CHEIRE, subst. fém.
Étymol. et Hist. 1886 (
A. de Lapparent,
loc. cit.). Terme auvergnat; à rapprocher de l'a. rouergat
quier « tas de pierre » attesté en 1525 (ds
Affre,
Dict. des institutions, mœurs et coutumes du Rouergue d'apr.
FEW t. 2, p. 409a), du forézien
chèr, cheir « amoncellement de pierres » (v.
Mistral,
s.v. quier et
chèir;
Dauzat Topon., p. 84), du gascon
quèr (
Rohlfs,
Le Gascon, Tübingen-Pau, 1970, § 84) et du catalan
quer « rocher » (lat. médiév.
kerus, anno 839;
chera xies. ds
GMLC, s.v. carius); ces mots remonteraient à une racine pré indo-européenne *
kar(r)- « pierre » (leur forme supposant une var. *
kariu, *
karia) dont l'aire géogr. s'étend dans le domaine gallo-roman (v. aussi
garrigue), la zone alpine, l'Italie (v.
DEI, s.v. carra), la péninsule ibérique (v.
Cor.,
s.v. carrasca) et qui se retrouve dans le basque
karri, arri « pierre » (
FEW t. 2, p. 408
sqq.; P. Fouché ds
R. Lang. rom., t. 68, pp. 295-326;
L.-F. Flutre,
Recherches sur les éléments prégaulois dans la topon. de la Lozère, Paris, Belles-Lettres, 1957, pp. 84-89; G. Alessio ds
Studi Etruschi, t. 9, pp. 131-151 et t. 10, pp. 165-189;
E. Nègre,
Les Noms de lieux en France, Paris, 1963, p. 18 et 30).
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Histoire :
Régionalisme (Puy‑de‑Dôme : zone de Clermont‑Ferrand et de la chaîne des Puys) et terme de géographes et de géologues : « étendue de terrain constituée par certaines coulées de lave récentes, hérissée de blocs rocheux chaotiques et de pierrailles, semi‑désertique et incultivable (en référence à la chaîne des Puys) ». Attesté depuis 1427 [dans un document concernant St‑Pierre‑le‑Chastel, dans le Puy‑de‑Dôme] (Delaunay, BullAuv 89, page 305, in Chambon, Mélanges variétés français I/1, page 22 : la cheyre commune, d'une part, le champ de Mioche, devers nuyt). Cf. aussi cette attestation légèrement postérieure, qui se présente sous une forme non adaptée en français : 1437 [dans un document concernant Nohanent] (Archives Puy‑de‑Dôme, ms. 3 G, arm. 11, sac H, c. 3 e : a travers de la cheyra de las Clouzelles). — Première attestation dans le milieu savant local : 1788 (Legrand d'Aussy, Voyage, page 431 [aussi 432 et 433] : Aussi leur a‑t'on donné en Auvergne un nom particulier. On les y appelle cheires). Cf. aussi Montlosier, Théorie, page 36 sqq. [1802] et d'autres attestations du début du 19e siècle in Chambon, Mélanges variétés français I/1, page 22. — Dans le vocabulaire spécialisé des géologues, le terme est attesté depuis 1833 (Burat, Terrains, page 321 : Ces laves forment des déserts plus ou moins étendus, très difficiles à parcourir, et connus sous le nom de scheires : telles sont celles de Côme, Louchadières, Volvic, la Vache, Lassolas etc.) ; dans celui des géographes, depuis 1907 (Lapparent, Géographie, pages 107‑108 ; 1908 in Vidal de La Blache, Tableau, page 298). La tradition lexicographique est continue depuis 1899 (Larousse2 : les cheires). -
Origine :
Transfert linguistique : emprunt à l'occitan auvergnat cheyra subst. fém. « étendue de terrain constituée par certaines coulées de lave récentes, hérissée de blocs rocheux chaotiques et de pierrailles, semi‑désertique et incultivable (en référence à la chaîne des Puys) » (attesté en 1248 [in terra de la cheira] par le moyen français de Basse Auvergne, Chambon, Richesses). Les premières attestations connues de l'emprunt remontent au moyen français, dans des sources documentaires auvergnates. À partir de la fin du 18e siècle, le mot entre dans le vocabulaire de l'érudition régionale tout en restant clairement perçu comme régional : nom donné « en Auvergne » (Legrand d'Aussy), « dans le pays » (P. M. Gault) ou « par l'habitant » (Ordinaire) ; cf. aussi dans ce sens, en 1861, Mège, Idiotismes, page 69. Cette migration du vocabulaire ordinaire à celui de l'érudition s'explique par la découverte, dans la seconde moitié du 18e siècle, de la nature volcanique des Monts Dôme. À partir de l'érudition clermontoise, le mot s'est introduit au 19e siècle dans le vocabulaire des géologues, puis est passé dans celui des géographes. Il entre dans la lexicographie générale à la toute fin du 19e siècle. La popularisation des usages savants à travers l'enseignement, les ouvrages de vulgarisation et les productions touristiques est venue renforcer et légitimer en retour l'usage régional ; la tradition livresque semble avoir pratiquement oblitéré aujourd'hui la tradition locale et rurale. Cf. von Wartburg in FEW 2, 409a, *carra I 2 a ; Chambon, Richesses ; DCVB 9, 43a, 815 ; DECat 6, 926‑935.
Rédaction TLF 1977 : Équipe diachronique du TLF. - Mise à jour 2007 : Jean-Pierre Chambon ; Hélène Carles. - Relecture mise à jour 2007 : Max Pfister ; Éva Buchi.