DARWINISTE, adj. et subst.
Étymol. et Hist. 1870
(Lar. 19e). Dér. avec suff.
-iste* du patronyme
Darwin (v.
darwinisme).
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Histoire :
II. subst. et adj. « partisan du darwinisme ». Attesté depuis 1866 [séance du 4 octobre : Discussion sur la mâchoire humaine de la Naulette (Belgique)] (BullSocAnthrop, deuxième série, volume 1, pages 594‑595, in Google, Recherche de Livres : (M. Broca) Je conçois tout l'embarras qu'éprouve M. Pruner‑Bey [Franz Pruner‑Bey (1808–1882), médecin et anthropologiste allemand, membre de la Société d'Anthropologie de Paris et l'un des principaux interlocuteurs de Broca], et qu'il vient de nous exprimer avec tant de loyauté. Non que je puisse hésiter un seul instant à reconnaître dans cette pièce une mâchoire humaine. La conformation générale de la pièce rend ce diagnostic tout à fait certain, et si quelques caractères positifs ont fait naître dans l'esprit de plusieurs personnes des doutes, d'ailleurs passagers, c'est parce que ces personnes envisageaient les conséquences du fait plus que le fait lui‑même, et parce qu'elles répugnaient à admettre une détermination qui, une fois faite, devait fournir un argument à la doctrine darwinienne. Et c'est bien là, en effet, quoiqu'il ne l'ait pas dit, la préoccupation de M. Pruner‑Bey. Pour moi, qui n'ai pas de préoccupation de cet ordre, et qui me suis fait une loi de faire passer les faits avant les théories, je déclare d'abord que la mâchoire de la Naulette est évidemment humaine, et j'ajoute qu'elle présente, non moins évidemment, à un degré tout à fait spécial, des caractères qui la rapprochent du type des singes supérieurs. J'ai déjà eu l'occasion de dire que je ne suis pas darwiniste. L'opinion de Darwin sur la transformation et l'évolution des espèces est une ingénieuse hypothèse à laquelle, il ne manque, suivant moi, qu'une seule chose essentielle : la démonstration. Les savantes considérations sur lesquelles Darwin s'est appuyé ne sont pas des preuves, et Darwin, d'ailleurs, n'a pas cherché à appliquer sa doctrine au groupe humain. D'autres ont essayé de le faire à sa place, mais la première condition à remplir, avant de songer à établir une filiation entre deux espèces ou deux groupes d'espèces, est de constater l'existence de types intermédiaires disposés en série continue entre les deux groupes. Lorsque cette série intermédiaire est une fois constituée, il n'en résulte nullement que l'hypothèse darwinienne soit démontrée, ni même qu'elle soit probable, mais il en résulte du moins qu'elle n'est plus impossible. Or jusqu'ici l'intervalle anatomique compris entre le type humain le plus inférieur et celui des singes supérieurs constituait un immense hiatus. Les darwinistes ne l'ignoraient pas, et, ne trouvant pas, dans l'humanité actuelle, les types de transition, ils annonçaient du moins que ces types devaient se retrouver dans les débris fossiles de l'humanité primitive). Première attestation lexicographique : depuis 1870 (Larousse1 : darwiniste s. m. Partisan du système physiologique de Darwin). -
I. adj. « de Darwin, du darwinisme ». Attesté depuis 1867 [séance du 21 novembre : Discussion sur les proportions des membres] (BullSocAnthrop, deuxième série, volume 2, page 639, in Google, Recherche de Livres : (M. Broca) Je m'étonne d'entendre élever des doutes sur la valeur scientifique de la comparaison anatomique de l'homme et des animaux anthropomorphes. Cette étude date de longtemps, et je ne crois pas que jusqu'ici personne y ait trouvé à redire. Les savants qui ont précédé notre époque auraient été bien surpris si on leur avait proposé d'appliquer les procédés de l'anatomie comparée à toute la série animale, hormis le seul groupe humain. Je sais bien que ce parallèle anatomique a acquis depuis quelques années un intérêt particulier, et que des comparaisons acceptées jusqu'alors comme inoffensives ont paru dangereuses depuis qu'elles ont été invoquées en faveur de l'hypothèse darwiniste). -
Rem. a) néo‑darwiniste, subst. masc. « partisan du néo‑darwinisme ». Attesté depuis 1899 (Le Dantec, Lamarckiens et Darwiniens, page 68, L'hérédité des caractères acquis, in Gallica : Les néo‑Darwinistes n'ont pas été arrêtés pour si peu. Darwin n'était pas assez Darwiniste et s'était laissé aller à prendre au sérieux le deuxième principe de Lamarck, celui de l'hérédité des caractères acquis, comme si ce principe était nécessaire et comme si la sélection naturelle n'était pas suffisante à elle seule pour expliquer la formation des espèces ! Weissmann échafaude un système horriblement compliqué de biophores, déterminants, ides, doués de vertus fantastiques et basés sur de pures hypothèses ; or ce système étant adopté, il devient patent que l'hérédité des caractères acquis est impossible ; il faut donc s'en passer et Weissmann s'en passe ; avec lui tous les néo‑Darwiniens purs admettent comme démontrée l'impossibilité de la transmission héréditaire des variations ). Première attestation de l'emploi adjectival « du néo‑darwinisme » : depuis 1901 (Belli, Observations, page 38, in Google, Recherche de Livres : dans le sens néo‑darwiniste « de plus en plus exclusif de sous‑espèce ou de race spontanée »). -
Rem. b) ultra‑darwiniste, subst. masc. « celui qui soutient à l'extrême la théorie de Darwin ». Attesté depuis 1868 (Archives gén. médecine, page 381, in Google, Recherche de Livres : plus réservé que Vogt [le naturaliste genevois Karl Vogt (1817–1895)] et la brillante école des ultra‑darwinistes, il est aussi plus sérieux par la rigueur, la précision et la force de ses démonstrations). Première attestation de l'emploi adjectival : depuis 1882 (RevScFrEtrang, volume 29, page 657, in Gallica : C'est ce que font aujourd'hui des auteurs ultra‑darwinistes). -
Origine :
I./II. Formation française : dérivé déonomastique du nom propre Darwin (darwinisme*, TLF‑Étym) à l'aide du suffixe ‑iste* (I. A. 6. c). Cependant, il serait plus prudent de considérer que ce mot est de formation sans doute polygénétique, à en juger d'après l'anglais Darwinist adj. et subst. (attesté depuis 1874, The Dublin Review, 533, in Google, Recherche de Livres ; le subst. est recensé seulement depuis 1883 d'après OED2), l'allemand Darwinist subst. (depuis 1872, Grimm) et l'italien darwinista subst. (depuis 1867, Rivista universale II/6, 116, note 1, in Google, Recherche de Livres). En français, le terme semble avoir été introduit par le fondateur, en 1859, de la Société d'Anthropologie de Paris, le chirurgien transformiste Paul Broca (1824–1880), qui contesta le rôle fondamental attribué à la sélection naturelle dans la transformation des espèces. Même l'origine humaine identifiée par Broca dans la mâchoire de La Naulette, découverte en 1866 (cf. citation ci‑dessus), ne suffit pas à ses yeux, à prouver l'idée de la transformation des espèces. Réfractaire à la théorie du processus sélectif qui s'accompagne de l'élimination des individus les moins aptes, Broca affirme que la sélection naturelle n'est au mieux qu'un concours au mécanisme de l'évolution, et se refuse à admettre qu'elle rend compte de l'ensemble des phénomènes. Certains caractères anatomiques paraissent ne rendre aucun service à leurs possesseurs, cette inutilité ne peut, par conséquent, avoir donné prise à la sélection naturelle. Broca est cité à ce sujet par Darwin dans Origine des espèces, chapitre additionnel VII de la 6e édition (1872) (Peckham, Origin, 232). Combinant l'hypothèse générale du transformisme aux deux postulats de l'analogie entre séries parallèles et de la persistance de types structuraux en decà de leurs diversifications, la démarche scientifique de Broca le conduit à grouper toutes les connaissances autour des faits les plus certains, c'est‑à‑dire des faits anatomiques (cf. ci‑dessus citations de 1866 et 1867). Le dialogue qu'engagea Broca avec la pensée de Darwin fut un rendez‑vous manqué, illustrant dans le champ de l'anthropologie, avec une particulière netteté, les obstacles épistémiologiques à l'introduction du darwinisme en France (cf. TLF‑Étym, darwinisme). Ajouter FEW 3, 18b un nouvel article Darwin ; Schweickard, Deonomastik, 20‑21, 23.
Rem. Formations françaises : dérivé du substantif et adjectif darwiniste* à l'aide du préfixe néo‑* (II. C. e) ou à l'aide du préfixe ultra‑* (I. A. ,787a). Le terme Neo‑Darwinist est attesté dès 1895 chez le naturaliste anglais darwinien George John Romanes (1848–1894) dans son ouvrage intitulé Darwin after Darwin (OED2). En français, néo‑Darwiniste apparaît, en 1899, sous la plume du biologiste transformiste Félix Le Dantec (1869–1917), adversaire acharné du néo‑darwinisme, dont le biologiste théoricien allemand August Weismann (1834–1914) s'est institué le champion. Ajouter FEW 3, 18b un nouvel article Darwin ; Schweickard, Deonomastik, 141, néo‑darwiniste.
Rédaction TLF 1978 : Équipe diachronique du TLF. - Mise à jour 2009 : Nadine Steinfeld. - Relecture mise à jour 2009 : Frankwalt Möhren ; Wolfgang Schweickard ; May Plouzeau.