés. 4° Que les estagnons porteront l'estampille du chaudronnier qui les a fournis […] Cet arrêté, s'il est pris pour Grasse, devrait être mis à exécution partout ; de plus on devrait défendre : 1° A qui que ce soit d'employer des estagnons en zinc). À proprement parler, le terme semble donc se définir « vase de cuivre étamé à l'étain fin, sans aucun alliage ». Première attestation lexicographique, témoin d'une amorce de dérégionalisation de la lexie : 1845 (Bescherelle1 : estagnon s. m. Vase de cuivre étamé dans lequel les eaux distillées et notamment celles de fleurs d'oranger sont envoyées du midi de la France). La vitalité du terme dans le français de Provence explique, sans doute, que le mot apparaît dans la métalangue de quelques ouvrages de lexicographie différentielle. C'est ainsi qu'en 1878, Azaïs, Dictionnaire utilise estagnon dans sa définition d'occitan estagnou, assorti d'une périphrase explicative. En ce qui concerne l'attestation de 1681 relevée dans un document valaisan par Liard in GPSR 6, 733a et Rapport GPSR 86, 4, elle illustre le sens de « petit demi‑litre », emprunté au francoprovencal (cette donnée ancienne, estagnon d'Aouste, qui apparaît dans un contexte latin, est à ajouter à FEW 12, 226b, stagnum I, à la suite de la forme dialectale étagnon relevée à Aoste). -
Origine :
Transfert linguistique : emprunt à l'occitan estagnon subst. masc. « vase de cuivre étamé dans lequel on conserve l'eau de fleurs d'oranger » (attesté depuis 1878 seulement, Azaïs, Dictionnaire ; FEW 12, 227a, stagnum I). La notoriété et la diffusion du terme ont été assurées par la voie du commerce et soutenues par l'usage écrit administratif et juridique lié à la cascade d'arrêtés et d'ordonnances (en particulier l'ordonnance du 28 février 1853, cf. Larousse1 ; Guérin, Dictionnaire) relatifs à la réglementation de la fabrication des estagnons, à la suite de nombreux cas d'empoisonnements au plomb, survenus au courant de la première moitié du 19e siècle, tant en France qu'en Belgique et en Hollande, causés par de l'eau distillée de fleurs d'oranger qui avait séjourné dans des estagnons étamés à l'alliage plombifère. Comme il se forme quelquefois dans l'eau de fleurs d'oranger un peu d'acide acétique qui dissout le plomb très rapidement, ces vases sont susceptibles de devenir nuisibles pour la santé (voir, pour l'année 1844, les résultats des recherches de l'école de pharmacie de Paris sur ce sujet, in Journal de chimie médicale, 2e série, tome 10, pages 649‑652). Le courant de diffusion empruntant les canaux de l'administration et de l'industrie alimentaire, le mot semble s'être partiellement dérégionalisé, ce dont témoignent les attestations chez des auteurs non originaires du Midi (Bernard Clavel ; Georges Brunerie ; Frantext). À ajouter FEW 12, 227a, stagnum I.
Rédaction TLF 1980 : Équipe diachronique du TLF. - Mise à jour 2005 : Nadine Steinfeld ; Armelle Evrard. - Relecture mise à jour 2005 : Jean-Paul Chauveau ; Pierre Rézeau ; Éva Buchi.