CORPS, subst. masc.
Étymol. et Hist. A. « Partie matérielle des êtres animés »
1. a) ca 881
corps « l'organisme humain (p. oppos. à l'âme, à l'esprit) » (
Eulalie, 2 ds
Henry Chrestomathie, p. 3); 1
remoitié du
xiies.
cors a cors « de très près (dans un combat, une lutte) » (
Couronnement Louis, éd. E. Langlois, 2360); 1888
corps à corps subst. masc. (
Courteline,
Train 8 h 47, p. 68);
ca 1260
faire folie de son corps (en parlant d'une femme) « mener une vie déréglée » (
Ph. de Novare,
Quatre âges, 50 ds T.-L.); 1863
femme folle de son corps (
Littré);
ca 1243
cors « l'organisme humain (p. oppos. aux biens matériels) » (
Ph. Mousket,
Chron., éd. Reiffenberg, 30264);
b) ca 1050
cors « cadavre » (
Alexis, éd. Ch. Storey, 583);
c) ca 1160
le cors Nostre Seinur « l'Eucharistie » (
Wace,
Rou, éd. A. J. Holden, t. 1, p. 188, 753); 1524
corps glorieux (
Gringore,
Le Blazon des hérétiques ds
Œuvres complètes, éd. Ch. d'Héricault et A. de Montaiglon, t. 1, p. 333);
2. a) ca 1050
corps « personne, individu » (
Alexis, éd. Ch. Storey, 399) −
ca 1465,
Maistre Pierre Pathelin, éd. R. T. Holbrook, 186;
b) fin
xiies.
sor lor cors deffendant « en se défendant » (
Conquête de Jérusalem, éd. C. Hippeau, 141);
ca 1220
seur son cors deffendant « malgré elle » (
Lai ombre, éd. J. Bédier, 677); 1585
en son, leur corps defendant (
N. Du Fail,
Contes d'Eutrapel ds
Œuvres facétieuses, éd. J. Assézat, t. 2, p. 200); 1613
à mon, son corps deffendant (
Régnier,
Satire XV ds
Œuvres complètes, éd. G. Raibaud, p. 198, 8);
c) 1283
prise de (leur) cors (
Ph. de Beaumanoir,
Coutumes de Beauvaisis, éd. A. Salmon, t. 2, p. 269, 1522);
d) 1580
à corps perdu (
R. Garnier,
Antigone, 1151 ds
Tragédies, éd. W. Foerster, t. 3, p. 41);
e) 1549
garde du corps « ensemble de personnes chargées de la garde d'un souverain » (
Est.) − 1671, Pomey ds
FEW t. 17, p. 516 b; 1567
gardecors « personne chargée de la protection d'un souverain » (
Baïf,
Le Brave ds
Euvres en rime, éd. Ch. Marty-Laveaux, t. 3, p. 213), forme isolée; 1680
garde du corps (
Rich.,
s.v. garde);
f) 1672
drôle de corps (
Montfleury,
La Fille capitaine, V, 3 ds
Livet Molière, t. 2,
s.v. drôle);
3. début
xiies.
cors « tronc du corps » (
Roland, éd. J. Bédier, 1586);
4. ca 1170
cors « partie d'un vêtement qui couvre le buste » (
Wace,
Rou, éd. A. J. Holden, t. 2, 8120); 1575
corps de robbe (
Inventaire Château Montrond ds
IGLF); 1666
corps de jupe (
A. Furetière,
Le Roman bourgeois, éd. E. Colombey, p. 109).
B. « Partie principale »
1. xiiies. [ms.]
cors de la cité « partie principale de la ville » (
G. de Villehardouin,
Conquête de Constantinople, éd. E. Faral, 387 var.);
2. xiiies.
cors de la maison [lat. :
œdem] (
Macchabées, éd. P. Meyer ds T.-L.); 1590
cors de logis (
Comptes manoir Rouen, 500 ds
IGLF);
3. 1528 typogr.
corps d'une lettre (
Inventaire de Louis Royer ds
Mém. de la Soc. de l'hist. de Paris et de l'Île-de-France, t. 21, 1894, p. 108, 207); 1671
corps d'un discours, d'un livre, etc. « le discours, le livre lui-même, à l'exclusion de la préface, des notes, etc. » (
Pomey); 1694 calligraphie
corps d'une lettre « trait principal d'une lettre »
(Ac.);
4. 1754
corps de délit (
Encyclop. t. 4, p. 267 a); 1824
corps du délit (
Balzac,
Annette, t. 4, p. 65).
C. « Objet matériel »
1. ca 1270
cors celestre (
J. de Meung,
Rose, éd. E. Langlois, 17094);
2. 1552
petitz corps « atomes » (
Ronsard,
Amours, éd. P. Laumonier, t. 4, p. 40);
3. 1561 anat.
corps estrange (
A. Paré,
Œuvres, éd. J.-F. Malgaigne, t. 2, p. 76 a); 1680
corps étranger (
Rich.,
s.v. étranger);
4. 1580
corps « tout objet matériel » (
B. Palissy,
Discours admirables, p. 430 ds
IGLF);
5. 1585 chim.
corps simple (
N. Du Fail,
Contes et discours d'Eutrapel, éd. J. Assézat, t. 1, p. 274).
D. « Groupe (de personnes, de choses) »
1. fin
xiiies.
corps de lois (
Couronnement Renart, éd. Méon, 2528 ds T.-L.), attest. isolée; 1671 (
Pomey);
2. a) 1304
cors de ville (
Roisin, éd. Brun-Lavainne, p. 345);
b) 1434
corps « ensemble organisé de personnes (en gén.) » (
Journal de Clément de Fauquembergue, éd. A. Tuetey, t. 3, p. 142); 1585
corps politic (
N. Du Fail,
op. cit., t. 2, p. 15); 1606
en corps (
Nicot); 1789
corps constitué (
Sieyès,
Qu'est-ce que le Tiers état? p. 70); 1790
corps électoral (
Mirabeau,
Disc. ds
Brunot t. 9, 2, p. 754, note 5); 1817
corps diplomatique (
Staël,
Consid. Révolution fr., t. 2, p. 273);
3. 1469
corps « groupe de soldats » (
Lettre de Louis XI ds
Bartzsch); av. 1662
corps d'armée (
Pascal,
Proph. 26 ds
Littré); 1579
corps de garde [sens indéterminé] (
H. Estienne,
La Précellence du langage françois, éd. E. Huguet, p. 355); 1580 « local dans lequel se tiennent les soldats de garde » (
R. Garnier,
Antigone, 805 ds
Tragédies, éd. W. Foerster, t. 3, p. 30); 1583 « groupe de soldats chargés de garder un poste, etc. » (
Id.,
Les Juives, loc. cit., p. 124); [1689 Les quolibets que je hasarde Sentent un peu le
corps de garde (
La Fontaine,
Lettre au duc de Vendôme ds
Œuvres, éd. H. Régnier, t. 9, p. 446)]; 1694
plaisanteries, etc. de corps de garde (Ac.);
4. 1607
corps des artisans, etc. (
Hulsius); 1771
esprit de corps (
Turgot,
Œuvres, éd. G. Schelle, t. 3, p. 521);
5. 1835
corps de ballet (Ac.). E. « Consistance »
1. 1580 d'une teinture (
B. Palissy,
Discours admirables, éd. A. France, p. 460 ds
IGLF : les teintures sont toutes diaphanes, n'ayant aucun
corps); 1680 d'un vin (
Rich.);
2. av. 1715 fig.
donner du corps (à une idée, etc.) (Fénelon ds
Guérin). Du lat. class.
corpus, attesté aux sens de base A 1, 2, 3, B 1; sens C en lat. class., repris en fr. surtout au
xvies.; le sens D est également latin;
corpus juris en b. lat. comme titre du Code Justinien. En a. fr., l'emploi de
corps pour désigner un individu n'est possible que lorsque le mot est déterminé; ce sens ne s'est maintenu en fr. mod. que dans des expr. figées,
cf. A 2, b-f.