CHIFFRE, subst. masc.
Étymol. et Hist. 1. xiiies.
chifres « zéro » (
G. de Coinci,
Mir., éd. V. F. Kœnig, t. 1, p. 59 [ici au sens fig. ds l'expr. très fréq.
chifre en augorisme : « personne sans valeur »]) − 1599 (
Ph. de Marnix,
Differ. de la Relig., II,
iv, 2 ds
Hug.);
2. a) 1485
chiffre « signe qui sert à représenter les nombres » (
Tropfke,
Geschichte der Elementar-Mathematik..., Berlin, 1921-24, t. 1, p. 13 d'apr.
FEW t. 19, p. 156a,
s.v. ṣifr);
b) 1599 fém. « calcul » (
Ph. de Marnix,
Differ. de la Religion, I,
iii, 5 ds
Hug.); 1835 plur. « mathématiques »
(Ac.);
c) 1832 « le nombre représenté par les chiffres » (
Stendhal,
Souvenirs d'égotisme, p. 115);
3. a) 1497-98 « écriture secrète » (
Commynes,
Mém., VIII, 16, éd. J. Calmette, t. 3, p. 221);
ca 1657 « langage symbolique » (
Pascal,
Pensées, section X, n
o691 ds
IGLF);
b) 1741 mus. (
M. Corette,
Méthode de violoncelle, p. 6);
4. 1529
chyfres « lettres initiales des prénoms, du nom de quelqu'un » (
G. Tory,
Champfleury..., LXXIII, v
oal. 5 ds
IGLF). Empr. à l'ar.
ṣifr « vide, zéro » (
Freytag t. 2, p. 503;
FEW t. 19, pp. 156-158), calque du skr.
śūnya «
id. », par l'intermédiaire du lat. médiév.
cifra « zéro » (
xiies.,
Anon.,
Algor. Salem. ds
Mittellat. W. s.v., 574, 12). Le zéro étant l'innovation la plus importante et la plus caractéristique du système numérique ar., le mot
chiffre a fini par désigner toutes les figures de ce système, d'où 2. Le sens 3 est dû au fait que le zéro semblait doué d'un pouvoir magique. Le passage de [s] à [ʃ] s'explique difficilement; l'hyp. d'une infl. de l'ital.
cifra « chiffre » (1476 « caractère secret » Masuccio ds
Batt.) ou celle, insuffisamment documentée, d'une infl. du cat.
xifra (
Cor.) sont peu probables. L'hyp. d'une infl. du pic. en raison de l'adoption précoce du système numérique ar. par les villes industrielles du Nord (Jordan d'apr.
FEW, loc. cit.) conviendrait mieux, les textes les plus anciens étant picards.